Une histoire par comme les autres De la gestion des terroirs à la gestion des océans : un pas à franchir ?

La vie de Bilal, un éleveur nomade, fascinait grandement les citadins. Cette fascination est due à sa bravoure et à son indépendance. Il ne subissait surtout pas les contraintes et les frustrations de la vie des citadins. Son mode de vie austère, un sens élevé de la valeur des hommes, sa noblesse, sa parfaite connaissance de son milieu naturel étaient les bases clés de cette parfaite adaptation avec son milieu. Et si le critère utilisé pour différencier les sociétés développées de celles en voie de développement n’était pas la consommation d’énergie par habitant mais plutôt le degré d’aptitude à dominer les milieux les plus hostiles, il n’y a guère de doute que les nomades, représentés par Bilal, emporteraient la palme.

Bilal sait que les liens culturels solides existant entre les siens et leurs paysages environnants sont souvent méconnus des citadins. La mobilité des communautés pastorales est souvent perçue comme un facteur de dégradation du milieu. Il explique, à qui veut l’entendre, que les pratiques de sa communauté interdisent de chasser les oiseaux et les animaux pour le sport ou de couper les arbres et les plantes à moins d’un besoin essentiel.

Pour lui, la transhumance est une pratique permettant de limiter la surcharge des terres de parcours. Bien sur, plusieurs facteurs de dégradations sont à déplorer : les périodes de sécheresse qui ont appauvri et réduit les pâturages, la surexploitation des ressources animales et végétales par l’effet de certaines personnes non conscientes des dangers qu’elles font courir, sciemment ou non, à leur communauté.

Bilal se rappelle lors de son jeune âge, vers le début des années 1950, que la végétation était très dense avec des pâturages abondants et variés et l’eau en quantité suffisante. Il évoque, pour ses nombreux visiteurs, cette végétation épaisse et luxuriante des Tamourts environnantes. Il y rencontrait même les autruches dont la disparition tragique lui reste sur le cœur surtout qu’il sait dans son for intérieur que cette disparition s’explique non seulement par les changements climatiques majeurs, mais aussi par une forte surexploitation par celui qui avait pris l’engagement auprès des autorités de la protéger : le chef de la communauté. En contre partie de son soutien à la mesure d’interdiction officielle de sa chasse, une autorisation spéciale a été accordée à ce chef traditionnel d’en tuer un individu par an pour ses besoins. Ce qui fut fatal à cette espèce.

D'ailleurs, Bilal n’arrive pas à s’expliquer les raisons qui ont emmené les autorités de l’époque à interdire de nouveau la chasse de l’autruche du moment que cette interdiction est déjà inscrite tacitement dans le code de conduite de cette communauté.

La famille de Bilal et un nombre réduit de familles n’ont pas accompagné le mouvement d’exode rural un peu forcé. Ils se sentent, plus qu’auparavant, investis de la mission de conserver et protéger leur environnement. C’est pourquoi ils ont accueilli très favorablement les expériences de mise en défens à proximité des villages du fait que les actions menées prouvent que ces réserves fourragères présentent une très grande diversité biologique et jouent un rôle très important en période de soudure.

Cette nouvelle pratique, introduite par l’un des membres de la communauté de Bilal, s’est très rapidement répandue dans les villages environnants et a amélioré très sensiblement la productivité des animaux. Pour Bilal c’est un signe encourageant qui prouve qu’il est possible d’inverser la tendance. D'autant plus que ce sont des initiatives totalement prises en charge par les exploitants, depuis l’acquisition de fils barbelés, ou leur équivalent, jusqu'aux frais de gardiennage.

Ces expériences sont probablement méconnues par les gestionnaires de la pêche en dépit du fait que leur prise en compte pourrait se révéler d’une grande importance pour la gestion des ressources marines.

En premier lieu, l’exemple des mises en défens met en relief l’importance de gérer autrement les aires marines protégées.

Un accès limité dans le temps et dans l’espace et une prise en charge même partielle des coûts de la surveillance par les pêcheurs locaux sont autant d’exemples qu’il serait probablement opportun de tester.

Ainsi, certains pêcheurs du Parc National du Banc d’Arguin mentionnent que par le passé leur communauté mettait en « jachère » annuellement certaines zones de pêche et dans le reste du banc et la pêche était saisonnière. Ce n’est plus le cas actuellement. En outre, quand les pêcheurs locaux contribueront au coût de la surveillance, ils seront capables d’édicter des règles qui rendront les infractions plus évidentes de telle sorte que le coût de contrôle en sera limité avec une amélioration sensible de son efficacité. Enfin, l’un des critères de réussite de ce type de gestion passe par l’implication des personnes dignes de confiance.

Le choix de celles-ci ne répond pas toujours à une logique de transparence et de représentativité comme ce fut le cas de la gestion de l’autruche. Des tyrans locaux peuvent régner : ces responsables n’accepteront que les changements qui sont à leur avantage personnel.

Des exemples, parmi tant d’autres, qui prouvent que l’on peut tirer utilement profit des expériences de la gestion des terroirs afin d’aménager nos ressources halieutiques.

Contribution à la lettre d’information de l’IMROP No. 13 janvier - mars 2007

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