Guānxì - 关系
La relation cinématographique franco-chinoise est un objet complexe auquel les années, comme un tailleur de diamant, ajoutent toujours plus de facettes, la rendant à la fois plus attirante et plus difficile à appréhender. Au marché français, qui serait d’une transparence exemplaire quant au financement des films (outils abondants mais « réservés »), aux démarches administratives (devoir de réserve), quant au marché et à la manière d’y accéder, on oppose volontiers l’opacité supposée du marché chinois, dont on ne comprendrait pas les rouages, et qui serait particulièrement réticent à la diffusion des œuvres françaises... Chacun s’efforce donc de décortiquer, d’analyser, de comprendre et de trouver des parades, le cas échéant en s’essayant à la « pression »... L’expérience me semble pourtant amener à une autre conclusion, que je résume provisoirement en deux termes : pragmatisme et patience ! Mieux se connaître, en se fréquentant de manière régulière, accepter avec humour l’incommunicabilité entre des êtres et des traditions très éloignés les uns des autres, et avancer pas à pas en n’oubliant pas que l’humain prime.
C’est bizarrement cette dimension qui n’a pas été comprise en France (par les institutions), cela alors que nous incarnons, à juste titre évidemment, des traditions de convivialité et de bonne chère. En Chine, j’ai toujours constaté ce même attachement au développement d’une relation de travail à travers des moments de partage qui n’appartiennent pas strictement à la vie professionnelle, mais qui en France aussi ont toujours servi les affaires. Mais en France, le déjeuner/dîner professionnel relève peut-être davantage de la formalité qu’en Chine, où le temps passé autour du repas (plutôt alcoolisé alors qu’un déjeuner parisien se fait à la Badoit) sert à mieux se connaître mutuellement, à faire naître une forme d’amitié et de confiance. Quant aux beuveries nocturnes, comme ailleurs en Asie, elles ne sont pas inutiles non plus... Pourvu que l’on se souvienne de ce qu’on s’y est dit... Et à travers la répétition de ces moments de convivialité, qu’il n’est pas si difficile d’organiser et de vivre avec sincérité, naîtra une relation propice aux affaires. Les producteurs, pour la plupart d’entre eux, ont compris cela. Mais les facilitateurs, les formalisateurs, les organisateurs, eux, c’est moins sûr...
Par ailleurs, n’oublions pas d’être modestes dans cette relation fondamentalement déséquilibrée, et finalement plutôt favorable aux intérêts français à condition de la regarder avec honnêteté. Il suffit de considérer par exemple le nombre de longs métrages français achetés et distribués en Chine, quels que soient les modes de diffusion et y compris la salle, et de le comparer au nombre des œuvres chinoises achetées et diffusées en France. Peut-être pourrait-on s’inspirer de ces faits, que l’on peut certes s’amuser à qualifier, car il est impossible de les réfuter, pour revoir les revendications françaises avec sagesse... En est-on encore à penser que le cinéma français est tellement supérieur aux autres ?