Le Club Panda & Coq

Les Chinois n'ont pas la même chance que les Français en matière de territoires verdoyants. En effet, près de 30 % du territoire chinois est aride, voire désertique. En raison de la dégradation des sols, le désert progresse insidieusement. Depuis vingt ans, la Chine est devenue l'usine du monde. Les Chinois apprécient d'avoir accès à des emplois, même de qualité modeste, car cela leur permet d'améliorer leur qualité de vie. Cependant, en parallèle, ils ont pris connaissance avec effroi de l'omniprésence de la pollution, rendant l'air souvent irrespirable. Cette prise de conscience a entraîné une montée de la grogne populaire à travers le pays. Face à cette crise environnementale, le gouvernement chinois, doté d'un pouvoir centralisé, a décidé d'agir vigoureusement contre la pollution atmosphérique. Les investissements dans les panneaux solaires, les éoliennes, les centrales nucléaires et les véhicules électriques progressent rapidement. Les efforts commencent à porter leurs fruits, et les citoyens en ressentent les bénéfices, bien que de nombreux défis restent à relever. Un exemple particulièrement intéressant illustre cette démarche : Dans le désert du Gansu, la Chine a initialement construit un parc solaire il y a quelques années. Les habitants dans un rayon de 100 km bénéficient d'une énergie propre. Cependant, cette énergie présente un inconvénien : son intermittence, notamment la nuit, oblige à recourir à d'autres sources d'énergie. L'État a ainsi mis en service à côté une centrale solaire thermique dotée de deux tours jumelles équipées d'environ 30 000 miroirs héliostats. Ces miroirs, répartis sur une surface de collecte de lumière de 800 000 mètres carrés, captent la chaleur solaire et la transforment en vapeur haute pression pour actionner des turbines, permettant ainsi de produire de l'électricité même pendant la nuit. Les deux tours, d'une hauteur de 200 mètres chacune, utilisent des miroirs spécialement conçus avec un taux de réflexion atteignant 94 %. Ces miroirs concentrent les rayons solaires sur chaque tour, maximisant ainsi l'absorption de l'énergie nécessaire à la production électrique. L'une des innovations de cette centrale réside dans le sel fondu, qui agit comme une batterie thermique. Ce sel emmagasine l'excès de chaleur pendant la journée, permettant à la centrale de continuer à générer de l'électricité la nuit et ainsi garantir une alimentation continue. Malgré ces installations pour fournir de l'électricité pendant la nuit, le problème persiste, car lorsque le ciel est couvert, même si cela est rare au cours de l'année, il n'y a pas d'électricité ni durant la journée, ni pendant la nuit. Heureusement, la Chine a lancé une centrale nucléaire au thorium SMR, installée dans le désert. Cette installation pourrait compléter les panneaux solaires ainsi que les tours thermiques à sel fondu. Grâce à de nombreux projets, la Chine progresse à grands pas dans le domaine de l'énergie.

