Socrate avait-il un coach ? – Episode 3 – Coach, vocation ou métier comme un autre ?
Ils sont une dizaine à prendre place dans les fauteuils d’une salle de réunion. Audrey reconnaît Philippe Mandon, qui accueille chacun des participants. Elle est frappée par sa bienveillance et sa façon de s’exprimer, calme et pondérée. Est-ce une simple « technique de communication » ? Elle comprend vite que cette faculté d’empathie n’a rien de fabriqué : celle-ci fait tout simplement partie de la nature intrinsèque du coach, fruit d’un long parcours personnel.
– Pour moi, explique Philippe Mandon, les meilleurs coachs sont ceux qui ont une expérience irremplaçable, qui ont pris des coups dans la vie, ont vécu des moments difficiles, ont été confrontés à des obstacles et les ont dépassés. Ils n’attendent rien du coaché, ils ont la générosité de donner une partie de qui ils sont. Leur nourriture, c'est le progrès et l'évolution de leurs coachés.
Pour Thierry Chavel, qui a fondé l’école Alter&coach, la question de la vocation ne se discute même pas.
– Coach, on l’est déjà ou on ne le deviendra jamais. C’est une vocation. C’est un don qu’on a tous, et qu’on peut travailler. Cela ne s’improvise pas d’être coach : il y a une différence entre être coach et faire du coaching.
Il précise sa pensée.
– Savoir écouter, donner du feedback, se fixer ou faire fixer un objectif, voilà les trois techniques basiques et essentielles de la posture de coach. Les outils rassurent dans un monde cartésien. Je ne crois pas aux certifications ni aux labels pour rassurer les gens sur un chemin qui n’est pas balisé. La meilleure école de coaching, c’est de travailler sur soi.
Alain Cardon, fondateur de Métasystème Coaching, va dans le même sens.
– Concrètement, le coaching c’est la pratique d’une série de compétences. La question annexe, c’est « Est-ce que je suis fait pour le coaching ? » Il y aurait des gènes de coachs ? Parfois, il faut se défaire d’habitudes plutôt qu’apprendre à faire. Alors souvent, il faut passer plus de temps à désapprendre qu’à apprendre. Mais le tout repose sur une base d’écoute, d’accueil, de capacité d’émerveillement. Un bon coach bien formé peut péter le feu très vite.
Tous les participants acquiescent avec enthousiasme : c’est plutôt une bonne nouvelle !
Marc Drèze, psychologue, formateur et coach en Belgique, souligne :
– La première qualité du coach, c'est l'humilité. Socrate est le premier coach connu de l'humanité : « Je sais que je ne sais pas ».
La formule interpelle Audrey : elle pressent que la solution de l’énigme que lui a soumise Alexandre est dans les échanges qu’elle nouera avec tous les participants, même si la route est encore longue. Mais elle reprend vite le fil de la conversation : Guillaume Thouvenel, coach depuis un peu plus d’une année, se souvient parfaitement de sa formation à Alter&coach.
– L'invitation de Thierry Chavel est dès le premier cours : « Soit vous êtes déjà coach, soit vous ne le serez jamais. »
Danièle Darmouni a vu défiler des centaines de coachs dans les formations qu’elle dispense via son école, International Mozaik. Elle tempère un peu l’enthousiasme des premiers intervenants.
– Il y a beaucoup de coachs ou d’accompagnants en relation d’aide qui choisissent ce métier afin de « réparer » ce qui leur a manqué jusqu’ici : « Je n’ai pas eu dans mon travail, dans mon métier, dans ma famille cette écoute dont j’aurais eu besoin, je vais la donner aux autres. » Cette dimension « sauveur » est à l’origine de plein d’attirances… et du choix de ce métier dans une première étape. Avec le temps, ce choix peut se transformer en véritable vocation. Sinon, une fois la réparation accomplie, la personne passe à autre chose.
