Les émotions épistémiques

Les émotions épistémiques

L’objet des émotions épistémiques est la connaissance. Les émotions épistémiques sous-tendent notre motivation à explorer, à apprendre et à en savoir plus. Les principales émotions épistémiques ont une valence plutôt positive, comme la curiosité, l’intérêt, l’admiration, l’émerveillement et la surprise. Mais certaines ont une valence négative, telles que la frustration, la confusion ou l’ennui. Toutefois, qu’elles soient de valence positive ou négative, toutes peuvent générer l’envie d’en savoir plus. En effet, tout comme l’intérêt et la curiosité, qui nous incitent à en savoir plus, un ressenti de confusion, de frustration ou d’ennui peut également éveiller en nous le besoin d’acquérir davantage de connaissances.

Un modèle bi-dimensionnel

Dans l’objectif de mieux comprendre les émotions épistémiques, Muis et al. (2017) ont proposé un modèle dans lequel les émotions épistémiques occupent différents emplacements sur un cercle dont les diamètres sont constitués de deux dimensions critiques : la capacité de compréhension et la nouveauté. La capacité de compréhension, représentée par un axe horizontal allant de basse (gauche) à élevée (droite), rend compte de l’évaluation par l’individu de sa capacité à faire face ou non à la complexité du matériel d’apprentissage. La nouveauté, représentée par un axe vertical allant de basse (en bas) à élevée (en haut), rend compte de l’évaluation par l’individu du caractère nouveau (présence de surprise) d’une information complexe à apprendre. Une information complexe nouvelle générera de la surprise, alors qu’une information complexe familière (nouveauté basse) ne générera pas de surprise. Ainsi, par exemple, pour un degré de nouveauté équivalent, l’émotion de confusion pourra se retrouver dans la partie gauche du cercle – faible capacité de compréhension (à 10 heures de la montre, par exemple), alors que la curiosité pourra être située dans la partie droite du cercle – bonne capacité de compréhension, à la même hauteur (soit, à 2 heures de la montre). En bref, de la confusion sera ressentie si l’individu est incapable de comprendre malgré un effort, alors que de la curiosité sera ressentie si l’individu se sent capable de comprendre en faisant l’effort requis.

Pour optimiser l’apprentissage de l’information, il peut donc être utile de faire en sorte qu’une information soit perçue comme nouvelle (contenu nouveau ou contenu présenté sous une forme non familière), qu’elle soit évaluée comme ayant un niveau de complexité suffisamment élevé, et que l’apprenant ait le sentiment de pouvoir comprendre, s’il consent à faire l’effort nécessaire. Soulignons que les émotions ressenties sont le fruit d’une évaluation cognitive de la situation, comme le prédisent les théories de l’appraisal.

La curiosité : une émotion critique

Kang et al. (2009) ont montré, dans une expérience originale d’imagerie cérébrale fonctionnelle, que l’émotion épistémique de curiosité active le circuit de la récompense et renforce l’encodage en mémoire. La connaissance aurait en fait les mêmes fonctions que les récompenses primaires. Avoir faim de connaissances ou de nourriture mettrait en réalité notre circuit de la récompense dans le même état. Dans cette expérience, on demandait aux participants de dire à quel point ils avaient envie de connaître la réponse à différentes questions (p.ex., « quel instrument a été inventé pour ressembler à un chant humain ? »). Il s’agissait donc d’évaluer leur curiosité, avant même de leur donner les réponses aux questions. Les chercheurs ont examiné comment le cerveau des participants régissait selon le degré de curiosité manifesté pour chaque question. Ils ont observé que plus la curiosité était forte, plus le circuit de la récompense s’activait (des activations ont été observées dans le noyau caudé, le cortex préfrontal, le gyrus frontal inférieur, le putamen et le globus pallidus). Ces activations sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle les participants anticipaient la récompense consistant à obtenir la réponse à ces questions. Les chercheurs ont également constaté que le gyrus parahippocampique était activé et que cette activation augmentait avec la curiosité, ce qui suggère que la curiosité facilite l’encodage en mémoire d’informations à venir.

Les auteurs se sont également intéressés à ce qui se passait au moment où la réponse était donnée (p.ex., « le violon »). Ils ont comparé pour cela la taille de la pupille juste avant et après la réponse apportée. La mesure de la taille de la pupille est un marqueur de l’activation du système sympathique. Ils ont observé que plus les participants étaient curieux, plus la pupille se dilatait lorsque la réponse était donnée.

 Enfin, un test de rétention à long terme a été effectué 11 ou 16 jours plus tard. Les auteurs ont montré une corrélation entre la curiosité (déclarée ou mesurée) et les performances mnésiques. Les réponses aux questions ayant suscité le plus de curiosité ont été récupérées environ deux fois plus souvent que les réponses aux questions qui avaient suscité le moins de curiosité. Ce résultat confirme donc qu’une fois la réponse obtenue, les participants s’en souvenaient d’autant plus que leur curiosité de la connaître était élevée.

Émotions et apprentissage

Les retombées de ces observations sont évidentes, dans le domaine de l’enseignement comme dans de nombreux autres domaines. Par exemple, un enseignant qui sait susciter la curiosité chez ses élèves obtient de meilleurs résultats qu’un enseignant qui ne s’en préoccupe pas. Il est important également que la complexité des informations soit adaptée à l’audience. La complexité doit être perçue comme suffisamment élevée, mais les apprenants doivent se sentir capables de comprendre les informations. Enfin, les informations sont mieux apprises lorsqu’elles sont évaluées comme étant nouvelles ou présentées dans un format nouveau.

Toutefois, les émotions épistémiques ne sont pas les seules émotions qui ont une incidence sur l’apprentissage. En effet, il a été montré que des émotions positives à fort éveil (comme le plaisir, la fierté, et l’espoir), suscitées par la réussite d’une tâche, par exemple, renforcent la motivation et la flexibilité des stratégies d’apprentissage, ce qui facilite le bon accomplissement d’autres tâches similaires.  Par ailleurs, une corrélation positive apparaît entre le plaisir lié à la résolution d’une tâche, la quantité d’efforts investis dans sa réalisation, et l’intérêt porté à la tâche.

 À l’inverse, les émotions négatives ressenties lors de la réalisation d’une tâche (devoirs de mathématiques, par exemple), sont prédictives d’accomplissements ultérieurs médiocres (en mathématiques).

Enfin, l’anxiété est également une émotion importante dans le domaine de l’apprentissage. Il s’agit de l’anxiété liée aux tests qui consiste en une peur liée à l’appréhension de l’échec. Cette anxiété naît d’une évaluation négative de ses propres compétences pour une tâche donnée ou du souvenir d’expériences d’échec. Elle conduira habituellement à une tendance à l’évitement de la tâche. Mais l’anxiété liée au test pourra, dans certains cas, générer une motivation d’évitement et fournir ainsi les ressources (ou efforts) nécessaires pour éviter l’échec.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les émotions épistémiques ou les émotions en général, contactez-nous !

La photo met en plan central, une jeune fille ce qui est tout de suite contraire à l'article, en renvoyant à d'autres émotions. Dommage.

Régine RICHARD

Formatrice et Professionnelle de l'accompagnement et du soutien scolaire à domicile -Enfants à besoins particuliers

6 mois

Merci pour cet article. Je fais le lien avec l'importance du sentiment d'autoefficacité dans les apprentissages

Anne Louvegnez, Ph.D

Co-fondatrice de KeyEmotion Lab

6 mois

Selon toi, quelles sont les applications possibles dans le domaine de la publicité ?

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