Les voies réservées du boulevard périphérique n’auront pas les effets attendus et déplaceront la congestion au niveau des portes

Les voies réservées du boulevard périphérique n’auront pas les effets attendus et déplaceront la congestion au niveau des portes

Les promoteurs des voies réservées aux taxis et au covoiturage (VR2+) croient que la vitesse sur ces voies sera supérieure à la vitesse sur les autres voies, mais la théorie du trafic prévoit que cela ne sera souvent pas le cas. Le CEREMA a publié un guide à l’intention des maîtres d’ouvrage que les participants au débat devraient consulter (Voies structurantes d'agglomération, Évaluation a priori

des voies réservées au covoiturage : téléchargeable gratuitement sur le site du CEREMA). Les considérations ci-dessous s'appuient sur la théorie exposée dans ce guide.


Effet d’augmentation des vitesses

 Aujourd’hui, en journée, le périphérique connaît un débit qui est souvent supérieur à 80% de sa capacité ce qui signifie que la congestion y est modérée. Sur les autoroutes A1, A3, A4 et A6 qui convergent vers Paris, le débit est fréquemment inférieur à 50% de la capacité, ce qui caractérise une congestion beaucoup plus sévère. Les sorties du  périphérique ne constituent généralement pas des contraintes fortes qui entraîneraient des remontées de file sur la section courante. Bien entendu, cette considération sur le régime principal n’ignore pas que l’écoulement du trafic n’est pas homogène et varie grandement selon la section et la période de la journée. 

La création des voies réservées va réduire la capacité, de 5 à 10% sur les sections à 4 voies et de 15 à 20% sur les sections à 3 voies. La théorie du trafic (diagramme fondamental) indique que, quand on réduit la capacité de la section courante, on augmente la vitesse. Là où la section courante du périphérique constituera la contrainte de capacité, la vitesse de circulation sera égale à la limite de 50 km/h.

Sur les sections les plus congestionnées, par exemple quand le débit est de l’ordre de 50% de la capacité, la réduction de capacité aura l’effet d’augmenter les vitesses qui resteront néanmoins très inférieures à 50 km/h. Sur toutes les sections et pour toutes les périodes d’activation, les vitesses sur le périphérique seront en hausse et la concentration de véhicules sera en baisse. 


Transfert de la congestion au niveau des accès

Les voies réservées devraient donc, en même temps, réduire la demande par la réduction de capacité et réduire les temps de parcours, sur la section courante du BP. A première vue, il s’agit d’un paradoxe car une réduction du temps de parcours a au contraire l’effet d'accroître la demande, selon le mécanisme économique de l’induction. 

L’explication de ce paradoxe est que, conformément à la courbe de demande, les utilisateurs du périphérique vont voir leur temps de parcours total augmenter, de telle sorte qu’une partie d’entre eux soient découragés d’emprunter cet itinéraire. Mais, comme on a vu que le temps de parcours sur la section courante du BP serait réduit, c’est sur la partie de leur itinéraire située en dehors du BP, que les temps de parcours vont augmenter. Le BP constituant la contrainte de capacité, c’est en amont que se formera la congestion. Il va se créer des files d’attente au niveau des entrées du BP. Le temps passé dans ces files devra être suffisant pour réduire la demande et compenser le temps gagné sur le BP lui-même. Cela promet des situations difficiles là où l’espace disponible sur les voiries voisines est limité. Les effets dommageables sur les voiries locales sont une externalité qui n’est pas anticipée et qui ne sera pas attribuée à la mesure de manière évidente, faute d’une compréhension des mécanismes de l’écoulement du trafic et de la demande de déplacement.


Encore plus de réduction de capacité ?

La théorie du trafic offre un moyen d’éviter la difficulté évoquée ci-dessus, mais au prix d’une réduction de la capacité du BP allant au-delà celle qui résulte directement de la réallocation d’une voie à la VR2+.

Plus de 80% des sorties du BP sont déjà ou pourraient facilement être contrôlées par des feux tricolores qui constituent un moyen de réduire la capacité de ces sorties. La ville de Paris pourrait ainsi réduire la capacité des sorties du BP, au-delà de la réduction entraînée par la prise d'une voie, et imposer sur la section courante du périphérique une baisse des vitesses par rapport à celles que l’on connaît aujourd’hui.

On pourrait asservir les débits autorisés par les feux au niveau des sorties pour que la vitesse constatée sur le BP se rapproche d’une valeur objectif fonction de la période et de la section. Les vitesses de consigne seraient établies pour annuler la congestion des accès c'est-à-dire pour faire en sorte que le temps de parcours sur la section courante du BP soit assez élevé pour réduire la demande.

Si cette politique était appliquée, la création des VR2+ entraînerait un allongement significatif des temps de parcours pour les usagers du BP qui n’ont pas d’alternative simple. La congestion serait aussi renforcée sur les voiries parallèles. Cela représenterait une perte économique qui ne serait probablement pas compensée par les avantages des utilisateurs de la VR2+. 

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