Le développement durable, 15 après, quel changement d'échelle ?
#En 2002 était mis en application l’amendement à la loi NRE pour imposer le reporting RSE aux entreprises. Certaines s’y sont conformées sans y croire, d’autres sont tombées dans le piège du greenwashing et heureusement, un grand nombre a expérimenté l’intérêt d’entreprendre la démarche. Comment aller plus loin aujourd’hui ?
Au Medef, ce 14 février dernier, la salle était comble. Plus de 200 personnes s'étaient déplacées à 19h, au risque de manquer un éventuel dîner de la St Valentin ou, pire, le match du PSG contre Barcelone... Et sur scène, chefs d'entreprises, consultants et directeurs du Développement Durable d'entreprises du CAC40 slamaient (mais oui, c'était bien une conférence en slam) les vertus de la RSE. Autre "incongruité", Harvard Business Review, un journal pas spécialement altermondialiste..., faisait sa Une de décembre sur : "Le développement durable, c'est rentable".
Dans les publications destinées aux professionnels de la communication, le sujet est incontournable : les marques doivent s'engager dans la RSE pour séduire les consommateurs et notamment les fameux "millenials". La RSE (cette mise en oeuvre du développement durable) est sortie du cadre des initiés et des médias engagés et alternatifs pour toucher le plus grand nombre.
En 2002, les entreprises parlaient peu de développement durable. Le grand public ignorait même la signification du terme, et les institutionnels ne se l'étaient pas encore approprié.
Certaines entreprises du CAC 40 développaient quelques initiatives qui n'étaient pas forcément en lien avec leurs enjeux majeurs.
Du fait de l'obligation légale, elles ont commencé à communiquer dans des rapports, leurs actions RSE. Ce qui pouvait être considéré comme une mauvaise raison de s'engager dans la RSE est, rapidement, devenu vertueux. Pour communiquer, il a fallu mettre en place des actions de manière à construire un contenu à partager. Ce faisant, l'entreprise a pu appréhender tous les avantages d'un engagement dans le développement durable.
Transformer la contrainte en opportunité...
Ce qui était considéré comme une obligation est devenu facteur de valeur ajoutée. Aujourd'hui, que ce soit dans les médias, auprès des consommateurs, vis-à-vis des salariés, les acteurs sont unanimes pour reconnaître la contribution du développement durable à la valeur ajoutée pour l'entreprise et pour les produits.
Diverses études montrent que l'écart de performance entre les entreprises qui introduisent des pratiques RSE et celles qui ne le font pas est en moyenne de 15 %
Il ne s'agit plus de faire du développement durable entre initiés, mais d'utiliser les principes de la RSE pour revoir les process, les produits et la communication dans l'ensemble de l'entreprise et avec l'ensemble des collaborateurs.
Au-delà de la rentabilité, la RSE est reconnue comme un levier d'innovation.
Entrer dans une dynamique de responsabilité partagée
Les projets RSE doivent être déployés en lien avec les enjeux stratégiques de l'entreprise et dans l'ensemble des business units. Pour cela, les actions doivent être conçues et mises en oeuvre par les équipes en interne sous une forme collaborative. Bien sûr, la volonté forte au plus haut niveau de l'organisation est indispensable, mais l'appropriation par les équipes, dès le départ de la démarche l'est tout autant. 70 % des salariés souhaitent participer à la stratégie développement durable de leur entreprise. C'est un sujet aspirationnel, ils ne sont pas si nombreux, profitons-en pour les partager. Car l'enjeu majeur c'est la mobilisation des femmes et des hommes de l'entreprise.
Au-delà, une politique RSE efficace doit faire l'objet d'échanges avec l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise, en intégrant les ONG, les syndicats, les investisseurs, les pouvoirs publics. Les entreprises en sont maintenant bien convaincues, car les alliances entre acteurs hétérogènes pour résoudre des problèmes de société ont fait leurs preuves. Il reste aujourd'hui à investir ce terrain de la consultation des parties prenantes avec des outils efficaces comme l'intelligence collective. Il est nécessaire aussi d'impliquer les parties prenantes dans la durée et leur proposer un retour concret sur les échanges.
Passer de l'incantation à l'incarnation
Après quelques errements et parfois des fautes graves de communication, les entreprises ont bien compris qu'elles devaient réfléchir à intégrer leurs responsabilités environnementale, sociétale et sociale dès l'amont, dans leur stratégie. Sans parler de la nécessité de l'implémenter tout au long de leur chaîne de valeur jusqu'au produit ou au service final. C'est à cette condition qu'elles seront crédibles et légitimes pour communiquer sur le sujet et qu'elles pourront éviter l'écueil du "greenwashing" ou du "social washing".
En ayant donné les preuves de son engagement, l'entreprise pourra convaincre et rassurer ses consommateurs, et surtout, en séduire de nouveaux.
Ce sont, à mon sens, ces évolutions qui permettront le changement d'échelle indispensable pour un développement durable. Car, comme le dit très bien Emery Jacquillat, Directeur Général de la CAMIF, ce fameux 14 février au Medef : "Le développement durable, c'est une arme de construction massive"