Le G20 à Hambourg et le monde global, en 5 points

1. Rappel historique : le G20, un « machin » auquel il faut donner du sens

Après la chute du Mur de Berlin, le monde est entré dans la globalisation. Une nouvelle ère de l’Humanité.

La globalisation (au sens que je lui donne : « nexus of people, places and ideas ») ne doit pas être confondue avec la « mondialisation », sa traduction française, émasculée, réduite à la dimension commerciale. C’est l’air que tout le monde respire. Partout et à tout moment, en ce début de nouveau millénaire.

Mais le paradoxe est que si la globalisation de l’économie est déjà « actée » (en l’absence de toute alternative crédible au modèle de marché), la globalisation politique est toujours dans les limbes (pas de consensus planétaire autour des valeurs, identités culturelles, etc., dans un monde, où l’exemplarité de la démocratie est remise en cause).

Ce décalage entre économie globale et politiques nationales est accentué par le fait que toutes les institutions à vocation globale datent de l’ancien monde. Celui d’avant la Chute du Mur. Leur « logiciel » n’est pas paramétré aux nouvelles réalités.

Toutes, sauf une. Le G20. Née face au premier cataclysme du monde global (crise des subprimes, en 2008), cette institution est à la géopolitique ce que la Silicon Vallye est aux nouvelles technologies. Un laboratoire d’innovation. Qui épouse la trajectoire du temps. Qui intègre de nouveaux pôles d’excellence. Qui allège et horizontalise le mécanisme décisionnel.

Certes, le fonctionnement du G20 est, pour le moment, erratique (il n’a même pas de secrétariat permanent), mais c’est lui qui balise l’avenir. Et pas ses ancêtres institutionnels, ankylosés, prisonniers de leurs passé. Ainsi, sur le ton de la semi-plaisanterie, je conseille à mes étudiants, passionnés de géopolitique, d’envoyer leur CV plutôt au G20 qu’à l’ONU.

Bref, le G20 est un embryon de l’indispensable globalisation politique. Un "machin" (expression de Charles de Gaulles à l’égard de l’ONU), auquel il faut donner du sens. Pour éviter que l’économie globale du XXI siècle ressemble à un match de foot qui se joue sans arbitre.

2. XXI siècle, un siècle post-américain

Pour moi, ce constat était évident, depuis une dizaine d’années. Il devient désormais un truisme, au vu de l’auto-isolement de l’Amérique de Trump. Comportement d’un schizophrène, qui essaie de s’affranchir du monde, où il vit et qu’il oriente, dans une large mesure : pour cracher son acrimonie de la globalisation, il utilise Twitter, une incarnation de la globalisation !

En principe, les Etats-Unis devraient réinitialiser, au XXI siècle, leur extraordinaire capacité d’innovation et d’ouverture, à l’origine de leur puissance et prospérité. Afin de relever le nouveau défi, qui leur est lancé par les potentiels leaders globaux de demain (Chine, Inde, Corée du Sud, Brésil, etc.). Pour faire de la globalisation un processus « gagnant – gagnant » (« race to the top »). Au lieu de cela, Trump retire les Etats-Unis du monde. Et clame une globalisation en termes de « gagnant – perdant » (« race to the down »). Soit un jeu à somme nulle. Démarche contre-productive. Pire, quasi-suicidaire pour son propre pays.

En substance, le G20 à Hambourg s’est transformé en G 19 vs. 1 sur le « mainstream » du monde moderne : le développement durable (le terme me semble étriqué, car il s’agit, au fond, de réconcilier, à long terme, le génie technologique, qui est par définition disruptif et sans limites, et la prise de conscience planétaire par rapport à la fragilité de la nature, devenue - dans notre monde global - la maison commune de l’ensemble des Humains).

J’espère que le G20 contribuera à sortir l’Amérique du déni de réalité, dans lequel l’enferme son président actuel. La ramener aux réalités contemporaines. Comme on intègre un autiste aux impératifs de la vie. Autrement dit, rendre l’Amérique au monde. Monde qu’elle avait façonné, pendant les deux derniers siècles.

3. Le ciel, le sage et le doigt

Le G20 a été parasité par la tentative médiatique de réduire son sens à la poignée de mains entre Trump et Poutine. Cela revient à regarder le doigt du sage qui montre le ciel. Céder à la futilité de l’immédiat, synonyme d’un buzz aussi éphémère que le papillon d’un jour. Et passer, tel un aveugle, à côté des réelles priorités qui impactent nos vies.

