Seules les motivations les moins nobles ont un impact significatif  sur la performance économique de la start-up

Seules les motivations les moins nobles ont un impact significatif sur la performance économique de la start-up

Sonder la motivation des porteurs de projet à intégrer telle ou telle structure d’incubation, n’a qu’une importance relative et n’annonce pas grand-chose sur les probabilités de pérennité du projet entrepreneurial.

La plupart des porteurs de projet démarrent souvent seuls. Et une fois l’activité lancée, ils ressentent le besoin de rompre leur isolement de chef d’entreprise et d’échanger leurs expériences : « pour ne pas être seul », « parce que j’avais besoin de sortir de ma grotte, mon appartement qui me sert de bureau ! »; « parce que j’avais besoin d’un second souffle », « c’est ici que je trouve vraiment ce dont j’ai besoin (…) ici, je ne me sens pas jugé(e), j’ai moins la pression et surtout les conseils sont vraiment bons »

Certains ressentent même le besoin d’un accompagnement différencié et de se retrouver entre soi, avec des profils identiques (comme chez les « Mampreneures ») et souvent les attentes vis-à-vis de la structure d’accompagnement oscillent entre réseau social, réseau d’affaires et réseau de soutien : « J’attends un lieu d’échange et de convivialité au travers duquel je pourrais rencontrer des femmes ayant le même parcours que moi (maman, boulot, maison et copines) avec qui je pourrais échanger et partager des expériences et du savoir faire ».

D’autres sont motivés par l’esprit de « coopétition » qui règne dans la structure d’accompagnement et qui met en exergue (par l’effet d’un discours marketing bien rodé) : « la capacité à s’entraider (…) et à se rendre des services, sans être en concurrence quand bien même chacun(e) défende son commerce… ».

Il ne faut pas se leurrer, ce terme n’est qu’un gadget de propagande : en réalité les incubés coopèrent sur des tas de petites choses (sans grande valeur) mais restent en compétition sur des points essentiels comme l’accès aux capitaux des investisseurs ou l’accès aux consultants qui vont leur concocter des stratégies qui leur permettront de se démarquer des autres.

Certes, ce sont globalement des motivations relativement intéressantes à connaître pour la structure d’accueil elle-même. Mais cela donne assez peu d’éléments d’information pour parier sur les chances de réussite de la startup qui sera éventuellement créée par la suite.

Il ne s’agit pas tant de sonder la volonté d’intégrer telle ou telle structure, il s’agit surtout de sonder la motivation à entreprendre ! Cet aspect primordial est pourtant peu opérationnalisé, peu abordé au-delà des questions basiques posées au créateur et donc peu suivi sur l’ensemble de la période d’incubation.

Dans le chapitre précédent nous avons vu que le scénario capitalistique (sous-estimé au profit du scénario héroïque) est primordial pour convaincre des investisseurs. Or, il n’existe pas de scénario capitalistique cohérent sans connaissance préalable des motivations essentielles de chacun des membres de l’équipe fondatrice.

On peut déceler dans des enquêtes superficielles des tas de motivations apparentes (légères, voire frivoles) au lancement d’une start-up :

-         Risquer l’improbable

-         Transgresser les règles du marketing et du management

-         Inventer des usages

-         Exploiter des technologies

-         Créer de nouveaux business modèles

-         Vouloir changer le monde et y parvenir

-         Travailler en équipe

-         Valoriser mon activité

-         Créer de la valeur

-         Envie de se réaliser et de s’épanouir

-         Volonté d’être libre et indépendant

 

Mais celles qu’il faut absolument déceler sont  plus profondes et de deux ordres : recherche de pouvoir et de richesse. De ces deux là découlent la performance future et la pérennité de l’entreprise.

Plusieurs études académiques récentes ont montré que les deux déterminants les plus répandus parmi les fondateurs sont : a) construire de la valeur et b) diriger et contrôler la croissance de leur création. Les fondateurs doivent choisir entre leur ambition de créer un maximum de valeur financière (« devenir riche ») ou leur volonté de garder le pouvoir au sein de leur entreprise et donc le contrôle de celle-ci (« devenir roi »).

Ce sont certes des désirs complémentaires mais qui engendrent pourtant une tension permanente. Les fondateurs doivent attirer des ressources externes – des gens, de l’information et de l’argent - pour pouvoir saisir les opportunités et construire la meilleure valeur.

Mais pour acquérir ces ressources, ils doivent céder de plus en plus le contrôle. En effet, cofondateurs, investisseurs, employés clés, tous veulent une part du gâteau (devenir actionnaires), pour des raisons bien légitimes. Comment choisir les meilleures options ?

Les fondateurs prenant constamment des décisions favorisant la création de richesse ont plus de chances de parvenir à une issue prospère (de plus grands gains financiers, mais moins de contrôle), tandis que ceux prenant constamment des décisions leur permettant de s’agripper au contrôle de la start-up ont plus de chances de parvenir à une issue royale (plus grand contrôle, moindres gains financiers).

