Travailler mais pour vivre quoi : « je détestais la personne que je devenais »

Travailler mais pour vivre quoi : « je détestais la personne que je devenais »

On peut s’appeler Caroline Garcia, Rafael Nadal ou le commun des mortels et faire de notre travail un calvaire. Caroline Garcia, multi titrée au tennis, ex 4ème joueuse mondiale revient sur le sien et ce qu’a fini par devenir sa passion et son travail, dans un témoignage très profond et sincère (l’Equipe du 10/12/24). Elle a cessé brutalement sa saison en septembre 2024, épuisée mentalement par un rapport toxique à son travail vidé de toute forme de sens.

« Vidée de l’intérieur après mes matchs », « je ne savais plus pourquoi je jouais », « je perdais les valeurs qui font ce que je suis », « victoire ou défaite, à la fin de chaque match j’étais simplement soulagée »…

Son long témoignage met l’accent sur deux mécanismes, deux croyances à l’origine de son chemin de croix :

Premier mécanisme : Sa motivation est exclusivement et obsessionnellement centrée sur le résultat, il est la ligne, l’horizon et le sens. « j’étais obsédée par le résultat, sans arrêt », « mes titres je m’en fichais, je ne voyais que ce que je n’avais pas encore réussi »… de ce fait, le plaisir n’a plus sa place, l’appréciation des progrès non plus, la qualité du jeu encore moins. Pire, quand seul le résultat compte, je ne vois que ce qui me sépare du graal suivant, donc je suis sans cesse malheureux et je finis épuisé ou, quand je suis manager, j’épuise tout le monde (syndrome Tavarès). La pression d’enjeu tue le plaisir du jeu, dégrade la lucidité mentale, érode la confiance et finit par dévaster la lucidité… pour détériorer la performance.

Non seulement la souffrance épuise, quand le plaisir énergétise mais elle inhibe toute possibilité d’apprentissage. Le cerveau apprend par le jeu, la détente et la relation de qualité à autrui. Le stress à certains niveaux paralyse le mental.

Or, quand l’enjeu est important, une fois posé, accepté et assumé, je dois me centrer sur le jeu, sur la méthode, le plan, le basique… Plus le combien compte et plus je concentre mon attention, mon travail (ou mes exigences) sur le comment. Il s’agit de concilier concentration et détente, exigence et plaisir du geste, ambition et détachement

Le second mécanisme handicapant réside dans une croyance qu’elle s’est construite (ou qu’on lui a transmise) lui interdisant toute forme de fragilité, de douceur ou d’attention à elle-même : « impossible de ralentir, d’arrêter, de me dire je ne peux pas, de rentrer à la maison quand mon corps ne suivait pas à l’entraînement… »

Son schéma mental assimile le repos, l’écoute de soi ou la fragilité à de la faiblesse. Faire une pause relève alors de l’échec.

Cet acharnement contre elle-même l’a mené à l’épuisement, au dégoût du jeu et à la perte de toute estime de soi.

Nous assimilons souvent fragilité et faiblesse. Reconnaître ses fragilités ne veut pas dire que l’on est faible, bien au contraire car cette honnêteté avec soi-même  prouve une sécurité intérieure. Cette conscience, en me reliant à la communauté des Hommes, me grandit en humanité, en tolérance et en acceptation de mes limites. C’est le seul chemin serein, la seule écologie personnelle pour performer durablement.

Le refus de mes fragilités est d’une brutalité inouïe que l’on s’inflige, une négation puissante de notre condition et de notre réalité d’humain. Feignant de croire en ma toute puissance, je me brutalise, à défaut de brutaliser les autres quand je manage.

Ainsi, plus élevés sont l’ambition et l’objectif et :

  • Plus je me concentre sur la précision du geste et l’application de la méthode (le comment)
  • Plus je travaille sur l’acceptation de mes fragilités, de mes manques : l’acceptation n’est pas la soumission ni le renoncement, c’est le premier pas du changement
  • Plus je sculpte mon projet de vie, qui n’est pas l’objectif : un sens intemporel, une raison d’être, un horizon de  vie

« Plus je sais rencontrer  triomphe après défaite et recevoir ses deux menteurs d’un même front », plus les victoires me souriront

Un chemin de vie, bonnes fêtes de Noël.

Serge Griffon, Néom – l’infini des possibles.•


Bravo Serge, faire ce qui a du sens pour soi c'est l'essentiel et ...le plaisir!

Christine Marijnen

Présidente Directrice Générale Springbok

5 j.

Merci Serge pour ce partage profond et éclairant. Être authentique avec soi… un chemin de vie.

Merci, paradoxalement notre force réside dans la connaissance et l'acceptation de nos faiblesses.

Sébastien BEAU

Formateur enthousiaste, Animateur passionné et Consultant expérimenté.

6 j.

Merci pour tes écrits, Serge. Tout comme Rémi, à quand la compilation de tous tes textes si bien inspirés ? La faiblesse comme richesse me fait penser à un livre que j’ai apprécié : l’éloge de la faiblesse, d’Alexandre Jollien. Malgré son handicap, sa réussite est un exemple. Bon Noël à ceux qui liront ce commentaire et que la Lumière révélée de Noël vous accompagne.

Jérôme LAVENE

Directeur Clientèle

1 sem.

Quelle leçon ! Savoir se connaître, c’est l’adjuvant des réussites… A diffuser largement au sein de notre monde professionnel

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