Transformation numérique de l’agriculture, révolution ou évolution ?
Depuis 4 ans j'interviens comme professionnel - enseignant contractuel à l'ESA, Ecole supérieure des Agricultures à Angers auprès des licences Pro Agronomie, production végétale. Une de mes interventions qui me tiens à cœur porte sur l'agronumérique . Ce n'est pas un cours mais un état des lieux partagé avec les étudiants et une réflexion commune sur la place de cet outil dans la ferme France. En voici les grandes lignes :
Quel est le contexte sociétal du monde agricole aujourd’hui ? La quasi-totalité des agriculteurs consomme de la donnée agro numérique quotidiennement, très majoritairement via un smartphone. Parmi les services utilisés on retrouve les relevés et prévisions météo, les outils de guidage, arpentage et commande matériel (modulation, robot de traite…), les Outils d’aide à la décision (pilotage ferti, phyto, irrigation), portail bancaire ou encore logiciel de traçabilité.
La typologie des agriculteurs et des fermes change : conséquence des vagues de départ à la retraite des agriculteurs, des investissements énormes nécessaires à l’installation, de l’augmentation des SAU, un isolement des agriculteurs, une perte de connaissance des terroirs. Cela nécessite un grand besoin d’optimisation, de mécanisation et d’automatisation.
D’un autre côté les citoyens consommateurs électeurs souhaitent une alimentation locale, saine, durable, accessible qui protège la rémunération de l’agriculteur. Moins de pesticide, plus de bio, contre les méga-bassines … C’est surtout le cas pour les habitants d’une partie du globe aisée (nous) alors qu’en face grandi une population résidente de pays pauvres qui ont du mal à répondre aux fluctuations du marché du blé. On parle de souveraineté alimentaire.
L’inflation du prix de l’énergie a influé sur le coût de production (augmentation du prix des engrais et des phyto). De plus en plus de producteurs à l'échelle mondiale sont entrés dans l’agriculture post moderne consommatrice d’intrants. De par le monde la concurrence autour des matières premières nécessaires à la production avec des objectifs de rendements élevés se fait plus dure et ces produits plus rares (ce qui influe sur leur prix mais aussi sur la disponibilité).
Ces objectifs de rendements qui sont mis à mal par la succession d’évènements climatiques catastrophique et exceptionnel. Le postulat de départ fût que l’agro-numérique allait palier à ce changement sociétal du monde agricole.
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Pour se retrouver dans le dédale réglementaire construit par les institutions pour protéger la biodiversité et répondre aux exigences des consommateur, le fil d’Ariane numérique permet à l’agriculteur d’être conforme à la loi notamment grâce aux logiciel de traçabilité qui permettent de vérifier par exemple, l’homologation d’un produit, ses conditions d’application (dose, stade…).
Les logiciels agro-numériques permettent également de déterminer les doses théoriques de fertilisant à apporter pour un contexte pédoclimatique. C’est le cas du plan prévisionnel de fumure rendu obligatoire par la DRAAF dans les régions soumises à la directive nitrate mais aussi pour les outils de pilotage dynamique de la fertilisation ou les services d’agriculture de précision.
Les solutions agro-numériques peuvent aider à l’accompagnement de la transition vers une agriculture raisonnée avec moins de phyto. Il existe des outils d’aide à la décision OAD qui conseillent sur la dose et le positionnement des produits phytosanitaires. Ces OAD permettent d’être plus efficace avec des molécules plus respectueuses de l’environnement mais ayant un effet moins marqué que les biocides utilisés ces dernières décennies qui tendent à être retiré d’usage.
Les consommateurs des pays aisés réclament de la fourche à la fourchette, une alimentation locale et saine faisant confiance à des labels très marketés imposant un cahier des charges parfois fantasque. L’outil numérique permet la traçabilité nécessaire au suivi qualité de ces cahiers des charges. Sur le déclaratif agriculteur, des filières où la valeur ajouté se doit d’être redistribuée à tous les acteurs.
Peu utilisé mais tellement puissant, l’agrodata à savoir la concaténation et l’analyse croisée des données enregistrées (météo, rendement, itk …) pourrait changer la façon de penser l’agricole.
C’est pour ça que de grands fournisseurs en agro-solutions ont massivement investi dans les outils numériques depuis quelques années avant de ralentir. Aujourd’hui, l’agro-numérique s’essouffle et on parle partout en campagne de sol vivant : analyse de vie biologie, biostimulant … Alors qu’en pensez-vous ? Le temps du numérique est déjà révolu ? Les deux mondes : le virtuel et le vivant sont-ils en opposition?
Intéressant