Comment expliquer aux médias, dits traditionnels, que nous ne sommes plus au XXe siècle ? Exit la bipolarité US – URSS, avec son folklore des sommets ultra-dramatisés de la « guerre froide », Brejnev – Nixon ou Gorbatchev – Bush. Bienvenu au monde drastiquement nouveau : global, multipolaire, interdépendant, régi par un clic. Clic qui ringardise les anciennes grilles de lecture.

Ce monde – là est post-soviétique. Le PIB de la Russie de Poutine (à ne pas confondre avec l’URSS des Secrétaires Généraux du Parti communiste) est celui de l’Espagne. Soit 5 fois inférieur à celui de la Chine, qui sera, elle, très bientôt la première puissance économique de la planète (suivie par l’Inde).

Ce monde – là, le nôtre, est aussi post-américain, où l’Amérique de Trump (et d’une façon plus générale, l’Occident) n’a plus le « monopole de l’Histoire ».

Une fois de plus, je constate l’anachronisme des médias « classiques » (TV et papier). A cause de leur cécité conceptuelle et leurs certitudes d’une époque révolue, ils ne cessent de perdre du terrain par rapport aux medias sociaux. Réactif, interactifs, ceux-ci deviennent les principales sources d’information pour les habitant de notre planète.

Sur cette tendance (que, comme vous le savez, j’observe depuis longtemps), le G20 a mis sa loupe grossissante.

Les journalistes, formés à l’ancienne, doivent s’approprier la notion de changement. Ils doivent aussi apprendre à distinguer l’essentiel de l’accessoire. Certes, cette tâche est vieille comme la bible, qui exhortait déjà à « séparer le bon grain de l’ivraie ». Mais dans l’univers d’aujourd’hui, où tout se télescope au rythme effréné, elle devient un impératif de survie.

4. « Insurrection des paumés », où l’urgence d’un nouveau modèle éducatif

Les protestations en marge de ce G20 étaient prévisibles, mais leur ampleur a dépassé toutes les attentes. Ce qui m’a le plus frappé dans cette éruption de violence, c’est que ses auteurs, majoritairement jeunes, n’avançaient aucun programme, à part casser tout ce qui existe déjà. Pas de revendications concrètes. Pas de concept pour ouvrir une piste d’avenir, une perspective positive. Aucune alternative constructive, crédible. Uniquement leur mal de vie, révélateur de totale perte de repères.

Il s’agit donc d’une nouvelle « insurrection des paumés » de la globalisation en cours.

A regarder, le cœur brisé, les images de ces jeunes casseurs qui pourraient être mes étudiants, je ne peux m’empêcher de redire ma conviction : la bataille décisive du XXI siècle sera celle pour les esprits et des cœurs. Et la principale arme pour la gagner sera l’éducation.

Une éducation qui change le regard sur la condition humaine. Sur le sens de notre existence, comme parenthèse entre naissance et mort. Qui porte les valeurs exaltant la vie, l’effort, le travail, le mérite personnel comme un long cheminement vers l’épanouissement de chacun, au diapason du bien-être de l’Autre.

Une éducation où un professeur ne sera pas un fonctionnaire préoccupé par son plan de carrière, mais un altruiste libre, animé par l’esprit prométhéen. Capable, grâce à son expérience, sa perception du monde, sa propre trajectoire de vie, son authenticité d’incarner, auprès des jeunes générations, une référence, un exemple. Ouvrir un nouvel horizon d’espoir. Offrir une boussole morale à ses élèves, en quête de sens, au moment où le mal et le bien se mélange dans un tsunami de futilité.

Pour y parvenir, il est urgent de réinitialiser tout le système éducatif à l’échelle mondiale, en remettant au centre l’Etre Humain, indépendamment de sa géolocalisation et de ses différences de couleur de peau, de sexe, d’origines ethniques, de statut social, de religions, etc.

Un chantier titanesque. Il exige la mutualisation de toutes les synergies qui tirent vers le haut un monde, devenu irréversiblement global et horizontal.

Voilà la priorité pour les futurs G20 !

5. Nouvelles Lumières vs. avatars de « post – vérité »

Le véritable clivage du monde moderne n’est pas « gauche vs. droite ». Ni progressistes vs. conservateurs. Ni mondialistes « hors sol » vs. nationalistes – patriotes.

La ligne de démarcation passe actuellement, à l’échelle globale, entre les nouvelles Lumières, qui réhabilitent intelligence, raison, espoir, ouverture et confiance en l’Homme, et les avatars de « post-vérité », qui rabaissent la dignité humaine, en instrumentalisant mensonge, émotions biaisées, faits alternatifs, peur, repli sur soi.