Ces attirances sont-elles justifiées ? C’est que l’univers du coaching professionnel est particulier, ce que rappelle fort à propos Nathalie Ducrot, coach et présidente et d’ICF (International Coaching Federation) Suisse, en faisant allusion elle aussi à la méthode socratique.
– La maïeutique de la relation de coaching pourrait se dédouaner de toute expertise professionnelle hors du domaine du coaching, mais la réalité démontre que connaître l’environnement de ses coachés ajoute de la valeur à l’accompagnement : avoir l’expérience de la culture du coaché aide à mieux comprendre ses contraintes et ses attentes. Même après l’acquisition de compétences coaching solides, un ex-jardinier aura du mal à appréhender l’univers des chefs d'entreprise. Si l'habit ne fait pas le moine, il aide quand même à entrer au monastère...
Audrey Martin doit bien en convenir : pour aider l’autre dans un cadre professionnel, il vaut mieux partager un langage commun, savoir de quoi on parle… Alain Cardon ne dit pas autre chose.
– Il faut qu’un coach ait un bon sens pratique. Je ne vois pas comment il pourrait accompagner quelqu’un à réussir s’il ne sait pas lui-même réussir !
François Souweine, cofondateur et président de l’Académie du Coaching, résume les enjeux avec simplicité.
– Je vois deux conditions de succès évidentes, quoique très différentes, dans ce métier de coach : avoir envie d'aider l'autre, et puis concrètement avoir envie et savoir se vendre. Il faut posséder un minimum d’esprit commercial pour prendre sa place sur le marché.
Philippe Mandon a quelques réticences avec cette façon d’aborder les choses. Bien sûr, il ne peut qu’abonder dans leur sens, mais pour lui le métier de coach présuppose une qualité fondamentale.
– Il faut peu de certitudes et beaucoup d'humilité pour reconnaître que le coaching est une école du non-ego et qu'être coach, c’est faire avant toute chose le silence de soi pour l’écoute de l’autre.
Humilité… Ce mot revient sans cesse. Qui d’autre mettait également cette qualité en avant ? Elle se rappelle : Olivier Lajous, bien sûr, lors de son intervention, un peu plus tôt dans l’après-midi : « Quand on est dans des sciences humaines, il faut avoir beaucoup d’humilité et d’amour pour les gens, ce que j’appelle l’humour, et prendre beaucoup de recul en disant : c’est chaque fois une rencontre, quelque chose qu’on va inventer à deux, face à face. On est dans la très haute couture, donc on doit faire du sur-mesure pour chaque individu coaché. Il faut que le coach rentre dans une relation très intime, avec la bonne et juste distance, parce que la seule façon de faire sortir les blocages, les complexes, les peurs, les introversions parfois inconscientes, c’est de trouver la personne qui saura toucher par le biais du clin d’œil. »
Voilà qui semble acquis, être coach n’est pas un métier comme un autre. Caroline Jumelle le confirme : après quinze années passées dans les services marketing et communication de plusieurs grosses boîtes, elle est devenue coach et à son œil qui pétille, on comprend qu’elle a vraiment trouvé sa… vocation.
– Le nombre de fois où je vois cette étincelle de surprise, de contentement puis de gratitude : « Je ne me l’étais jamais dit comme ça… Ah oui, je me rends compte en te le disant que… » C’est ce moment de grâce qui, je pense, est le carburant du coach… et le mien.
Moment de grâce, humour, humilité… Ces mots sont autant de bouffées d’oxygène pour Audrey Martin. C’est sûr, elle ne regrette pas d’avoir choisi de participer à cet événement. Et elle n’a qu’une hâte : se rendre à son second atelier de la journée !
Prochain épisode N°4 : Un profil type pour devenir coach et réussir ?
Chaque semaine, je publie deux nouveaux épisodes qui vous permettent de lire et de découvrir patiemment Socrate avait-il un coach. Si vous souhaitez aller plus vite, il suffit de cliquer ici !
Retrouvez tous les épisodes et la liste de tous les participants sur mon blog Socrate
Bonne lecture