La formation, éternelle variable d'ajustement lors des crises en France

La formation, éternelle variable d'ajustement lors des crises en France

Le phénomène d'une rétractation de la formation, après chaque événement social ou financier important, se vérifie une nouvelle fois actuellement en France

Fin 2008 alors que la crise (monétaire, financière, sociale) faisait rage la conséquence la plus évidente de ces secousses fut -outre des fermetures ou le déclin de beaucoup d'entreprises industrielles ou commerciales, la réduction drastique de l'effort (auparavant déjà passablement insuffisant) de la presque totalité de l'effort formation des entreprises et du monde du travail.

La crise sanitaire de 2020 a entamé et désagrégé l'essentiel des forces éducatives de notre pays

L'enseignement public, ce mammouth a un million de fonctionnaires, n'était ni préparé ni capable d'absorber des confinements à répétitions, un éloignement des élèves et des étudiants dans un système qui globalement ne responsabilisait pas mais imposait une présence physique pour apprendre. Livrés à eux-mêmes les étudiants, les élèves, les familles ne furent souvent pas capables d'utiliser ces périodes de retraits sociaux pour développer de nouvelles formes d'apprentissages, de connaissances, de partage et de collaboration.

En payant intégralement les salaires des enseignants (quoi qu'il en coûte) l'Etat ne sembla pas avoir intégré que certains (parmi les enseignants) en profiteraient pour lâcher prise, pour s'éloigner encore plus des élèves, des familles et des missions qui leur étaient confiés.

Dans la formation professionnelle la crise sanitaire eu d'autres conséquences, au moins aussi graves qui pourraient durablement obérer nos capacités d'apprendre, de changer, de nous adapter à un monde définitivement complexe, incertain...et dangereux

  • Les organismes de formation (sans quoi rien n'est possible) furent en 2019 durablement atteints par la crise des réformes de la formation de 2014/2018,
  • Fin des budgets mutualisés pour les entreprises de plus de 50, baisse drastique des CA des OF et de leurs capacités de développement (notamment vers le numérique)
  • Nouvelles complexifications des circuits de réalisation et de financement (toujours plus aléatoires et instables)
  • Reconfiguration/déstabilisation des OPCA devenus OPCO et regroupés sans que les branches professionnelles changent (700 branches environ)
  • Nationalisation et centralisation des fonds formation au sein d'une instance tenant du Soviet Supreme de la défunte URSS (remplaçant un Copanef lui aussi obsolète dès sa création)
  • Monétisation et dématérialisation hasardeuses et non financées du droit à la formation (devenu CPF)
  • Conformation obligatoire à des process/certification coûteux et sans réelle valeur ajoutée

Alors que tous les organismes de formation devaient affronter et s'adapter à ces défis (après avoir perdu entre 30 et 80% de leur chiffre d'affaires en 2019) la crise vint stopper la plupart des formations dès mars 2020

  • Abandon de tous les stages présentiels,
  • "Disparition" des salariés, confinés et souvent bien peu enclins à se former à distance (ils touchaient l'intégralité de leur salaire sans obligation de formation)
  • FNE formation (qui sauva une petite partie de l'année) qui mit près de 2 mois à être réactivé et encore 2 mois à trouver ses marques (non plus les directions du travail mais les OPCO) avec un développement incertain et long (les crédits de 500 millions ne purent être dépensés en 2020),
  • CPF devenant une foire à la formation (et bien peu une "Market place") avec une désintermédiation qui incite certains à vendre des formations comme ils auraient vendu des isolations ou des fenêtres à 1 euro

En 2021 le désinvestissement en formation est flagrant, dans le privé comme dans le public

  • Le développement des compétences devrait attendre 2 à 3 ans puisqu'il faut rattraper toutes les formations obligatoires ou réglementaires (souvent coûteuses superfétatoires)
  • Les directions profitent souvent de la baisse de charge (temporaire et forcée) des services formation pour réduire la voilure (salle de formation récupérée par des services administratifs, budget formation encore rogné, personnel non remplacé)
  • Absence totale de volonté (et parfois de capacité) des entreprises de plus de 50 salariés de payer l'abondement CPF de 3 000 € en cas d'absence de gestion des parcours professionnels de leurs salariés (sur 6 ans, entre 2014 et 2020). Bien plus de 50 % des entreprises concernées n’étaient pas conformes aux dispositions des lois de 2014 et 2018 en matière de formation (3 entretiens professionnels et des formations non obligatoires pour tous), non seulement elles sont incapables de tracer les parcours de chacun mais elles n'ont jamais pris au sérieux cette obligation de gestion des parcours (qui était le pendant de l'abandon de la gestion du DIF par l'employeur).

Une formation à la peine dans un monde du travail qui n'en a jamais fait une priorité

La formation est en France à terre, une nouvelle fois (comme après 2008) et alors que les défis éducatifs du pays sont immenses, que les transitions et défis nous assaillent : climatique, numérique, sociale, professionnelle, notre pays dispose de forces éducatives à la fois démoralisées et démotivées (dans les écoles et les facs) ou déstabilisées et désargentées (en formation professionnelle). Nous ne pouvons préparer notre avenir professionnel dans un tel état de sidération et d'impréparation éducative.

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