La nécessaire mort de la « satisfaction » client
Un client, c’est d’abord quelqu’un qui nous fait confiance. Ce qui pose la question de savoir jusqu’à quand. Et l’on présuppose souvent que la satisfaction du client implique par voie de nécessité sa fidélité. Or cette croyance ne vacille-t-elle pas en bien des cas ? Et ceci sans doute parce que le client, étymologiquement, c’est celui qui nous « confie ses intérêts ». Ce qui induit moins une logique de fidélité qu’une logique d’opportunité : tant que les intérêts ne sont pas contrariés.
La relation de clientèle est donc intrinsèquement porteuse de caprices en puissance. Et l’obsession quant à la « satisfaction-client » induit par-là même une logique d’infantilisation : le client est en puissance le roi, ou l’enfant-roi, ce capricieux après qui l’on court. En conséquence de quoi, chercher à satisfaire son client peut potentiellement devenir une quête sans fin, aux antipodes de la relation de « confiance » que l’on souhaite instaurer.
Accorder sa confiance à quelqu’un c’est en effet d’abord accorder que ce quelqu’un exerce une autorité sur nous et nos jugements : on parlera d’une autorité jugée pertinente. La relation de confiance est donc d’abord une relation qui « nous fait grandir ». De fait, le paradoxe inhérent des logiques d’actions et de relations associées à l’enjeu de la « satisfaction client », c’est de perdre avec son client cette même relation de fidélisation que l’on cherche pourtant à construire.
Peut-être précisément parce que l’enjeu n’est pas tant l’indicateur de « satisfaction » des clients que la manière dont l’entreprise met le client au cœur de ses orientations stratégiques, et parfois même de manière active : on parlera de l’orientation client. Ce paradoxe de la satisfaction client se traduit souvent d’ailleurs de manière organisationnelle, en termes de comportements : on induit assez vite l’idée que les principaux responsables de la satisfaction sont ceux qui sont à son contact immédiat : les forces de ventes, les responsables clientèle, etc.
Or l’obsession pour la « satisfaction » induit des indicateurs quantitatifs dans l’évaluation directe de ces collaborateurs : la représentation du client tend alors dangereusement vers le « client-roi » ; on lui passera tout pourvu qu’il participe positivement à mon évaluation… et donc à mes potentiels de rémunération. In fine, on n’oublie que le rôle du commercial, c’est tout à la fois d’écouter le client que de savoir le guider. On oublie le recul critique que la course à la satisfaction peut potentiellement évincer.
De fait, « l’orientation client » d’une organisation est un sujet éminemment stratégique, qui place le client au centre ; la « satisfaction client » est un indicateur qui contient en son sein son propre poison : reléguer le client à la périphérie de l’organisation, pourtant pensée pour être à son service. Or la relation engagée n’est alors pas une relation constructive, de long terme : elle est d’abord à l’image de ce que l’étymologie du concept de « satisfaction » dit : « en avoir assez », c’est-à-dire « sortir des process de l’organisation ».
Peut-être est-il temps de mettre à mort la « satisfaction-client », parce qu’elle dit d’abord la manière dont l’organisation se satisfait d’elle-même avant de dire la manière dont elle satisfait ses clients. Peut-être est-il temps d’engager une transition vers l’orientation client, qui induit de mettre au cœur de la stratégie un ensemble de processus obsédés par « l’écoute client », de manière à ce que tous les services, toutes les méthodes, tous les comportements, se configurent moins pour « satisfaire » que pour « répondre » à des besoins présents, mais également des besoins futurs.
Parce qu’une organisation « orientée-client » vit dans un temps long, installe au cœur de ses logiques d’actions et de relations, des processus de veille, d’anticipation, d’écoute et d’adaptation, qui visent tout à la fois à répondre qu’à dessiner des propositions de réponses futures. Il ne s’agit pas seulement de répondre à une commande du marché, il faut accompagner son client dans la formulation de ses demandes, pour ne pas répondre à un besoin par un produit dont on sait qu’on ne pourra répondre qu’en partie, mais construire avec ses clients des réponses d’avenir pour sortir d’une logique de réaction qui, trop souvent, fait perdre le nécessaire recul critique que la relation de clientèle devrait induire.
De manière structurelle cela induit des entreprises dont l’organisation fait la part belle aux études et aux processus transversaux :
- Il s’agit que l’information circule pour venir bousculer les certitudes, les habitudes, les œillères que chacun peut avoir dans la compréhension de son marché.
- Il s’agit d’instaurer au cœur des organisations une inquiétude-client qui sera aux antipodes de l’angoisse quant à la satisfaction à laquelle on l’associe trop souvent. Car elle reposera in fine sur une écologie du doute et de l’attention.
- Il s’agira enfin de transformer autant que possible les cultures et les identités de et dans l’organisation pour que ces enjeux stratégiques soient vécus et compris comme la dorsale de l’ensemble de leurs tâches, répartissant dans l’avenir la responsabilité stratégique au-delà des seules strates hiérarchiques élevées.
Car l’orientation-client est soit l’affaire de tous, soit elle n’est pas.
Cadre Retraité
7 ansbeaucoup de bon sens dans cet article mais je partagerai plus volontiers l'analyse de Carole que celle de Marie-Hélène et quid des audits inutiles qui ne font plaisir qu'à ceux qui les engagent et qui dans tous les cas ne tiennent que peu ou pas compte du résultat pour l'affectation du marché - car la devise est quand même le low-cost, le low-cost
🌷Chirurgienne-dentiste consultante en questionnement perpétuel. Co-fondatrice Culture Santé et Gutta & Co
7 ansIntéressante analyse qui nous engage à lier la notion de confiance dans la relation avec celle de responsabilité, et à toujours nous extraire de la logique court terme. Merci
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7 ansBravo ! Et pour enfoncer le clou de l’inutilité de cet indicateurs j’ai pu observer une dérive systematique de cet indicateur lorsqu il n est pas réellement incarné par une stratégie d’Amour inconditionnel du client . La satisfaction client étant très souvent utilisé pour motiver les vendeurs , ces derniers utilisent tous les moyens pr obtenir les meilleurs notes y compris la manipulation ou le chantage . Le client vend donc sa bonne satisfaction contre une ristourne ou autre avantage . CQFD .
Directeur technique national
7 ansJ’aime beaucoup l’approche
En Mission
7 ansTout est dit !