Les chroniques du lundi : Si Pygmalion m'était conté

Bonjour à tous, et bienvenue dans cette deuxième chronique, consacrée, comme vous pourrez le constater, à la motivation.

Là, si jamais, vous avez déjà suivi une formation en management, vous vous dites certainement : « il va nous parler de la pyramide de Maslow ». La fameuse pyramide des besoins, du célèbre psychologue Abraham Maslow (point d’orgue de ses recherches commencées… en 1943). Que nenni, dans ces lignes. Le sujet a été vu et revu, et certainement expliqué plus précisément que je ne le ferais ici. D’ailleurs, Google comptabilise quelques 142 000 résultats abordant ce thème. Alors, à part enfoncer des portes ouvertes, je risquerais d’avoir une approche, soit trop restrictive, pour les initiés, soit trop complexe pour ceux qui n’ont jamais entendu parler du concept.

Je vais plutôt vous parler Sculpture. Sculpture et mythologie.

Mais avant de commencer, voici l’anecdote grâce à laquelle l’idée de cette chronique m’est venue. Elle est strictement vraie, et, mis à part les noms cités (totalement inventés, pour le coup), elle sert particulièrement bien mon propos. Cette scène, je l’ai vécue des dizaines de fois. Il est 8h45, et j’anime dans moins de trente minutes une formation en techniques de vente pour commerciaux junior, dans les locaux d’un de mes clients, quelque part en France. En discutant avec un manager, que je connais bien, nous en venons à parler des participants. Et là, mon interlocuteur me glisse une phrase que j’entends donc assez souvent dans mon métier, LA phrase :

 « Ah bon ? Tu vas avoir Richard en formation ? Pierre Richard ? Bon courage ». A ma demande de précision, il se contente d’un laconique mais intrigant « Tu verras, il est pas terrible, on a beaucoup hésité à le prendre ».

Vous allez me dire, qu’a-t-elle de spéciale, cette phrase ? Mon interlocuteur me précise un élément qui, somme toute, va me permettre de savoir qui je vais avoir en face. Il me prépare. En y réfléchissant bien, je devrais même le remercier, non ?

Eh bien, sans le savoir, sans même s’en rendre compte une seconde, il vient de mettre en lumière un processus « d’auto réalisation », qu’on appelle en management l’effet Pygmalion.

Pour commencer, qui est, ou plutôt, qui était Pygmalion ? Sans rentrer dans les détails, il était sculpteur et roi de Chypre du 3ème siècle. Le mythe raconte que, lassé des femmes, il créa une statue de la nymphe Galatée, et tomba amoureux d’elle. Aphrodite lui donna vie. 

Pour faire simple, Pygmalion ne tomba pas amoureux de la statue par rapport à ses qualités, ou à sa beauté, en d’autre termes « à posteriori ». Non, il l'a lui-même sculptée, il a, en quelque sorte « forgé » les raisons pour lesquelles il en est tombé amoureux. Voilà pour la mythologie. Passons au monde réel.

Car là où l’effet Pygmalion a un lien direct avec le monde de l’entreprise, et par extension, la motivation, c’est que tous (ou quasiment tous) les managers le pratiquent sans le savoir.

Le sujet de la "prophétie auto réalisante" n'est d'ailleurs pas présent que dans les mythes. En effet, dans les années 60, Rosenthal et Jacobson, deux chercheurs américains, ont réalisé des travaux formidables sur ce sujet. Rosenthal qui, lors d’une expérience, a convaincu deux groupes d’étudiants qui étudiaient des rats, que ceux-ci étaient, soit très intelligents, soit totalement stupides. Etudiants qui ont réussi (ou échoué) leur expérience (un test de labyrinthe), simplement sur cette hypothèse. Rosenthal qui a, par la suite, mené des travaux avec des enfants, à Oak School, San Francisco. Il a réussi à changer la vision que les professeurs avaient de certains de ces enfants, simplement en trafiquant les résultats d’un test de QI. Le résultat de cette expérience se résume à ces quelques mots : « montrez un QI de 130 et plus, et les gens ne vous regarderont plus de la même manière ».

Comme rien n’a vraiment changé en 50 ans, revenons maintenant à ce « Pierre Richard ». En me parlant, le manager me livre, clairement, une image peu flatteuse de ce vendeur. Tellement peu flatteuse que, quoi que je puisse dire à l’issue de la formation, même en termes positifs, l’avis de départ du manager restera le même. Ce commercial sera dans le collimateur, et rien (ou presque) n’y fera.

Plus globalement, au-delà de ce commercial, tout le monde est, ou a été « victime » de cet effet. L’élève dont son professeur est certain qu’il ne fera jamais rien de sa vie. Ce voisin, dont vous êtes convaincu depuis le début qu’il est malveillant et que rien, ni personne, ne pourra le faire changer. Et donc, bien entendu, certains salariés. La seule bonne nouvelle, c’est que l’inverse est également vrai : un collaborateur dont son manager est convaincu qu’il a embauché la huitième merveille du monde, ne verra que ses qualités, quoi qu’il se passe. La constante réside dans le notoire « je me trompe très rarement sur les gens, je me fie à ma première impression, et c’est très souvent la bonne ».

Je sais que la plupart d’entre vous se disent, en lisant ces lignes : « Foutaises, avec untel, j’ai tout essayé, il n’y a rien à faire. S’il était bon, il me l’aurait montré. »

Disons que ces remarques sont légitimes. Bien sûr, la compétence ne se résume pas à une simple « impression ». La seule chose dont on soit certain, c’est qu’une personne en qui l’on croit, est beaucoup, beaucoup plus motivée. Elle va chercher au delà de ses limites. Elle se dépasse. Qui n’a jamais été grisé par un « je sais que tu peux le faire, je crois en toi » ?

Bon, la seule question à vous poser, demain matin, devant la machine à café, est la suivante : « Et si, pour un instant, je laissais mes certitudes au vestiaire concernant les collaborateurs que je considère mauvais, et tentais une approche différente ? Et si j’étais passé à côté de leur potentiel pour une banale histoire de première impression ? »

On en reparle dans quelques jours ?

 

Bonne semaine à tous.

Bruno Scozzaro

 

 

 

 

 

PS : pensez à vous abonner.

Bruno Scozzaro

Formateur et enseignant en communication, management et vente, avec la pédagogie active chevillée au corps

8 ans

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