Réforme de la formation, pourquoi la France est encore très loin du compte

Notre pays se livre désormais tous les cinq ans (à chaque nouveau mandat présidentiel) à des tentatives de réforme de sa formation professionnelle.

Tous les 5 ans les texte de lois sont à la fois timorés, lacunaires (il faut des dizaine de décrets pour expliquer la loi), inaboutis et le plus souvent inapplicables (inappliquées et non financées).

La réforme discutée cette semaine en première lecture au Parlement ne diffère en rien de la précédente (2014) avec ses impasses, ses non-dits et son verbiage technocratique (une logorrhée et une bouillie réglementaires confortées par la commission des affaires sociales) qui aboutissent invariablement à enkyster toujours plus le corps social et son système d'éducation pour les adultes

Le CPF, un piètre « pilier" formation bâti sur le sable paritaire de 2014

L’invention du Compte Personnel de Formation, pâle successeur du DIF de 2004, n’aura permis qu’à 1% des salariés de se former depuis 2015 (contre 6 à 7% avec le défunt DIF)

Même transformé en euros (sans plus d’argent disponible il faut le souligner) ce dispositif est condamné et ne pourra jamais représenter une solution formation universelle, simple et utile à tous les travailleurs. Tout au plus il sera une cagnotte formation pour certains DE et le signal qu'il faut attendre de devenir chômeur pour se former.

Le CPF témoigne des errements sociaux de la précédente majorité (socialiste) qui prétendait à la fois

- Nationaliser la formation

- Sécuriser les salariés en piochant dans les budgets formation de leur employeur

- Traiter statistiquement le chômage (après le vain traitement social des années 80) en transformant tout chômeur en stagiaire de la formation (près de 50 % des chômeurs sont qualifiés en France mais ils ne trouvent pas d’emploi car notre pays s’est spécialisé dans les produits et services de qualité moyenne tout en rendant le travail cher, complexe et conflictuel).

- Stocker les problèmes éducatifs et sociaux dans des comptes (contes) comme le CPF, le CPA, le CEC (Compte Engagement Citoyen), le compte pénibilité, le CET (Compte Epargne Temps)….

Le CPF, la meilleure façon de ne pas se former

Le CPF imite l’école en multipliant les injonctions paradoxales et paralysantes (stocker vos heures, stocker vos euros de formation mais formez-vous tout au long de la vie)

En décrétant que le CPF serait stockable sur 10 ans (au lieu de 6 ans précédemment) sans évidemment prévoir un provisionnement des 500 euros (ou 800) annuels de chaque salarié  les pouvoirs publiques prennent un quadruple risque :

- de voir un majorité de salariés thésauriser leur « cagnotte » formation jusqu’à 2029 ou au-delà (en attendant de chômer pour se former)

- de dessaisir l’entreprise de la formation de ses salariés au profit de ce leurre éducatif, qu'est un compteur individuel et fantasmé

- de ne pouvoir financer que 5 % des sommes théoriquement accumulées par les 18 millions de salariés (10 milliards d’euros annuellement stockés + 30 milliards d’euros avec la transformation des heures acquises de 2004 à 2018 en euros mais sans aucun provisionnement)

- de naufrager ce qui reste des organismes de formation avec une ridicule application numérique (magique) qui ne fonctionnera jamais mais complexifiera encore plus les procédures pour apprendre (comment connaître la totalité de l’offre de formation dans un pays, comment commander, suivre et financer la formation de 30 millions d’actifs sur un écran de Smartphone ?)

L’impasse du temps de la formation

La formation c’est à la fois du temps (consacré à apprendre) et de la motivation. Le facteur temps pour la formation est éludé dans le texte de loi. On part du principe que les 35 heures sont intouchables et absolument pas utilisables pour se former. Mieux encore on interdit aux salariés de se former plus de 30 heures par an sur leur temps libre (autrefois c'était 80 heures dans l’année) de peur sans doute que nos compatriotes s’épuisent le soir à apprendre après le travail (rassurons-nous un ouvrier non-qualifié passe en moyenne 1 minute par jour à apprendre et il ne risque guère de dépasser ce temps très faible dans les prochaines années).

L’impasse du financement de la formation des 30 millions d’actifs

Si le concept de formation tout au long de la vie veut dire quelque chose en France (mais depuis la loi de 2014 il semblerait qu’il soit oublié par nos édiles) ce n’est pas 24 heures, 35 heures ou 500 euros de formation qu’il faudrait consacrer à la formation mais (au moins) 10 % du temps travaillé (150 heures, 4 heures par semaine, le temps des RTT).

Si la formation devenait naturelle et simple pour tous les actifs (non-salariés compris) et si comme le déclare notre Président « nous dépensons un pognon fou dans le social et le curatif » ce n’est plus 1 % du PIB qu’il faudrait consacrer à la formation mais au moins 3% de ce même PIB.

Si la formation est à la fois l’autonomisation des travailleurs (ce que le CPF ne permet pas, même transformé en euros) et si la responsabilisation de tout le corps social est nécessaire alors la réforme de 2018 est encore un coup pour rien, encore 5 années de perdues pour un pays qui n'arrivera pas à prendre le train de la société de la connaissance.