La chasse spirituelle

La chasse spirituelle


Mai 1949. Qu'est-ce qui agite St Germain des prés, le Jazz, la foire existentialiste du café de Flore. Non, Rimbaud !

Car le 19 mai sont parus dans Combat les extraits d'un inédit du poète, La chasse spirituelle. L'œuvre d'une vingtaine de pages doit sera éditée au Mercure de France par le douteux Pascal Pia auquel on doit quelques faux de Baudelaire et d'autres encore. Cela aurait pu sembler suspect, mais pendant deux mois l'affaire va agiter le monde des lettres. Pensez donc, un Rimbaud mystique, c'est aussi retentissant que la découverte des manuscrits de la Mer morte ! Cela induit une autre lecture d'une saison en enfer et renforce la légende entretenue par sa sœur Isabelle de la conversion d'Arthur. C'est aussi donner foi aux copies des soi-disant poèmes inédits effectuées par Verlaine. Si le texte apocryphe est vraisemblable selon la critique, la supercherie n'échappe pas à André Breton qui s'en tarder expose son analyse du texte sous le titre de Flagrant délit. Les faussaires ne tardent pas à se dévoiler, il s'agit de Nicolas Bataille et d'Alkakia Viala deux comédiens qui affirment avoir voulu se moquer de la critique qui deux ans plus tôt avait étrillé leur adaptation sur scène de la Saison. Bataille écrira quelques années plus tard comment commettre du faux Rimbaud. Rien de plus facile que de pasticher un auteur, il suffit de reprendre ses tournures, ses verbes et ses adjectifs de reproduire ses redondances. Il échappera toujours lorsqu'on s'en prend à un auteur aussi hermétique que celui-ci, le filigrane de la phase ou du vers, aussi bien que la multiplicité simultanée des significations. Comme pour la peinture ou la monnaie, la copie est facile mais la falsification est exigeante et on finit toujours par déceler la faille. Aussi malgré quelques tentatives récentes de semer le trouble sur la validité de la Chasse spirituelle, la question semble définitivement tranchée aujourd'hui. 

Si Rimbaud avait continué à écrire après Une saison en enfer, son influence sur la posture du littérateur aurait-elle été la même. 

Ne sachant expliquer ces paroles païennes, je voudrais me taire…Je ne sais plus parler.

Aucun des sophismes de la folie, la folie qu'on enferme n'a été publié par moi…Cela s'est passé.

Ce bégaiement muet marque le renoncement de celui qui sait que l'encre ne remplace pas le sang de la vie. De par son sabordage, le poète nous dit que la littérature n'est qu'un moyen comme un autre et jamais une fin en soi. Il fait redescendre le littérateur du piédestal ou le siècle l'avait hissé et ceux qui veulent faire de Rimbaud un prophète ou un nouveau Saint Jean de la Croix auront toujours tort. La littérature est frivole et s'il faut admirer Rimbaud ce n'est pas seulement en sa qualité de poète, même pas en tant qu'homme avec ses faiblesses et ses doutes, mais parce qu'il est une âme par laquelle chacun peut pénétrer dans l'enfer comme dans son propre drame.


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