Exclusion des personnes morales de droit public, tierces saisies, au bénéfice de l'immunité d'exécution
Une personne morale de droit public, tierce saisie, envers qui aucune exécution forcée n’est pratiquée ne peut bénéficier de l’immunité d’exécution prévue par l’article 30 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUVE).
En substance, c’est ce qui ressort de la décision de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA), dans son arrêt n°032/2019 du 31 janvier 2019, Etat de la Cote d’Ivoire, Agence Comptable Centrale de Dépôt (ACCD) contre Monsieur TESSEYRE.
Muni d’une ordonnance d’injonction de payer, Monsieur TESSEYRE a fait pratiquer au préjudice de la Chambre Nationale d’Agriculture de la Côte d’Ivoire (CNACI), une saisie attribution de créances entre les mains de l’Etat de la Côte d’Ivoire, à l’Agence Comptable Centrale des Dépôts (ACCD). Sur résistance au paiement de l’Etat de la Côte d’Ivoire, tiers saisi, le créancier saisissant a sollicité et obtenu du Président du Tribunal de Première Instance (TPI) d’Abidjan une ordonnance de référé condamnant l’Etat de la Côte d’Ivoire et l’ACCD de payer la somme saisie cantonnée à 87 000 000 F CFA.
Saisie, la Cour d’appel d’Abidjan a confirmé par arrêt du 21 novembre 2016 l’ordonnance rendue par la juridiction présidentielle du Tribunal de première instance.
S’étant pourvu en cassation devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, les demandeurs au pourvoi soutiennent que l’arrêt d’appel a violé les dispositions de l’article 30 de l’AUVE en ce que la CNACI et l’ACCD sont bénéficiaires de l’immunité d’exécution et que leur qualité de personne morale de droit public constitue un obstacle légal empêchant l’exécution forcée.
La Haute Cour était alors amenée à répondre à la question de savoir si une personne morale de droit public, tierce saisie, contre qui aucune exécution forcée n’est pratiquée, peut bénéficier de l’immunité d’exécution prévue par l’article 30 de l’AUVE ?
La CCJA répond, avec fermeté, par la négative en relevant qu’aucune exécution forcée au sens de l’article 30 de l’Acte uniforme susvisé n’a été pratiquée contre les demandeurs au pourvoi, qu’il s’agissait de simples poursuites de tiers saisi que n’interdit nullement l’immunité d’exécution.
Avec cette décision, la Haute Cour trace les frontières pour le bénéfice de l’immunité d’exécution qui constitue un obstacle à la mise en œuvre des mesures d’exécution forcée pratiquées contre les personnes morales de droit public. Ainsi, le statut de personne morale (dont les demandeurs au pourvoi ont voulu se prévaloir) ne suffit pas à lui tout seul à la mise en œuvre de l’immunité d’exécution. Encore faudrait-il qu’une mesure d’exécution forcée soit pratiquée contre la personne morale de droit public.
Par ailleurs, cette décision, conforme à l’esprit des dispositions de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution, renseigne sans équivoque sur le fait que les poursuites engagées entre les mains d’un tiers saisi ne sont pas constitutives d’exécution forcée. Tirant la conclusion qui y est sied, la Haute Cour estime que dans de pareilles conditions, le tiers saisi échappe à la protection de l’immunité d’exécution.
Depuis l’arrêt Togo Télécom (en 2005), la CCJA ne manque pas l’opportunité de se prononcer sur l’application de l’article 30 de l’Acte uniforme précité qui est devenu aujourd’hui une arme brandie sans gêne par les personnes morales de droit public contre qui des mesures d’exécution forcée sont pratiquées.
Pour une bonne protection des créanciers, il était légitimement attendu de la Cour de restreindre l’application de cette disposition dont l’usage, par les personnes morales de droit public et entreprises publiques, cataloguées à tort ou à raison comme de mauvais payeurs, est devenu de plus en plus récurent.
D’ailleurs, nous constatons avec satisfaction, la tendance à la restriction de l’application de l’article 30 précité prônée par la Haute Cour depuis un certain temps. Il en est ainsi des affaires récentes ci-après :
- CCJA, Arrêt n°103/2018 du 26 avril 2018, Mbulu Mbuseso c/Société Grands Hôtels du Congo 2018 ;
- CCJA, Arrêt n°032/2019 du 31 janvier 2019, État de la Côte d’Ivoire, Agence Comptable Centrale de Dépôt c/ Monsieur Roland TESSEYRE, et ;
- CCJA, Arrêt n°267/2019 du 28 novembre 2019, Grégoir Bakandeja c/Société Grands Hôtels du Congo).
En s’activant dans l’entreprise de restriction de l’immunité d’exécution, la CCJA entend se conformer aux objectifs du Traité OHADA, notamment la mise en œuvre de règles juridiques aptes à favoriser l’activité des entreprises, et par ricochet l’investissement privé.
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Avocat à la Cour/Attorney/ GENI and KEBE (Litigation-Tax-Corporate-Finance and Project)
2 ansBoubacar DIAKITE
Manageur des Programmes chez Glob@l Vi$ion Consolid@ted
4 ansC’est vraiment intéressant de vous suivre !
Notaire stagiaire chez Office Notarial Maître Anta KANE juriste fiscaliste
4 ansBelle contribution, sur ce point de l'article 30 la CCJA est en train de bien jouer son rôle pour nous permetre d'en cerner les contours.
Bank Executive
4 ansExcellente analyse Me, merci pour le partage !
English Coach chez SPEAK YOUR ENGLISH-DST (SYE-DST) /Founder of SYE-DST 👈
4 ansEst- ce applicable sur les procédures collectives ?