Sens dessus dessous : l'avènement de la sécurité sémantique.
Oeuvre sans nom, par Clara Champagne-Laforest

Sens dessus dessous : l'avènement de la sécurité sémantique.

Me voici guéri du COVID.

Cela m'a laissé du temps pour penser à l'infection en général.

Je pourrais parler du sujet pendant des jours. Je vais essayer de résumer.

On aime bien les virus, en sécurité : on aime les décortiquer, les séquencer, extraire des morceaux, ou parfois les mettre dans une boîte et regarder ce qu'ils font.

Et jusque récemment, ils volaient des données, les chiffraient pour vendre la clé, ou bien déstabilisaient le réseau électrique de tout un pays.

Mais il y a quelque années, une nouvelle forme d'attaque informatique a commencé à voir le jour : des fausses personnes relayent des tweets, des posts, et des publicités ciblées découragent des catégories de population d'aller voter.

Cela n'est plus nouveau, depuis la première élection de Donald Trump, en 2016.

Au delà des 5.9 millions de publicités distribuées par le réseau, l'équipe de Trump a aussi profité d'un trafic massif de bots Twitter, notamment après son impeachment. L'article mentionne dans la conspiration QAnon une structure terrifiante :

The follower network of Qanon supporters exhibits a hierarchical structure, with bots acting as central hubs surrounded by isolated humans

Des robots fournissant de l'information viciée à des humains isolés, vulnérables, et manipulables. Une bien sombre vision m'apparaît. Un homme toujours plus terrifié, devant son écran, accumulant toujours plus de matériel de survie en préparation à une apocalypse flottée devant ses yeux. Un mutilé d'une guerre qui n'a pas tiré le moindre coup de feu et emporte des milliers de vie. Une attaque informatique d'un nouveau genre. Une attaque sémantique.

Même l'anti-virus le plus à jour et une équipe de SOC de 300 personnes est impuissante. L'attaque passe tous les pare-feu, toutes les analyses, les machines virtuelles, et les contre-mesures électroniques.

Loin des adresses mémoires, des registres de processeur, et des disques durs, l'attaquant a trouvé une meilleur cachette.

Nos émotions, nos paradigmes.

Nos synapses.

Bienvenue dans l'ère de la désinformation 2.0

Et de la sécurité sémantique.

Du neuf avec du vieux.

La propagande a toujours été une arme de guerre. Les bombardiers américains utilisent des bombes à pamphlets aussi bien que des bombes guidées.

Ce qui change, c'est la topologie du terrain. Personne n'est à l'abri dans les démocraties. Toute personne à le droit d'accéder à des informations, et désinformations.

Désinformation ciblée. Optimisée par des algorithmes maximisant le temps d'écran, et de vues sur les publicités. Certains appellent ça une attaque coordonnée sur nos modèles politiques, d'autres, un business model.

La différence entre 1960 et 2024 est dans l'échelle, l'immédiateté, et l'impuissance des forces de sécurité à protéger la population d'attaques coordonnées de forces étrangères.

Alors la riposte s'organise, avec la sécurité sémantique.

Sangsues contre Censure.

Pour certains, sécurité sémantique a des relents de Ministry of Truth. Orwell, Huxley, et j'en passe ont évoqué à mots cachés le sujet, respectivement dans 1984 et le Meilleur des Mondes.

Si je lutte contre les sangsues de cerveau qui empoisonnent l'information et drainent le sens critique, dois-je opposer une vision unique, dictatoriale, et aseptisée de la vérité ?

Alors, est-ce que j'enfile mes bottes et mon brassard et décide de ce que vous pensez ?

Évidemment que non.

Dans ces moments de fascisme sémantique, je me tourne vers Ray Bradbury.

À la supériorité condescendante de Huxley, et l’oppression d'Orwell, j'oppose la joie immense de Bradbury face à la connaissance, dans Farenheit 451.

La joie d'apprendre, de voir de nouvelles choses et des points de vue divergents. Le lien entre les êtres de bonne volonté. L'optimisme forcené face aux situations inextricables. La confiance en soi, et en l'Homme.

