Sur ces jeunots qui prennent le pouvoir
France / Autriche / Ecosse / Canada – Les Français ont la fâcheuse tendance à s’affirmer pionniers dans des domaines où ils ne le sont pas. La victoire d’Emmanuel Macron en a été une preuve flagrante et la seule personnalité avec laquelle il a été comparé s’appelle Justin Trudeau, devenu 1er ministre du Canada à l’âge de 44 ans. Mais une certaine presse française n’a pas manqué de rappeler que le chef du gouvernement était un fils de … et qu’à ce titre il avait moins de mérite que notre très jeune président qui, lui, est arrivé au pouvoir sans s’appeler Mitterrand, Giscard, Chirac ou encore moins de Gaulle. Bref, les Français, très intelligents, ont donné sa chance à un homme réellement nouveau. Il est grand temps de rétablir une imparable réalité : le succès macronien n’a rien d’original, car il s’inscrit dans une tendance constatée dans de nombreux pays, sur tous les territoires où les partis historiques ont perdu de leur crédibilité. Les Français ne sont pas les seuls à être lassés par tous ces hommes qui, parce qu’ils sont déjà trop vieux et trop conservateurs, de gauche comme de droite, ne peuvent plus comprendre l’évolution des sociétés. Si les électeurs font aujourd’hui majoritairement confiance en une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques, c’est parce qu’ils attendent d’elle de l’énergie, de la volonté et du courage alors que les anciens routiers ne leur proposent que des compromis et quelques corrections sur les erreurs qu’ils ont eux-mêmes commises dans le passé. Ils ne veulent plus pardonner les politiques des échecs mais donner une chance à ceux qui incarnent l’action. Ce phénomène n’est pas spécifiquement français mais il était aussi autrichien, lorsqu’un ministre des Affaires Etrangère a été nommé à ce poste, en 2013, à 27 ans ( !). Sebastian Kurz, malgré son très jeune âge, a su s’imposer à un moment stratégique vécu par ce qui reste de l’immense empire austro-hongrois, sachant, dans le cadre de la crise migratoire, trouver un compromis intelligent entre la « grande » Allemagne, imposant ses quotas, et la « petite » Hongrie, intransigeante sur l’accueil des migrants. Sebastian Kurz a troublé le jeu politique, dimanche dernier, en prenant la tête du parti populaire autrichien ÖVP (Österreiche Volkspartei), une formation qu’on croyait en fin de parcours et que les sondages donnent gagnante aux élections anticipées du 15 octobre prochain. Si sa cote de popularité se maintient, le parti social-démocrate SPÖ et celui de l’extrême-droite FPÖ, risquent de connaître la même déconvenue que le Parti Socialiste et le Front National en France. Que l’Histoire puisse se répéter non pas dans un mais deux pays ouvre des perspectives nouvelles pour l’Europe.
Les jeunes loups protègeront-ils les brebis ?
Elle n’avait pas encore l’âge actuel d’Emmanuel Macron, mais seulement 37 ans, lorsqu’elle a pris les fonctions de Vice-Première Ministre d’Ecosse, un poste qu’elle a occupé pendant plus de sept ans aux côtés d’Alex Salmond, avant de devenir, en 2012, ministre écossaise des infrastructures, des investissements et de la ville puis deux ans plus tard chef du gouvernement écossais. Si Nicola Sturgeon est encore peu connue en France, en revanche, en Allemagne elle fait déjà beaucoup parler d’elle. La presse lui consacre chaque semaine de nombreux articles car elle est finalement la seule à pouvoir contrer la première ministre britannique, Theresa May, dans les négociations engagées sur le Brexit. Nicola Surgeon est prête à aller jusqu’au bout pour que son pays reste dans l’Union Européenne, quitte à transformer le Royaume-Uni en « Petite Bretagne » . Elle a un avantage que n’ont pas Macron et Kurz : elle est issue d’un milieu modeste. Fille d’un père électricien et d’une mère assistante-dentaire, elle est née dans une petite ville du sud-ouest écossais qui a été frappée de plein fouet par la politique d’austérité de Margaret Tatcher. Ses parents n’ont jamais eu les moyens de lui payer des études dans des établissements de prestige comparables à l’ENA ou à Sciences Politique. Enfant, elle jouait dans les rues avec des enfants de chômeurs et non pas avec ceux de banquiers, d’assureurs ou d’avocats. Elle est une femme du peuple et de cette authenticité elle en est fière. C’est à elle que les Ecossais doivent la renaissance du Parti National Ecossais et la création d’un parlement à Edinburgh, inauguré en 1999, en présence de Sean Connery. Mais c’est aussi cette femme qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel devraient ouvertement et officiellement soutenir pour reconstruire l’Europe, un continent qui a certes besoin de compétences monétaires mais qui a encore davantage besoin de citoyens courageux qui votent enfin différemment c’est-à-dire plus comme des moutons dociles. Une chance pour tous ceux qui veulent une Europe des peuples. De ces peuples qui savent comment inverser la courbe du chômage parce qu’ils l’ont eux-mêmes vécu. Le Vieux Continent se débarrasse peu à peu de ses vieux technocrates qui sont remplacés par de jeunes loups. Il ne reste plus qu’à espérer que, parmi eux, il en est quelques uns qui protègent les brebis. Vital-Joseph Philibert
Article publié le 20 mai 2017 sur www.pg5i.eu