Faut-il s’apprécier pour (bien) jouer ensemble ?

J’ai d’instinct envie de répondre non à cette question. Nous avons toujours des exemples d’équipes ou de joueurs qui ont performé ensemble alors qu’ils ne pouvaient pas se voir en peinture. Cependant, ces exemples restent marginaux selon moi. Je pense qu’avoir une connivence, apprécier la personne avec qui l’on joue, est un plus indéniable pour accéder ensemble à la performance. C’est ce qui donne envie, peut-être, parfois, de faire l’effort de plus pour rattraper l’erreur du coéquipier et lui sauver la mise. L’amitié, ou au moins le sentiment d’apprécier quelqu’un peut donner du relief à la complicité technique sur le terrain. On a encore davantage envie de réaliser quelque chose ensemble. L’ambiance dans une équipe est donc quelque chose d’essentiel, et non pas quelque chose d’accessoire. Il faut une raison d’être commune, et, ok, celle-ci peut très bien être de gagner tout le temps, ce qui permet d’unir des gens aux caractères pourtant incompatibles. Mais, d’une part, je pense que cela ne dure pas dans le temps, et d’autre part avoir envie sincèrement de vivre une aventure collective ensemble qui est de remporter un trophée, de décrocher un maintien, ou tout autre défi d’envergure adapté à l’histoire et à la situation de l’équipe, renforce à mon sens les chances d’y parvenir.

Pourquoi ? Parce que le mental des joueurs sera plus serein, plus lucide. Personne n’a envie de se lever le matin pour aller retrouver des gens qu’il n’apprécie pas. Personne n’a envie de voir réussir un collègue qu’il n’aime pas. Car c’est aussi ça qui se joue dans un sport collectif : « si je fais en sorte de t’aider sur le terrain, tu vas toi aussi réussir et triompher. En ai-je vraiment envie si je ne t’aime pas ? »  En ayant des joueurs qui s’apprécient, ou se respectent vraiment sans être les meilleurs amis du monde, on crée des conditions favorables à une ambiance saine. Lorsque les résultats iront dans un sens qui n’est pas le bon, il sera plus facile d’échanger pour trouver des solutions et en sortir.

Tout cela questionne sur un point important : avant de chercher à recruter des joueurs ou des joueuses, je pense qu’il faut chercher à recruter des hommes ou des femmes qui pourront potentiellement être compatibles. C’est exactement ce qu’il manque aujourd’hui à beaucoup de clubs, surtout de football, pour avoir de meilleurs résultats. La compréhension de l’humain, de son tempérament, être capable de faire une projection par rapport aux différents joueurs de l’effectif, tout cela me semble absolument indispensable avant de penser aux qualités techniques. Un joueur moins « talentueux » sur le papier mais doté d’un état d’esprit qui conviendra parfaitement au groupe déjà en place pourra trouver un terrain d’expression pour augmenter son niveau. À l’inverse, le joueur qui sort d’une grosse saison et se voit transféré, passant d’un endroit où il se sentait parfaitement à son aise à un environnement humain qui ne collera pas avec son caractère, aura des chances de régresser. Il est facile d’avoir quelques exemples en tête.

Pour toutes ces raisons, je pense également (et surtout) que les directeurs sportifs, puis les entraîneurs, sont les garants de l’état d’esprit de l’équipe et doivent y prêter la plus grande attention, y compris et surtout lorsqu’ils constituent leur groupe.

Florian, coach mental foncièrement collectif