L’ÉDUCATION

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Comment pourrions-nous redéfinir notre façon d’être au monde?

La plus grande richesse naturelle dont nous disposons comme société, ce sont les gens, les enfants, les citoyens, les êtres humains, nous-mêmes. C’est fort assurément la matière première la plus méconnue et la moins développée sur notre planète et, comme on peut le constater, celle qui nous réserve le plus de surprises. L’être humain est, d’une certaine façon, comparable à une technologie, une formidable technologie biologique, un ensemble complexe avec des millions de composantes et de propriétés extraordinaires dont nous ne maîtrisons qu’une infime partie. Je m’amuse à comparer l’être humain à un ordinateur de bureau (PC) qui atterrit sans mode d’emploi au sein d’une gentille tribu d’hommes primitifs égarés quelque part dans le temps. L’appareil est là, on le regarde, on trouve qu’il a une très jolie couleur, et l’on s’en sert comme d’une petite table parce que l’on n’a aucune espèce d’idée à quoi cela peut bien servir.

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À mon sens, l’être humain se retrouve précisément dans cette situation; on n’a pas, mais vraiment pas, de mode d’emploi et l’on s’est imaginé certaines de ses fonctions sur la base d’observations primaires; et c’est tout, c’est fini, pas plus compliqué que ça. Débrouillez-vous avec le reste, mais surtout, n’essayez pas de comprendre quelque chose parce qu’il n’y a rien à comprendre et que, de toute façon, cela ne changera rien. En attendant, on va bien s’occuper de vos enfants! Avec notre excellent système d’éducation, on va leur donner une formation « adaptée » à la société de consommation! Comme si nous étions un troupeau de quelque milliards de crétins et fiers de l’être. Ce constat inclut aussi, et surtout, les personnes les plus riches, les mieux éduquées et les plus influentes dans notre société. Aimeriez-vous faire quelque chose pour améliorer la situation? Comment pourrions-nous redéfinir notre façon d’être au monde? Que diriez-vous d’un petit réveil collectif? C’est inclus dans le prix du séjour!

Il est vrai que nos connaissances sont bien limitées et l’on ne manque pas de nous rappeler que la nature humaine étant ce qu’elle est, nous n’utilisons pas beaucoup plus que 10 % de nos capacités cérébrales, tout probablement comme à l’époque de la Rome antique. C’est chic! Je me dis qu’il faut voir le problème d’une autre façon, changer notre approche. Est-ce vraiment une bonne idée de continuer à faire passer des tests d’intelligence et de tenter de mesurer les quotients intellectuels? Selon moi, l’intelligence ne se mesure pas, elle s’apprécie. En fait, ce qui s’évalue, c’est le respect et l’attention que l’on porte à sa propre intelligence, pas à celle des autres. L’idée que nous n’utilisons que 10 % de nos capacités cérébrales est une approche mécanique et réductrice de la pensée. Je suis plus à l’aise avec une approche systémique, une approche qui nous invite à prendre conscience de tout notre espace mental. Notre boîte crânienne est une véritable caisse de résonance, elle délimite surtout un espace qui nous est alloué, qui nous appartient. Voilà donc l’espace que nous devons occuper, ni plus, ni moins! Nous recevons une éducation qui nous invite à n’occuper qu’une infime partie de cet espace, 10 % probablement. Les 90 % qui restent sont, en quelque sorte, livrés en pâture aux lions; sauve qui peut!

Cette idée de capacités cérébrales est très limitative parce qu’en réalité elle confond les capacités et l’environnement dans lequel ces capacités sont en action. Nos capacités sont confinées à s’exercer et à se déployer dans une toute petite partie de nous-mêmes... Vous naissez et l’on vous indique une petite pièce qui va vous servir d’abri toute votre vie. Alors qu’en réalité, cette petite pièce est à l’intérieur d’un immense et colossal château dont vous êtes le seul propriétaire; mais cela, vous n’êtes pas supposé le savoir, mais vous pouvez toujours en rêver!

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Me poser la question « Qu’est-ce que ça prend pour sortir de cette pièce? » m’a permis de découvrir qu’il y a une toute petite ouverture dans l‘un des murs. Je me suis demandé ce que c’était. La réponse à cette question est fort simple : c’est la créativité. Elle est la voie d’accès, le passage vers quelque chose de nouveau que chacun d’entre nous peut librement explorer. Nous devons revoir notre système d’éducation pour encourager les gens à assumer pleinement leur identité et leur proposer des activités qui viennent renforcer et célébrer leur originalité. Je me dis qu’avec ce passage à l’an 2000, nous sommes tous bel et bien arrivés dans le futur et il serait temps que cela paraisse un peu.

Nous constatons, à regarder autour de nous, que la créativité est un attribut que tout le monde possède. S’il existe en nous un outil, un moyen pour aller au-delà de cet espace mental où nous sommes confinés, c’est assurément la créativité. Je me plais à en déduire et à imaginer, avec le peu de connaissances que je possède, que si l’être humain est une technologie biologique, sa fonction principale doit être au moins celle de créer.

D’où cette idée que c’est du côté des sciences humaines, des attitudes, des comportements, des idées, voire de notre façon d’être, que nous devrions voir des changements importants se manifester dans les années, les mois et les jours à venir... Nous sommes appelés à revoir nos attentes envers les autres et, en même temps, à comprendre ce qu’ils sont en droit d’attendre de nous ainsi que les limites de ce que l’entourage peut nous imposer. Ce phénomène devrait s’étendre à l’ensemble des activités humaines : famille, école, travail, médias et société. Nous sommes invités à revoir l’image que nous avons de nous- mêmes et, par conséquent, à repousser les limites de nos possibilités vers des frontières que nous sommes heureusement incapables de situer.

