Crise de la démocratie : et si l’entreprise avait des réponses à proposer ?
Perte de confiance dans les Etats, doutes sur nos élus… Partout, dans le monde, la crise des institutions s’exprime. Les revendications sont bien-sûr de nature différente. Les gilets jaunes en France, les cafouillages post- référendum au Royaume-Uni ou la révolte algérienne ont leur propre motivation. Mais ces mouvements ont au moins une chose en commun : le besoin ressenti par le citoyen de se réapproprier son destin.
Or, ma conviction est que les entreprises peuvent inspirer une époque qui cherche à repenser son modèle de représentativité.
Depuis longtemps en effet, l’entreprise est confrontée à cette problématique : comment s’adapter à des collaborateurs qui veulent être parties prenantes des décisions les concernant ? La montée des compétences, la digitalisation, les aspirations de nouvelles générations ont fait sauter le modèle d’organisation vertical qui imposait d’en haut. A sa place, d’autres modes de gouvernance sont en train d’être inventés.
D'abord, les entreprises font, pas à pas, le pari du « leadership collectif ». Comment : en faisant remonter les idées du terrain, en s’assurant que les décisions soient non seulement comprises mais aussi portées par le plus grand nombre, en offrant une liberté d’exécution quant à la mise en œuvre des plans. Cela ne signifie pas que la gouvernance soit l’affaire de tous. Il est du ressort du top management de concevoir la vision stratégique, de dire où l’entreprise va. Mais l’ère du patron qui décide tout seul a vécu. Il ne saurait y avoir de plan stratégique efficace sans association de tous les membres. C’est bien l’éclairage de différents regards et expertises qui assure la pertinence d’une décision et son adhésion par le plus grand nombre.
C’est pourquoi chez Saint-Gobain, nous avons élaboré collectivement notre plan de transformation et de croissance, Transform & Grow, qui se déploie depuis le début de l’année. Il s’est nourri des contributions proposées par nos managers. Il est allé un cran plus loin dans la prise de décision locale, avec à la clé plus de confiance et d’autonomie pour nos collaborateurs.
Seconde piste d’inspiration que l’entreprise peut proposer, la culture du dialogue social. Il est de bon ton, surtout en France, de nous auto-flageller. Nous ne serions pas capables d’avoir un dialogue social digne de ce nom. Notre syndicalisme serait archaïque, par rapport à la co-gestion allemande. Or, je le constate tous les jours, nous disposons bien souvent d’un syndicalisme mâture et responsable qui place l’intérêt collectif au premier plan.
Ce corps intermédiaire sera essentiel – partout dans le monde - pour répondre aux défis qui nous attendent : accompagner des salariés qui se réinventent au rythme des big bang technologiques, repenser l’organisation du travail pour coller aux nouvelles aspirations, être un aiguillon positif au service de toute l’entreprise. Car faute de corps intermédiaire, qui pour faire passerelle entre salariés et direction ? Qui pour canaliser des aspirations salariales parfois antinomiques ?
Enfin, pour créer du consensus, rien de mieux que d’associer les intérêts. C’est pourquoi je crois profondément dans l’actionnariat salarié, formidable levier d’implication. Il bénéficie d’abord aux salariés, qui deviennent de véritables associés de l’entreprise, avec des retours financiers à la clé. Il est également bon pour l’entreprise, qui profite d’une cohésion plus forte.
Chez Saint-Gobain, nous comptons parmi les leaders en la matière. Avec 8% du capital, nos salariés sont notre premier actionnaire et sont représentés à ce titre dans notre conseil d’administration.
Associer les intérêts, revivifier les corps intermédiaires, apprendre à faire ensemble : ces pistes peuvent inspirer des démocraties en quête de nouveau souffle.
Mais elles ne suffiront à unir un corps social. Dans l’entreprise, comme au sein des pays, une mission partagée qui transcende les intérêts particuliers constitue un ciment indispensable.
Une mission unit des parcours, des attentes et des quotidiens parfois radicalement différents. Une mission transcende les géographies, dépasse les clivages.
Une mission n’est pas un coup de com' qu’on exhibe seulement pour se donner une bonne image. C’est ce qui nous fait avancer, au-delà des objectifs financiers. Ce qui permet de trancher entre des options stratégiques. C’est ce qui motive les salariés au quotidien, ce qui donne envie aux jeunes générations de faire partie de l’aventure entrepreneuriale.
Ma conviction est que toute institution doit avoir une mission dans laquelle chacun de ses membres peut se projeter. Et peut-être que la crise de confiance rencontrée actuellement dans de nombreux pays résulte d’une absence de raison d’être sachant fédérer au-delà de nos intérêts personnels….
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Parce qu’elle est confrontée depuis longtemps au défi de l’engagement, l’entreprise peut inspirer une époque qui veut recréer l’envie de vivre ensemble.
Les entreprises respectent des hiérarchies. Mais au quotidien, ce sont surtout des lieux de lien social, des lieux d’échanges, de débats, où des femmes et des hommes, au-delà de tout ce qui les sépare, apprennent à faire ensemble. Nous ne réussissons pas toujours. Mais nous avançons chaque jour avec humilité pour faire vivre ce qu’est au fond l’entreprise : une formidable aventure collective.
En formation (puis en Freelance à l'écoute, sur le secteur de Limoges ou en Full Remote)
5yIl y a un bouton "J'aime", plusieurs icônes lorsque l'on reste appuyé mais aucun ne permet d'exprimer son désaccord... 🤔
Assistante Administrative
5yLorsque j'ai voulu afficher des textes sur la liberté d'expression dans mon entreprise, mon directeur m'a littéralement hurler dessus ! Mes collègues sont bridés, ils n'osent pas s'exprimer !... Si on ose exprimer ce que l'on pense, on se retrouve stigmatiser, isolé ! Alors ne me parlez pas de modèle démocratique en entreprise !
CEO Eneka Consulting - Senior Photonics and Quantum Techs Expert - Advisor, Innovation Strategy
5yMerci pour cette vision d'entreprise que je partage totalement. Deux commentaires: le dialogue social à l'intérieur de l'entreprise fonctionne si le corps intermédiaire syndical est impliqué, mais aussi si la direction des ressources humaines joue pleinement son rôle. Dans ces temps de mutation industrielle et sociétale intenses, une politique active de conduite et accompagnement du changement dans l'entreprise devrait être menée. Innover, développer de nouvelles pratiques, ne peut se faire qu'en transformant la culture des salariés et du management, à tous les échelons. Deuxième commentaire: l'environnement. Aux côtés de l'intelligence et du travail collectif, c'est aussi bien à une transformation de nos pratiques environnementales que notre société aspire. Développer des pratiques "vertes" dans la vie quotidienne de l'entreprise, repenser l'outil industriel en minimisant son empreinte environnementale, en s'aidant par exemple de sa numérisation, introduire dans la conception des produits une approche frugale, etc. Les possibilités sont nombreuses, et rejoignent en particulier les demandes fortes des jeunes générations.
Project Manager chez ATS - Marle Group
5yet donc pour PAM? c'est le choix des salariés de chercher à vendre?
Bienvenue !
5yEt si l'entreprise faisait déjà ce qu'on attend d'elle ?? Qu'est-ce que ce serait bien...