Ce choc des perceptions du monde est clairement apparu au cours du G20.

Il y a encore quelques mois, les esprits semblaient être irréversiblement soumis au dictat de la « post-vérité » (ce terme a été qualifié par le dictionnaire Oxford d’expression de l’année 2016). Or depuis l’élection de Macron, un événement à dimension internationale, l’horizon du XXI siècle s’éclaircit, et la remontada de la Vérité est en marche, même si rien n’est jamais acquis d’avance.

C’est une chance pour l’Humanité. Nous ne devons pas la perdre, si nous voulons rendre notre monde meilleur.

Pierre B.

Piano et Conception

7 ans

Partant du constat d' Alexandre Melnik je vais tenter d'exprimer une opinion par un succinct énoncé de l'histoire récente de la musique occidentale et russe. Il suffit d'écouter du Tchaïkovski et du Beethoven, comme simples exemples, pour comprendre que l'on a affaire à une même civilisation musicale occidentale (Europe _avec extension USA_ et Russie). On peut extrapoler pour les autres arts, disciplines, littératures... La musique a évolué vers davantage de complexité harmonique et tonale. Et vers 1920 en Europe s'accomplit l'irréversible: l'école de Vienne avec Schoenberg et ses disciples Berg et Webern ont introduit l'atonalité (plus de do majeur ou de ré mineur...) vite organisée mathématiquement en séries de 12 sons. Les tensions et détentes de la musique classique (tonale) n'existaient plus. 20 ans plus tard Boulez, Stockhausen, Berio, Nono, ont parachevé cette construction en l'étendant aux durées et aux dynamiques. Cela donne une musique totalement autre que les musiques héritées et développées par la tradition. Certains musiciens comme Poulenc ont poursuivi une voie plus traditionnelle. Même si la musique occidentale se poursuit, elle reste à présent confinée après la déflagration atonale qui marque la fin d'une période ayant commencé avec la Renaissance (idée de progrès). Les musiciens russes (Rachmaninoff, Prokofiev, Chostakovitch, même Stravinsky dans une certaine mesure) n'ont pas suivi cette voie (certes parfois sous la contrainte du pouvoir du moment), ou plutôt l'ont suivie, mais très récemment, avec Alfred Schnittke par exemple (après quelques essais de Stravinsky), et en gardant les traits de l'expression reconnaissables chez des compositeurs russes antérieurs selon une tradition bien enracinée. Comme si les musiciens russes voulaient prolonger leur évolution sans hâter la fin. Mais celle-ci montre le bout de son nez, rejoignant celle de l'Europe en cela. Du point de vue culturel l'ensemble de l'occident (Europe_et USA_ et Russie) achèvent un cycle comparable au cycle de la civilisation grecque antique. Comment expliquer une telle fin? L'énergie musicale permet de maintenir les évolutions jusqu'aux moment où celles-ci sortent du champs de culture alors épuisé. C'est le cas de la musique atonale, vers 1920 en Europe, et beaucoup plus tard en Russie. Il en est de même sur le plan politique. La date 1989 peut être une référence aussi bien sur le plan politique que culturel, musical précisément. La Russie préfère jouer les prolongations de leurs traditions, ce que V. Poutine a bien laissé entendre lors des entretiens avec Stone, par "le peuple n'est pas encore prêt". Tandis que l'Europe comble un vide légèrement plus ancien, par l'entremise des USA qui lancent le mode globalisé (Google, Facebook...), rejoints petit à petit par la Russie. Les compositeurs _ liés aux racines de notre monde occidental _ laissent la place aux interprètes _liés à ces compositeurs_ qui se produisent partout dans le monde. Les bouderies (pas de commémoration commune de la 2ème guerre mondiale malgré le sacrifice gigantesque et victorieux des Russes) et autres anicroches (suspension des athlètes russes, voir la championne Mariya Lasitskene sur son podium, privée d'hymne) semblent un peu mesquines quand se joue la façon de terminer _ culturellement _ l'Occident en beauté. Bien entendu je serais heureux que ces quelques lignes puissent être remises en perspectives historiques, géopolitiques, et éventuellement modifiées, sachant que l'on a encore bien du mal à discerner les tenants et aboutissants dans un monde en pleine mutation.

Pierre-Emmanuel Thomann

Docteur en géopolitique, enseignant et expert sur les questions européennes et globales

7 ans

"La vérité est en Marche"? Vous êtes en plein délire sectaire. L'utopie est l'antithèse de l'analyse géopolitique.

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