(ouais, c'est comme ça qu'on résume un livre sans spoiler !)

Alors comment protéger la population, en attendant une possible législation ?

La clé -selon moi- de la sécurité sémantique, dans une démocratie, c'est le lien social et l'esprit critique.

Et la base de l'esprit critique c'est (tous en choeur chez Myelin !) ...

Une bonne santé mentale.

Comme une plante saine résiste à la maladie et aux éléments, la santé mentale est un élément clé -selon moi- de la résistance à la désinformation.

Et c'est ainsi que j'ai fait le lien entre mon passé de sécurité informatique, et la santé mentale. Face à des attaques d'un genre nouveau, la sécurité s'est toujours adaptée. Nous devons suivre l'adversaire là où il est.

Alors, nous nous battrons dans les synapses. Nous nous battrons dans les gaines de Myéline. Dans l'ère de Broca, et le système limbique. Nous nous battrons dans les lobes et les limbes. Nous nous battrons dans les rêves et les RAM. We shall never surrender.

La Spammantique

À l'ère du contenu généré par l'IA, le doute va devenir la norme. Le contenu Généré par IA devient de plus en plus convainquant et les pirates l'utilisent déjà.

Le spam va devenir la Spammantique, et dans les pourriels et réseaux sociaux, le faux sera plus vrai que vrai. Dans ces moments sens dessus dessous, le lien social, la santé mentale, et les micro-communautés vont prendre leur plein potentiel. Et la science deviendra le langage et la méthode de communication, la lingua franca de ces micro-communautés. C'est l'objectif de nos produits Myelin et Synerpsy.

Cela prendra des efforts et des moyens. Mais si nous voulons résister à ces attaques, nous devrons apprendre à nous défendre.

Les Russes installent des missiles sol-air, pour leur armée de terre. Peut-être devrions nous installer des "bibliothéc-air" et des "psychoéduca-terre" pour protéger la population des bots de Twitter. Et les équiper.

Je ne sais pas ce que sera la sécurité sémantique. Mais je sais que sans la santé mentale, elle ne sera pas.

Aujourd'hui nous avons des produits de santé mentale. Et à l'heure de la désinformation de masse, des vendeurs de javel médicale et des attaques sémantiques...

Demain, peut-être, ce seront des produits de sécurité.


Edouard Ferron-Mallett

Entrepreneur / Intrapreneur / Strategy / Innovation / Product Strategy / Go-to-market / Financing / Impact Consultant and Advisor for startups, scaleups, SMEs and growth accelerators

4 mois

Merci pour cette nouvelle contribution du Vendredi. Un plaisir de te lire et de te savoir guéri de la COVID. Des réflexions pertinentes et des liens édifiants. Le sens critique restera la faculté de l’Homme pour discerner le vrai du faux ou tout du moins s’en rapprocher. Je te rejoins sur bien des points, et particulièrement sur celui de la santé mentale comme maillon de cette capacité de discernement. Avec une santé mentale ébranlée ou non stabilisée, il doit y avoir une forme de paralysie intellectuelle qui affecte la volonté ou capacité à faire preuve d’un sens critique. Après tout, si on simplifie, quand c’est le brouillard dans la tête (cognitif) ou dans le cœur (émotionnel) on a tendance à rester immobile (comportemental) tandis que le monde continue sa progression (environnement). Alors on avance pas, voir on recul par l’inaction. Enfin, c’est mon interprétation et ça n’engage que moi. On s’en reparle pour rester terre à terre. À vendredi (ou lundi je ne sais plus 😅)

Marie-Charlotte Joset

Enseignante en adaptation

4 mois

Wow François quel beau texte et quelles réflexions pertinentes ! Je rejoins bientôt la gang des psychoeduca-terres, donc je sais que Myelin va d’autant plus faire partie de mes plateformes incontournables dans ma pratique!

Marc-Olivier Schüle Ph.D.

Cofondateur et CEO de Myelin Solutions

4 mois

 "bibliothéc-air" et "psychoéduca-terre" 😂

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