Semaine du handicap : rencontre avec Julien Bonnet, agent d’accueil au siège de l'ASP

Semaine du handicap : rencontre avec Julien Bonnet, agent d’accueil au siège de l'ASP


A l’occasion de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, Julien Bonnet , agent d’accueil et d’orientation au siège de l'Agence de services et de paiement à Limoges, a accepté de nous livrer, avec sincérité, son histoire et son regard sur le handicap. Un témoignage fort.

Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

La naissance, c’est parfois la loterie. Et certains manquent un peu de chance au début de leur vie.

Je suis né avec un handicap. J'ai une luxation des hanches, les muscles de mes membres inférieurs sont moins développés que la normale et j'ai une fragilité importante au niveau du dos qui peut être assimilée à une forme de paraplégie. Ce handicap m’empêche de porter des charges lourdes et interdit toute activité en station debout prolongée. C’est contraignant, certes. Mais, j’aurais pu ne pas du tout marcher. Alors oui, quelques fées se sont quand même penchées sur mon berceau ! J’estime m’en être plutôt bien sorti.

Bien plus tard, en 2013, j’ai été victime d’un 2e coup du sort. J’ai dû être amputé du pied droit, suite à une infection osseuse contractée des années plus tôt. J’avoue, j’ai repoussé l’inévitable un long moment, par peur de « l’après », de ne plus pouvoir remarcher et de perdre ma vie d’avant. J’ai amené mon pied jusqu’au bout, à la limite de ce qu’il pouvait supporter. Mais j’ai dû me résoudre à m’en séparer. Au final, pour mon plus grand bien. Finis les douleurs intenses et soins réguliers. J’ai gagné en liberté. Dix ans plus tard, ma prothèse tibiale fait entièrement partie de moi, de mon histoire. Je n’y prête plus attention.

Dans chaque épreuve, l’essentiel est de se relever. Pour cela, j’ai pu compter sur le soutien sans faille de ma compagne et de mes proches.

Dans quelle mesure votre handicap a-t-il impacté votre vie professionnelle ?

Depuis toujours, mon handicap est une sorte de tierce personne avec laquelle il me faut vivre et composer. Je vis en fonction de lui et de ce qu’il m’autorise. Il guide mes choix et les limite parfois.

Enfant, je rêvais ainsi d’être pâtissier. Mon léger embonpoint trahit ma gourmandise ! Dès 14 ans, je m’imaginais bien apprenti-pâtissier. « Impossible », m’a-t-on rétorqué, car le métier impose de longues périodes débout. C’est là que j’ai réellement pris conscience de la réalité de mon handicap. Je ne pouvais dévorer le gâteau que des yeux... Frustrant !

J’ai rapidement quitté l’école. J’ai alors enchaîné les stages, les formations et CDD. Je me suis beaucoup questionné et cherché, sans que le « système » arrive à m’aiguiller. J’ai tout écumé. J’ai même visité des entreprises protégées, sans m’y sentir à l’aise. Et puis, un jour, en 2001, les planètes se sont alignées. J’étais au bon endroit, au bon moment, face à un recruteur qui a cru en moi, qui m’a laissé ma chance. C’est ainsi que j’ai intégré le Cnasea (devenu l’ASP), en tant qu’agent d’accueil et standardiste à la Délégation régionale Limousin. A l’origine, un CDD de 9 mois. Vingt-deux plus tard, j’exerce cette même fonction, au siège de l’ASP cette fois.

Certes, ce n’est pas le métier dont je rêvais. Mais, lui et moi, on s’est bien trouvés ! J’ai besoin de me sentir utile aux autres. C’est mon moteur ! Ici, chaque jour, je renseigne et oriente aussi bien nos agents que les visiteurs et appelants. C’est du concret. Un jour, un agent m’a même dit : « Tu es l’une des personnes les plus importantes ici. » Sans aller jusque-là, c’est vrai que je suis un peu la « vitrine de la maison ». C’est à la fois flatteur mais aussi engageant. Je mesure les enjeux de mon poste et ses responsabilités. J’apprécie d’autant plus l’autonomie et la confiance qu’on m’accorde. Aucun jour ne se ressemble. Je suis content de venir bosser chaque matin !

A l’ASP, c’est la compétence qui prime. J’ai pu bouger, évoluer. Mon handicap n’a jamais été un sujet. J’ai toujours été considéré comme un agent « lambda », au sens noble du terme. Les collègues sont bienveillants avec moi.

Je me sens parfaitement intégré, à ma place. Ce n’était pas gagné au début mais je suis heureux d’être arrivé où je suis.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre handicap ?

J’assume parfaitement mon handicap. Il faut s’accepter soi-même pour se faire accepter et respecter des autres. Pour autant, je n’aime pas les étiquettes, les communautés, l’entre soi. Je ne veux pas me limiter à mon « reflet » face à moi. J’aime échanger, partager avec ceux qui ne me ressemblent pas. L’inclusion doit se faire des deux côtés. Et puis, chacun a ses singularités !

J’ai conscience que ma démarche particulière peut intriguer. Je vois encore les regards dans la rue. Mais ils m’indiffèrent. Du haut de mes 47 ans, j’ai la maturité nécessaire pour relativiser et ne plus être touché. Je le dois à mon éducation. Je n’ai pas été couvé par ma mère. Je n’ai pas vécu dans une bulle de verre. Au contraire. Petit, j’étais même un peu casse-cou. Maintes fois, je suis tombé, je me suis relevé, j’ai bravé les interdits, j’ai appris, j’ai affronté les moqueries (parfois à coup de bagarres !), je me suis endurci. Mon vécu a forgé mon caractère, un « mauvais caractère », diraient mes proches !

Même si je ne veux rien m’interdire, mon handicap reste un frein par moment. On m’a récemment refusé l’accès à un grand huit… Pour autant, je ne suis pas en manque de sensations fortes : je pratique des sports mécaniques (rando en quad…). Il y a plusieurs manières d’avancer dans la vie. Si je ne peux pas le faire en courant, je peux le faire en marchant (au grand air de préférence !). A chacun son rythme.

Ma route est peut-être plus longue que celles des autres et semée d’embûches. Mais, elle n’en est pas moins belle. Je partais de loin. Je suis aujourd’hui fier du chemin parcouru.

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

Une vie au moins aussi belle que celle d’aujourd’hui ! Je me sens bien dans ma peau. Je me fixe des objectifs, mais sans viser trop haut. Je vis plutôt au jour le jour. Je n’aime pas trop prévoir les choses, par peur certainement d’être déçu si elles ne se réalisaient pas.

Alors, je fais confiance à la vie et la prends comme elle vient. Le bonheur se cache souvent dans les plaisirs simples : marcher, lire, regarder un bon film, dîner au restaurant, jardiner et aussi voyager. Je suis parti en Corse dernièrement et m’envolerai bientôt pour le Portugal. J’aime être libre de mes mouvements, indépendant. Rien de tel pour se sentir vivant.

Avez-vous un message à faire passer ?

Pour avancer, il faut toujours regarder devant soi, sans se retourner, ni s’encombrer du passé. Il est important aussi de saisir les mains tendues, celles qui aident à se relever. Certaines rencontres peuvent tout changer.

Il faut faire preuve de résilience… et toujours croire en sa chance !



Stéphane Dominguez

Directeur de projet chez axYus

1 ans

Sourire et gentillesse à chaque fois 👍

Nicolas Lebraud

Gestionnaire référent FONPEPS (APAJ et AESP ) - Emploi, environnement et politiques sociales chez Agence de services et de paiement (ASP)

1 ans

Très beau témoignage Julien Bonnet ... Riche en leçons de vie... Bravo 👏

Toujours très bien accueilli par Julien Bonnet.

EMMA COLLADO

Accompagnatrice de changements

1 ans

J'ai beaucoup apprécié le professionnalisme et l'attention de @julien bonnet.

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