Entre noyade et pendaison
Chercher à tout comprendre du système-client ou s'attacher plus que de raison à la "réussite" de la personne que l'on accompagne. Deux écueils du "vouloir bien faire", à éviter, qu'on soit coach ou manager.
Il y a une expression qui m'a toujours donné à réfléchir : il paraît qu'un coach peut "mourir" de deux manières : par noyade ou par pendaison. La noyade, c'est quand il est submergé par un trop-plein d'informations. La pendaison, c'est quand il s'attache trop à l'objectif de son client, et que ce lien finit par le coincer. Dans les deux cas, le coach perd sa puissance d'intervention.
On se noie quand on se sent le besoin de tout connaître de l'environnement dans lequel on intervient. Il se peut que ce soit l'entreprise qui fournisse quantité de documentation censée éclairer telle ou telle situation (les entreprises produisent une fascinante quantité d'écrits dont personne ne tient compte). Il se peut qu'on éprouve soi-même la nécessité d'obtenir "un maximum d'information" pour se rassurer, pour tenter de comprendre ce qui se joue. On ne sait jamais, un élément-clé pourrait échapper, n'est-ce pas ?
Mais a-t-on besoin d'en savoir autant que son client pour l'aider ? On voit poindre le risque d'une confusion des rôles, si le coach se mue en consultant, ou tente, par mimétisme, de se hisser au niveau de connaissance de son client, comme s'il s'agissait là d'une condition nécessaire pour l'aider à prendre des décisions (ou parce qu'il voudrait inconsciemment "évaluer" les décisions du client à partir d'une connaissance approfondie de son contexte). On ne s'en sort pas. Parce que "l'information" n'a pas de limite. Le diable finira par nous perdre dans les détails. Un trop-plein de données saturera nos capteurs sensibles, on perdra alors la fraîcheur, ce regard "extérieur" qui fait la différence, et l'intuition s'éteindra sous le blabla.
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Le piège de l'intention
La pendaison, c'est lorsque l'on confond l'alliance de travail du coaching avec le fait de prendre en charge les intérêts de son client (que le client dont il s'agit soit une personne, une équipe, ou même une organisation). On a tous connu ça. Cette personne, que vous savez intelligente et pleine de capacités, qui pourtant tourne en rond alors que la voie à suivre vous paraît évidente, à vous, qui êtes à distance. Vous pourriez avoir envie de la tirer, de la persuader ou la convaincre d'avancer dans le sens de ses intérêts. Et parfois, on bascule dans le piège de la bonne intention. Vouloir plus que son client. Vouloir pousser le client à s'engager, comme si on pouvait lui insuffler l'énergie et la volonté qui semblent lui manquer. Cela ne fait pourtant que renforcer les défenses auxquelles on se heurte. A la limite, le coach se retrouve involontairement à renvoyer à son client l'image de quelqu'un qui "devrait" faire ceci ou cela (et qui ne le fait pas). Aïe. On est tombé dans le jugement. Le piège est subtil.
Les managers aussi
La noyade, la pendaison, ce sont des métaphores applicables à tout un chacun. Les managers, en première ligne dans leur rôle d'accompagnement des collaborateurs, sont confrontés aux mêmes écueils. Par exemple, vous arrive-t-il de recueillir un énorme volume d'information avant de vous lancer dans un projet, ou de prendre une décision, au risque de perdre toute agilité, de ne plus voir que les difficultés, les impossibilités, à peser et soupeser sans fin, le pour et le contre de vos initiatives ? C'est que la noyade guette !
Est-ce que vous agissez non en fonction de ce que demandent vos interlocuteurs, mais de ce qui vous paraît (à vous !) "bon pour eux", au nom de leur réussite telle que vous la concevez ? Est-ce qu'il vous arrive de vous sentir fautive ou fautif s'ils n'empruntent pas la voie que vous pensez bonnes pour eux ? Attention à trop d'attachement : les bonnes intentions ne font pas nécessairement les bonnes relations de travail.
Dans les relations professionnelles, nous naviguons entre ces écueils (et quelques autres). De temps à autre, il est précieux de prendre un peu de recul et de distance (qui fera beaucoup de bien - à soi et aux autres), tant sur un idéal de "connaissance parfaite" que sur l'envie de vouloir faire le bien des autres malgré eux. Ce sont de bonnes questions à se poser avec son coach, au fond. Il en sait forcément un bout sur le sujet.
Retraité penseur et actif
2 ansAider l'autre malgré lui est en effet un des plus grands écueils du métier. Nous n'avons en réalité aucune solution pour l'autre ou sinon cela révèle un manque de croyance en la puissance intérieure qu'à l'autre à décider de sa vie et nommer lui-même la direction qu'il choisit de prendre. Félicitations, Marc pour cet article. Amicalement
Coach systémique - Auteure - Kolibri Coaching
3 ansTrès juste, comme toujours Marc ! C'est finement dit. Savoir freiner pour ne pas aller trop vite, revenir à la demande du client : l'approche systémique (et stratégique) nous aide à cela. Encore faut-il travailler à rester dans le "non-vouloir" (hop, supervision quand ça gratouille de ce côté-là).
Executive Coach certifiée I dirigeants - managers - équipes I +25 ans en entreprise à des postes de direction et management I + 60 managers & +10 équipes accompagnés
3 ansMerci Marc Traverson pour cette réflexion ! RALENTIR …SOI MÊME ET SON CLIENT permet d’éviter ces deux pièges, ralentir pour mieux voir ce qui se joue…
J’accompagne les managers dans la mise en place d'organisations responsabilisantes pour concilier Performance et Bien vivre au travail.
3 ansMerci pour le rappel de la métaphore Marc Traverson . Pour la noyade rester sur la berge ( posture Meta ) et accompagner le flux de pensées ( questions au service du client) ; pour la pendaison ne pas monter sur le tabouret de la posture haute du sachant . Rester humble , poser le regard du pygmalion et faire confiance à son client et se rappeler que la puissance est chez notre client .