L’injonction de payer dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution de l’OHADA.
Le recouvrement de créance par la procédure d’injonction de payer est régi par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10 avril 1998 qui a été révisé le 17 octobre 2023 à Kinshasa et publié au Journal officiel de l'OHADA le 15 novembre 2023, il est entré en vigueur depuis le 16 février 2024.
1. Les procédures simplifiées de recouvrement des créances
Les procédures simplifiées sont des voies par lesquelles, un créancier peut obtenir un titre exécutoire tendant à obliger son débiteur de le payer, c'est-à-dire, une décision judiciaire qui condamne son débiteur au paiement de la dette.
Il existe deux procédures simplifiées de recouvrement de créances, à savoir, d’une part l’injonction de payer qui nous intéresse ici et qui est règlementée par les articles 1 à 18 de l’Acte uniforme, et d’autre part, l’injonction de délivrer ou de restituer prévue par les articles 19 à 27 de l’Acte uniforme.
2. La créance recouvrable
Une créance est dite recouvrable lorsqu'elle remplit certaines conditions de fond et de forme, le législateur communautaire dispose que le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer (Art.1 de AUPSRVE).
En effet, la créance recouvrable est celle qui remplit ces conditions prévues à l'article 1er de l'acte uniforme, elles ne sont cependant, pas à confondre avec celles que le législateur communautaire a posé à l’article 2 de l’acte uniforme.
En effet, il y’a d’une part, les conditions sine qua none que nous allons définir, et d’autres part, les exigences pour procéder avec la requête. Ces conditions sine qua non, sont donc : La certitude de la créance, La liquidité et surtout, L’exigibilité de la créance. Ces conditions sont cumulatives et peuvent s'appréhender comme suit :
D'autres part, la procédure d’injonction de payer n’est ouverte que pour les créances ayant une cause contractuelle et de celles résultant d’un effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante conformément à l'article 2 de l'acte uniforme.
L'acte uniforme offre alors un moyen rapide et peu coûteux dont peut se servir un créancier pour contraindre son débiteur à le payer lorsque la preuve est rapportée par lui, établissant que la créance a une nature contractuelle et qu’elle est certaine, liquide et exigible. Le créancier dont la créance réunit ces conditions, peut obtenir une ordonnance d’injonction de payer qui ne pourrait être annulée par le juge.
3. La procédure établie dans l'acte uniforme
L’acte uniforme prévoit en son article 3 que la demande soit formée par requête auprès de la juridiction du domicile ou du lieu où demeure effectivement le débiteur ou l’un d’eux en cas de pluralité de débiteurs, le même article renchérit en son alinéa 2 que, les parties ont néanmoins, sur la base d’une clause d’élection de domicile ou de clause d’attribution de compétence, la faculté de choisir la juridiction géographiquement compétente de leurs choix.
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Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président de la juridiction compétente rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu’il fixe.(Art.5 de AUPSRVE).
Cependant, si le président de la juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête, sa décision est sans recours pour le créancier sauf pour lui, de procéder selon les voies et la procédure de droit commun dont le tribunal de paix ou de grande instance qui, malheureusement n’accordent pas les mêmes avantages de célérité.(Art.5 al 2 de AUPSRVE).
4. Les préalables d'exécution
Le créancier qui a obtenu une décision portant injonction de payer à l'encontre de son débiteur, est tenu de la signifier à celui-ci par voie extrajudiciaire dans un délai maximal de trois mois à compter de son obtention, cependant, le non-respect de ce formalisme et du délai requis, rend la décision non avenue et sans effet (Art.7, al 2 de AUPSRVE).
En sanctionnant le moindre manquement au formalisme par la nullité de l’acte de signification, le législateur communautaire confie une part de responsabilité importante aux huissiers de justice dans l’aboutissement de cette procédure.
A la réception de l’ordonnance, le débiteur peut ou non former opposition dans un délai de 15 jours, cependant, au-delà d’un délai de quinze jours, augmenteront éventuellement des délais de distance. Ces délais dont dispose le débiteur pour agir en contestation, ne courent qu’à compter de la date d’une signification régulière de l’ordonnance d’injonction de payer. Si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en partie les biens du débiteur.
Le créancier peut tout de même se réjouir des délais particulièrement courts accordés au débiteur pour faire opposition.
Une fois que l’opposition est faite par le débiteur dans le respect des dispositions légales, le juge a l’obligation de faire une tentative de conciliation. Si un accord est trouvé, il est consigné dans un procès-verbal signé par les deux parties antagonistes et le juge. Ce procès-verbal de conciliation vaut titre exécutoire conformément à l’article 33, al. 3, mais si au contraire, la tentative de conciliation n’aboutit pas, le juge saisi devra statuer immédiatement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition conformément à l’article 12 alinéa 2 et Ainsi, la décision rendue sera alors susceptible d’appel à la cour commune de justice et d'arbitrage dans un délai de trente jours.
Malheureusement, bien que cette condition soit obligatoire, l’article 12 ne laisse entrevoir nulle part une sanction expresse consécutive au défaut d’ordonner ou de réclamer cette tentative de conciliation obligatoire, la violation de cette condition pour la juridiction saisie de l’opposition, le législateur n’a pas pris le soin de sanctionner cette irrégularité par la nullité du jugement lorsque le juge lui-même ne l’a pas exigé, cela pourrait peut être se justifier par le fait que, la demande de procéder par la tentative de conciliation est une action requise du juge et des parties. Il devient du coup moins surprenant que l’omission de la tentative de conciliation ne peut entraîner la nullité du jugement rendu sur opposition, faute de texte prévoyant ladite nullité, bien que cette formalité est obligatoire.
5. L’injonction de payer
Sans exécution ni opposition de la part du débiteur, le créancier peut demander par voie orale ou écrite, l’apposition de la formule exécutoire sur la décision portant injonction de payer au greffe du tribunal. L’apposition de la formule exécutoire n’est plus immédiate et automatique, elle dépend de l'écoulement des délais accordés au débiteur pour faire opposition.
Le constat est que le recours ordinaire contre la décision d’injonction de payer est l’opposition, c’est pourquoi en pratique, l’attitude la plus fréquente du débiteur est tout de même de faire opposition car il s’agit en effet, de l’unique voie de recours dont il dispose pour contester l’ordonnance prise à son encontre, cette opposition vient en réalité comme une rétractation et constitue une innovation majeure par rapport aux anciens textes des états membres, d’autant plus qu’au regard de l’AUPSRVE, il est évident qu’en faisant appel de l’ordonnance d’injonction de payer, le débiteur n’a pas fait usage de la voie de recours prévue par son article 9, ainsi, Il y a lieu en conséquence de déclarer l’appel irrecevable, ce qui ferait perdre son avantage au débiteur qui aurait une quelconque contestation.
A côté de la procédure simplifiée de recouvrement de créances, le législateur organise les voies d'exécution qui par contre, sont de véritables procédures par lesquelles un créancier impayé saisit les biens de son débiteur afin de les faire vendre et se payer sur le prix de vente ou de se faire attribuer lesdits biens, cette procédure vise à susciter l'investissement tout en rassurant le créancier par une plus grande valorisation du titre exécutoire à travers le renforcement des techniques juridiques de sa mise en œuvre que le législateur communautaire met à la disposition des créanciers.