Chronique de coach 3 : j’étais venue porter vos larmes
Comme annoncé dans mes chroniques précédentes, je souhaite rester en lien et si possible apporter du soutien en partageant mes ressentis sur certains sujets liés à notre actualité commune...
J’ai beaucoup hésité à publier cette chronique. Intime et peut-être un peu sombre. Vos retours me diront si j’ai eu tort ou raison de le faire.
Ceux qui me connaissent ou me suivent savent qu’outre mes propositions de séances de coaching offertes dans le cadre de cette période où la notion de solidarité prend tout son sens, je me suis inscrite dans deux autres dispositifs solidaires : l’un sous l’égide de ma fédération de coaching (EMCC), qui consiste à accompagner les soignants, et l’autre sous l’égide du réseau BOOST pour soutenir les aidants.
La montée en puissance progressive de ces deux actions nous met, mes confères et moi, dans les starting-blocks, prêts à accueillir des souffrances auxquelles nous nous formons dans l’urgence pour ceux d’entre nous qui sommes plus habitués aux accompagnements dans le monde de l’entreprise.
Pour ma part, spécialisée dans le coaching de dirigeants et managers ainsi que la médiation professionnelle, je suis parfois confrontée à des vécus moralement violents, à des situations de grand désarroi, de doutes profonds, et ce occasionnellement sur fond de problématiques personnelles également douloureuses. Mais sur une journée, toutes les séances ne sont pas empreintes de gravité, il y a des sujets plus opérationnels ou stratégiques, et on peut parfois même plaisanter ou éclater de rire.
A présent, je vais être le réceptacle de journées entières de douleurs infinies, de dilemmes éthiques qui parlent de vie et de mort, de fatigue proche de l’hébétude, de tensions qui détruisent, et cela, à un rythme probablement soutenu.
Je vais donc apporter mon soutien à des personnes dont je suis probablement à des années lumières en termes de vécu. Vais-je être à la hauteur ? Les techniques apprises sont les piles du pont, pas son tablier.
D’où peut-être ce rêve, que je vous livre : j’entre de manière presque clandestine dans un hôpital et arrive à la cantine des soignants ; une infirmière m’aborde de manière revêche : « qu’est-ce que vous faîtes-là ? ». Je réponds : « Je viens aider les soignants ». L’infirmière me rétorque : « Mais pour qui vous prenez-vous, vous ne connaissez rien à ce qu’on vit, on ne vous a rien demandé. Commencez donc par faire la vaisselle et on verra après ». Et m’exécutant, mais terriblement triste, je lui réponds « Mais j’étais venue porter vos larmes ».
Une des caractéristiques de notre vécu actuel et commun est que nous avons découvert brutalement, sans préparation, une réalité nouvelle qui nous rappelle notre vulnérabilité. Ce rêve en est pour moi l’illustration.
Néanmoins, mon cher superviseur (qui ne se reconnaîtra pas puisqu’il ne va jamais sur LinkedIn !) m’a fait prendre conscience de combien nous sommes forts lorsque nous acceptons nos failles, nos fragilités. Car nous pouvons les transformer en ressources.
Lorsque je me mets à nu comme je le fais via cet article, je suis dans ma vulnérabilité ; mais je sais que c’est en étant dans cette honnêteté, cette transparence, que je peux créer un lien avec vous, un pont qui nous relie. Ma vulnérabilité parle à la vôtre.
Alors c’est comme cela que j’ai envie d’aborder ces coachings de l’urgence : à partir de ma vulnérabilité. Je n’ai aucun conseil à donner, aucune stratégie à aborder, juste une écoute inconditionnelle et un soutien sans faille à offrir.
MERCI INFINI à tous ceux qui sont sur le terrain pour nous.