Dans le monde des startups, richesse et contrôle sont en réalité deux motivations découplées et ennemies. Et peu de fondateurs de start-up parviennent à atteindre à la fois prospérité et pouvoir ; la plupart choisissent entre l’un ou l’autre et souvent n’obtiennent ni l’un ni l’autre.

Même une stratégie apparemment raisonnable visant à atteindre progressivement de hauts niveaux de richesse et de pouvoir, plutôt que maximiser l’un par rapport à l’autre, a plus de chances de les éloigner tous les deux. Cette vérité contre-intuitive est surtout valable pour les startups à haut potentiel parce que celles-ci ont un besoin intense de ressources externes pour réaliser ce potentiel et que les conditions d’acquisition de ces ressources sont périlleuses.

Le fondateur sachant laquelle de ces deux raisons prime aura plus facile à prendre ses décisions en accord avec son objectif principal. Mais chacune de ces deux principales motivations a un impact direct sur la répartition du capital, d’abord entre les cofondateurs, ensuite entre les cofondateurs et les investisseurs, accessoirement entre les cofondateurs et les employés clés qui se verront offrir des options sur les actions de la start-up pour compenser leur rémunération (généralement moindre que celle qu’ils auraient pu conserver ou acquérir en travaillant dans des sociétés bien établies sur le marché).

 

Nombre d’études académiques montrent qu’en majorité les fondateurs-dirigeants sont remplacés dans leur rôle de CEO, le plus souvent contre leur gré. Les Bill Gates, Richard Branson, Anita Roddick, Michael Dell, Marc Zuckerberg – riches et puissants CEO des entreprises qu’ils ont créées sont de très rares exceptions. La règle générale étant plutôt que les fondateurs-CEO soient évincés avant tout évènement d’exit (possibilité de sortie du capital, par exemple lors d’une cession de l’entreprise). Seules 7% des startups ayant atteint leurs objectifs de développement, et concrétisé leur potentiel, ont conservé au moins un des fondateurs pionniers à un poste opérationnel élevé.

Quelques études montrent avec emphase les liens de causalité existants entre la motivation du porteur de projet, sa capacité d’apprentissage (acquisition de compétences) et la performance de la startup. Mais peu de travaux se sont penchés sur les liens (et surtout sur les conséquences) plus prosaïques entre soif de pouvoir, appétit de contrôle, voracité de richesse (avidité), performance économique et pérennité de l’entreprise.

Bien sûr ces thèmes sont moins lyriques que ceux de l’autonomie, de l’indépendance, de la réalisation de soi, de l’apport à la société civile voire à l’humanité, du sens du service ou de l’altruisme, etc. En réalité, ce genre d’aspirations a tout simplement peu d’impact sur la performance économique ou sur la survie de la jeune pousse, puisqu’ils n’impliquent pas une répartition spécifique du capital-actions de la start-up.

Au final on se rend compte, de manière contre-intuitive, que les dimensions du projet sont relativement de peu d’importance face au rôle futur que souhaitent occuper le fondateur (initiateur du projet) et ses cofondateurs. Parce que ce rôle futur va conditionner la répartition du capital entre eux et qu’une distribution peu réfléchie augmente drastiquement les probabilités d’échec de la start-up.

En résumé, les accompagnateurs ne sondent généralement pas (ou peu) la cohérence entre :

-         La motivation à entreprendre (habituellement on sonde plutôt la motivation à intégrer la structure d’accompagnement) ;

-         Le choix des associés et des investisseurs ;

-         Le partage avec eux du capital social ;

-         Le montant qui doit être levé (scénario capitalistique) et ce qui sera cédé en échange.


Source : guide pratique "Accompagnement de startups? Méthodes et outils à l'usage des praticiens!"

François CHABREUIL

Doctorant école d'administration des PTT.. Force de proposition. Cadre.

6 ans

Très intéressant, exhaustif et plaisant à lire: Bonjour... et merci de vos éclairages. Je suis impatient, concernant le top5 des plus jeunes et meilleurs entrepreneurs de voir ce que va faire l'un d'eux... À savoir Louis Leclerc , que j'encourage de toutes mes forces...

Alexandra Schmidt

Translator, Conference Interpreter, English French Russian

6 ans

Ouch!

Lionel Fintoni

traducteur/interprète de conférence. Spécialisé en traduction technique et scientifique.

6 ans

Rien de nouveau sous le soleil. Mais cela fait du bien de le lire de temps en temps. Un peu d'honnêteté intellectuelle dans ce monde de faux-semblants. 

salvador Carvajal

INVENTEUR ! École Centrale de Marseille, SUP DE CO Luminy, CNAM automatisme + Saint Charles Marseille Automatisme + Industrie capteur actioneurs+ Mathématique Informatique. Mécanique Chimie Physique ->CONCEPTEUR

6 ans

LE TRAVAIL EST IL AVILISSANT ? PLUS AVILISSANT QUE L ESCROQUERIE ?

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets