Rapport Conway : ce qu’en pense l’Union des Français de l’Etranger Par François BARRY DELONGCHAMPS

Rapport Conway : ce qu’en pense l’Union des Français de l’Etranger Par François BARRY DELONGCHAMPS

 

Le 21 juillet 2015, Hélène Conway-Mouret, ex-ministre des Français de l'étranger, a remis un rapport sur le Retour en France des Français de l'étranger, au Premier ministre Manuel Valls, en présence des Secrétaires d’Etat Clotilde Valter et Matthias Fekl.

Annonce de la publication et téléchargement du rapport.

Ce qu'en pense l'Union des Français de l'Etranger :

Le rapport de Mme la Sénatrice Hélène Conway sur le retour en France des Français de l’étranger a le mérite de faire apparaitre les difficultés invraisemblables auxquelles se heurtent nos compatriotes installés à l’étranger lorsqu’ils décident de venir ou revenir s’établir en France. La liste des sujets est bien identifiée : assurance maladie, emploi, logement, situation fiscale, retraite, scolarité des enfants, etc. Il n’est de question liée à l’installation en France qui ne soit un sujet de complication et de démarches administratives pénibles et harassantes.

Ce point étant dit, le rapport de la sénatrice socialiste pêche en revanche sur trois points majeurs : la méthodologie, le contexte, et par conséquent aussi les solutions. Il ne lui en sera pas fait reproche car elle ne pouvait pas faire autrement étant donné ses options de départ.

1/ La méthode de l’enquête qui vise à faire apparaitre les principales préoccupations et les difficultés des Français de l’étranger à leur retour en France parait des plus improbables. Elle reconnait elle-même, par précaution, qu’il n’existe aucune base d’information permettant de connaitre les flux des Français entrant sur le territoire. Il faut en remercier les autorités françaises qui depuis des lustres ont abandonné tout contrôle des frontières et tout enregistrement des personnes dans les mairies.

L’enquête sur laquelle repose toute la suite du rapport part des contributions recueillies auprès de 7 255 personnes rentrées en France (11%) ou résidant à l’étranger (89%), ainsi que les témoignages ou les propositions écrits de « près de 2 000 d’entre elles ». Une seconde enquête, dite « d’approfondissement », a été réalisée par entretiens auprès de 30 Français rentrés en France depuis moins de 6 mois. L’auteur du rapport souligne « l’impossibilité méthodologique » (sic) de constituer un échantillon de contributeurs représentatifs. On attend la démonstration de cette impossibilité. Il faut donc se contenter de témoignages recueillis au petit bonheur par les sites des consulats, des lettres d’associations, et autres. Tant mieux si le diagnostic parait juste. Mais on remarquera au passage que jamais on ne se permettrait de traiter les préoccupations des Français de France avec la même désinvolture « méthodologique » et sans se donner la peine de constituer un échantillon représentatif. Imaginons les réactions de l’opinion si les préoccupations des habitants du Languedoc ou de Lorraine étaient recueillies d’une manière aussi peu rigoureuse ...

2/ Deuxième remarque, cette fois sur le fond : les raisons pour lesquelles les Français quittent aujourd’hui la France sont laissées de côté dans l’analyse. Elles seraient néanmoins utiles pour connaitre les attentes de ceux qui « reviennent ». C’est donc le contexte même de l’enquête qui est faussé par un déni de réalité. Nous vivons en effet actuellement la troisième vague d’émigration de l’histoire de France, après la Révocation de l’Edit de Nantes et la Révolution française. Mme Conway évoque bien le départ forcé des Huguenots mais fait totalement silence sur cette dimension de la Révolution française. Quoi qu’il en soit, une analyse des motivations de ceux qui partent pourrait apporter quelque éclaircissement sur les attentes de ceux qui entrent. Nous avons déjà souligné, à l’UFE, notre conception de ce phénomène sur lequel il est important de revenir pour mieux comprendre la problématique du moment. Nous ne pouvons pas ne pas constater que nos compatriotes qui quittent le territoire national pour rejoindre ceux qui vivent à l’étranger sont de plus en plus nombreux.

Pourquoi font-ils cette démarche ?
En France, la population active se répartit en trois catégories : ceux qui vivent essentiellement de transferts sociaux, ceux qui occupent des emplois publics, et ceux qui vivent dans le monde de l’entreprise. Les uns et les autres participent, de ce qu’il est convenu d’appeler notre « modèle social », qui a les caractéristiques que l’on connait en ce qui concerne le niveau exceptionnellement élevé des dépenses et des prélèvements publics, assorti d’un chômage de masse et d’un endettement croissant.
En quittant la France pour réaliser leur vie à l’étranger, au moins pour un temps, ces Français qui partent veulent dans leur majorité tenter de réussir ailleurs ce qu’ils ne parviennent pas à faire en France. Ils ne sont qu’une très faible minorité à s’exiler pour des raisons fiscales, mais ils sont en revanche très nombreux à fuir le modèle social actuel. Pour schématiser, et à choisir, ils préfèrent avoir un emploi sans couverture sociale, plutôt qu’une couverture sociale sans emploi.

Il est clair que l’on retrouvera dans l’accueil en France des Français de l’étranger les mêmes questions que celles qui se posaient à leur départ. Encore faut-il être capable de les poser, même si elles font mal. Or il est malheureusement évident que les Français de l’étranger ne trouvent pas à leur retour les réponses aux questions qu’ils se posent. Pas seulement sur les sujets naturellement importants soulevés dans le rapport de Mme la Sénatrice Conway, mais sur ce qui est encore plus important : où va notre pays ? que va-t-il devenir ? quelle place y proposons nous à ceux qui le rejoignent ? S’il ne s’agit en effet que de reprendre sa place dans la file d’attente devant le guichet des aides sociales, la réponse risque de décevoir !

3/ C’est pour cela, hélas, que les propositions du rapport Conway manquent singulièrement de souffle. Mais comment le lui reprocher étant donné le parti retenu au départ qui est évidemment de ne rien changer.

Prenons quelques exemples :

Les Français de l’étranger se heurtent au refus des services fiscaux de leur délivrer des avis de non-imposition, au motif qu’ils ne sont pas répertoriés dans leurs registres. Or les services fiscaux devraient délivrer des certificats de non-imposition à toute personne qui le demande et qui n’a pas été soumise à l’impôt en France. Ce n’est pas un certificat de non imposabilité mais un simple avis de non-imposition.

Autre exemple, dans le domaine du logement : « la meilleure façon pour les personnes de retour de l’étranger de trouver un logement à leur retour en France est encore, pour celles qui le peuvent, de récupérer celui qu’elles occupaient avant leur départ »( p . 33 du rapport). Autrement dit, et l’on ne peut que souscrire à cette proposition, le meilleur moyen de trouver un logement à son retour en France est d’en avoir déjà un. Formidable découverte qui va certainement résoudre de nombreux problèmes !

Sujet également très sensible, l’accès à l’assurance maladie fait l’objet de nombreux développements sans l’ombre d’une proposition efficace. Cette question est pourtant, de l’avis de l’auteur du rapport, la première préoccupation des Français de l’étranger. Une condition de résidence de trois mois est imposée par exemple aux assurés de retour de l’étranger, y compris pour l’accès à la CMU. L’idée que les Français puissent bénéficier d’une mesure plus favorable que les étrangers qui doivent également attendre trois mois, fait frémir … Tout au plus, les Français dépourvus de couverture maladie pourraient-ils être pris en charge au titre de l’Aide médicale d’Etat (prévue de droit pour les immigrants étrangers irréguliers), « sur décision individuelle et ministérielle ». Le rapport propose que ces réponses, qui lui paraissent « satisfaisantes », soient mieux connues des caisses primaires d’assurance maladie. Tout commentaire parait superflu devant de tels raisonnements.

S’agissant de l’école, le rapport souligne, sans en donner les raisons, qu’il est plus facile à un Français de retour en France d’inscrire ses enfants dans une école privée que dans une école publique. L’obstacle principal aux inscriptions scolaires serait dans l’absence de domiciliation des parents. Le rapport propose de faire domicilier les parents à la mairie. Là encore, plutôt que de formuler des propositions innovantes, par exemple dispenser les parents de domiciliation tant qu’ils n’ont pas fixé leur résidence, le rapport s’efforce de coller aux absurdités administratives existantes et de se faufiler dans les interstices.

Le plus grave concerne les listes électorales des Français de l’étranger : Mme Conway propose de rayer automatiquement des listes électorales consulaires (LEC), c‘est à dire la liste électorale des Français enregistrés dans les consulats, ceux qui seraient rayés des registres consulaires. Or il faut savoir qu’on peut être rayé des registres consulaires, par exemple au bout de cinq ans, sans pour autant être rentré en France ni avoir quitté le pays étranger où l’on réside. On serait donc rayé des listes électorales à l’étranger sans même être rentré en France. Beau cadeau aux Français de l’étranger !

L’Union des Français de l’Etranger (UFE) pense que nos compatriotes qui ont choisi de s’installer en France, constituent un public très diversifié, dont les attentes sont multiples. Certains relèvent sans doute d’une aide sociale. Le Centre d’accueil des Français rapatriés (CEFR) a été créé à cet effet et accompli sa tâche remarquablement bien, grâce à l’appui des pouvoirs publics. L’UFE salue son rôle qui demeure actuel. Les autres sont capables de gérer leur installation et de faire face aux mille soucis qui en résultent, grâce à l’appui de notre association, et notamment la représentation de l’UFE - Ile de France. Nous avons enfin créé une filiale, France Expat, spécialisée dans la solution de problèmes juridiques, sociaux, psychologiques, liés à la vie à l’étranger.

Mais ce qui, au-delà de tous ces efforts, apporterait des réponses plus durables aux difficultés du retour en France, serait une réforme de la France et de ses institutions publiques. Le modèle social français, en y incluant l’éducation nationale et la formation professionnelle, apparaissent de moins en moins compétitifs, monstrueusement coûteux et inefficaces. Un aggiornamento radical en la matière, et pas seulement un toilettage informatique et la repeinte des guichets, revêt un caractère décisif.

François BARRY DELONGCHAMPS

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