Je publie souvent des billets pour échanger avec les Français autour de la Chine, notamment dans le secteur des EV. Cependant, à chaque publication, certains Français m'accusent de faire la propagande d'un régime autoritaire. Nous sommes en France, et ils ont le droit de me contredire, même si ces attaques répétées peuvent être agaçantes. Au fond, ce type de critiques découle d’un manque de compréhension mutuelle : les logiques de gouvernance diffèrent profondément entre nos deux pays. Pour les Français, la démocratie est un pilier fondamental. Tout le monde est considéré comme égal, et un gouvernement élu par le peuple est perçu comme légitime pour exercer son autorité. Cependant, cette légitimité démocratique repose souvent sur un équilibre fragile qui peut rendre l’exécutif moins efficace. En réalité, gouverner signifie souvent trouver des compromis constants. En Chine, la perspective est différente. Depuis plus de deux mille ans, la Chine a été, jusqu’en 1850, la première puissance mondiale. Pourquoi ? Parce qu’un système de gouvernance centralisé a permis de maintenir l’unité du pays et la cohésion de sa population. Plus la Chine était peuplée, plus elle devenait puissante. Cependant, avec l’avènement des révolutions technologiques et de la compétition accrue, la Chine s’est effondrée à partir de 1850, plongeant dans une misère profonde. Dans les années 1980, Deng Xiaoping a analysé cette situation et a formulé une stratégie pour relever le pays. Celle-ci reposait sur deux principes fondamentaux : - Maintenir un pouvoir centralisé fort grâce à l'état - constamment innover dans les technologies et créer un environment compétitif à l'appui des sociétés privées La Chine met ainsi en œuvre un modèle inédit, différent de ceux de l’Occident ou de l’URSS. Les Chinois en sont en majorité contents. Ce modèle commence à produire des résultats. Prenons l’exemple des exportations de voitures chinoises, qui devraient dépasser 6 millions en 2024. Parmi elles, 30 % sont des BEV et PHEV, et 70 % des voitures à moteur thermique (ICE). Grâce aux économies d’échelle et à une politique singulière, les voitures chinoises, toutes catégories confondues, sont 20 % moins chères que leurs concurrentes. La Chine propose une gamme complète de véhicules : thermiques, BEV ou PHEV, permettant aux consommateurs de choisir librement. De plus, ces exportations s’accompagnent d’infrastructures adaptées : panneaux solaires, éoliennes, réacteurs nucléaires pour produire de l’électricité, ainsi que la mise en place de réseaux de recharge. Les sociétés étatiques et privées chinoises travaillent main dans la main. Cette stratégie globale rend les offres chinoises attractives. Il est important de rappeler que les pays occidentaux ne représentent que 12 % de la population mondiale. Une fois les entreprises chinoises bien établies dans ces nouveaux marchés, il deviendra difficile pour les constructeurs européens de déloger les Chinois.

En mai dernier, Eric Schmidt, ancien PDG de Google, a affirmé au gouvernement de Joe Biden que les États-Unis disposaient d’une avance de deux à trois ans sur la Chine dans le domaine de l’intelligence artificielle. Pour le préserver, la Maison-Blanche a mis en œuvre des restrictions visant à interdire l’exportation à la Chine des semi-conducteurs les plus avancés, ainsi que des équipements nécessaires à leur fabrication. Cependant, il y a six jours, ce même gourou d'IA a admis que la Chine avait rattrapé son retard. Selon lui, ce développement résulte du rôle du gouvernement chinois, qui concentre ses efforts sur un objectif unique. À l’inverse, l’autorité du gouvernement américain est perçue comme moins coordonnée. Cette situation met en lumière une différence fondamentale entre les États-Unis et la Chine : 👉 La philosophie de leadership En Chine, la pensée de Confucius influence les comportements. Un leader doit agir en conformité avec ses paroles : il parle peu, fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fera. Aux États-Unis, les discours et les démonstrations en public sont plus valorisés. Donald Trump a ainsi bruyamment invité Javier Milei, Viktor Orbán, Giorgia Meloni et Xi Jinping à son investiture à la Maison-Blanche. Toutefois, Xi Jinping pourrait le décliner, percevant un tel comportement manquant de crédibilité. 👉 L’art de la stratégie Selon Sun Zi, le meilleur général est celui qui remporte la bataille sans verser une goutte de sang. Les États-Unis ont établi plus de 800 bases militaires dans le monde pour maintenir leur suprématie. Cependant, elles représentent un coût considérable et n’apportent pas de richesse tangible à la nation. En revanche, la Chine a investi dans 800 comptoirs commerciaux à travers le monde. Le commerce favorise les relations entre les pays et permet d’établir une autorité durable grâce à des partenariats mutuellement bénéfiques. 👉 l’innovation pragmatique Les Américains imposent de nombreuses sanctions à la Chine, notamment sur les semi-conducteurs de moins de 7 nm. Les Chinois préfèrent optimiser pleinement les technologies existantes. En combinant judicieusement les semi-conducteurs de 14 nm et de 10 nm, ils atteignent des performances élevées à moindre coût. Au lieu de dépenser des milliards pour inventer, les Chinois misent sur l'exploitation à fond. 👉 La modernisation industrielle Comme l’a souligné Eric Schmidt, les progrès rapides de la Chine en IA sont soutenus par leur capacité à intégrer cette technologie dans la production industrielle. Des milliards de dollars ont été investis dans la modernisation des usines grâce à l’IA et à la robotisation. Aujourd’hui, 172 usines phares respectant les normes allemandes de l’Industrie 4.0 existent dans le monde, dont 74 se trouvent en Chine. La compétition entre ces deux puissances est fascinante. Elle est façonnée par des influences profondes, issues de la culture et de l’histoire de chaque pays.