Or, nous voici au XXIe siècle. La technologie a évolué de façon extraordinaire, mais trop de questions restent encore sans réponse. Un peu comme si personne n’osait faire les premiers pas. L’école est en plus mauvaise condition qu’il y a trente ans et, assurément, moins intéressante qu’elle ne l’était à l’époque des philosophes grecs... Des technocrates déshumanisés continuent d’implanter dans la tête des enfants une plate-forme d’exploitation de leur cerveau totalement archaïque, désuète et malade. Ils vous préparent à la chasse aux mammouths en vous expliquant le fonctionnement du tire-pois alors que la moitié de la population du globe crève de faim. Pendant ce temps, en allant et en revenant de l’école, le système en profite pour vous faire miroiter le montant du prochain tirage de la loterie. J’ai l’impression d’assister à un détournement collectif de mineurs, un genre de génocide! Quelqu’un, quelque part, s’évertue à former les gens à répéter encore et encore des schèmes traditionnels, complètement dépassés et qui n’ont déjà plus rien à voir avec la réalité du XXIe siècle. Comme s’il n’y avait personne d’assez intelligent dans ces institutions pour s’en rendre compte et en tenir compte. Comme si tout le monde était simplement dépassé par les événements. Comme si tout le système était à la fois sourd, aveugle et manchot. Nos élites s’intéressent plus à la performance des institutions qu’au réel épanouissement des étudiants. C’est comme pour la santé, nos gouvernements se préoccupent plus de la santé du système que de la santé des gens. Nous sommes plus concernés par les structures que nous avons créées au cours des ans que par nos semblables. C’est là, à mon humble avis, une forme réelle et grave de maladie mentale collective.

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Paradoxalement, quand vous lisez les offres d’emploi sous la rubrique carrières et professions de tous les quotidiens de la planète, vous vous rendez compte que l’on exige de tous les finissants d’université d’être créatifs. Le problème, c’est que l’on ne les a jamais préparés, encouragés, outillés ou soutenus en ce sens. Pendant toutes ces années sur les bancs d’école, personne n’a jamais pensé à leur montrer à voir autrement, à penser autrement ou à agir autrement; au contraire, on leur a enseigné, méthodiquement et avec beaucoup d’insistance, à voir, à penser et à agir comme tout le monde! La société tout entière est propulsée dans une dynamique de changement sans commune mesure depuis le début de l’histoire de l’humanité et ceux qui dirigent nos systèmes d’éducation ne savent pas quoi faire... Il semble qu’il n’y ait rien dans les manuels sur ce genre de situation et les pauvres gestionnaires se retrouvent pris au dépourvu! Nous avons un sérieux problème. Le plus étrange dans tout cela, c’est que je n’ai pas encore rencontré un professeur d’université en désaccord avec moi sur cette question. Les seules personnes qui se permettent d’argumenter et qui tentent de me faire croire que tout est sous contrôle et qu’il n’y a pas de problèmes, ce sont des administrateurs de type technocrate, des fonctionnaires zélés ou des politiciens.

Depuis des décennies, nous savons que notre cerveau est composé de deux hémisphères cérébraux, un gauche et un droit. Tous les spécialistes s’entendent pour dire que l’un est rationnel et utilise des concepts, et que l’autre est intuitif et utilise des images mentales. En psychologie et dans les processus de résolution créative de problèmes, on reconnaît deux modes de pensée qui sont apparentés directement avec nos deux hémisphères cérébraux : la pensée divergente, qui utilise le cerveau droit et dont le mode est intuitif, et la pensée convergente, qui utilise le cerveau gauche et dont le mode est rationnel.

Ces processus de résolution créative de problèmes sont les outils les plus simples et les plus accessibles que j’aie rencontrés; ils constituent un excellent exercice de base pour faire fonctionner notre machine à penser. Je compare le tout à des exercices d’étirement et de réchauffement avant de pratiquer une activité sportive (vous trouverez en annexe un texte explicatif sur le processus de résolution créative de problèmes). Ces processus devraient faire partie des cours obligatoires chez les étudiants. Un finissant du secondaire devrait posséder son statut de leader dans le processus, c’est-à-dire le statut qui permet de l’enseigner à d’autres. Notre société s’en porterait probablement bien mieux. Nos jeunes seraient outillés pour faire des choix, plus libres de leur pensée et plus en contrôle de leur déploiement dans la société.

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Je me plais à croire que nous pourrions, tous ensemble, essayer de revoir notre façon de voir les gens. Reconnaître que la vocation première d’un être humain, c’est d’être créatif. S’assurer, comme groupe, que nous outillons adéquatement nos enfants dans le cadre de leur passage à l’école. Un passage orienté vers leur épanouissement. Plus important encore, assurons-nous de mettre en place un environnement qui favorise la créativité, l’originalité et l’expression des individus, et ce, tant dans nos familles, à l’école, que dans les mass médias et dans le monde du travail.

Cela pourrait devenir un formidable projet de société; plus tôt on s’y mettra, mieux la planète s’en portera. Mais voilà, ce beau projet exige une grande remise en question de l’organisation de nos sociétés. Je ne vois pas cela comme un problème, au contraire, c’est un formidable projet de solution. Un philosophe grec aurait pu dire, il y a 2500 ans : l’univers a tout son temps, c’est l’homme qui est pressé. Aujourd’hui, je dirais : l’univers n’a plus de temps à perdre et l’homme n’a plus le choix; au travail!

Avez-vous beaucoup d’imagination?



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QUEL CIRQUE ✰ Jean David © 2003

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