MA MUSE
Peinture de Dodi Ballada

MA MUSE

Il a mis à jour une muse dans sa vie, pas vous...?

En fait, il ne sait pas vraiment à quoi elle ressemble, car ne l’a jamais vue... Mais il sait qu’elle est là, toujours là, quelque part derrière lui...

Pas loin, elle le suit et virevolte autour de son corps... Il l’imagine brune et légère, avec de fines ailes ornant une récente robe toute blanche. Elle a le déplacement aisé et volatile, offrant ses longs cheveux noirs au vent, comme de frêles fils de vie frôlant le visage des vivants. L’image est belle et sensuelle, mais s’il devait l’avouer un jour, il dirait qu’elle est surtout un peu troublante, inquiétante parfois et la plupart du temps agaçante...

Agaçante, oui!!  Imaginez vous avec un « truc », que vous n’êtes pas sensé imaginer en « fée Clochette », qui vole, tournoie sans arrêt autour de vous, comme un moustique aux battements d’ailes bruyants et agaçants... Oui, voilà... agaçants... 

Il avait la nuit parfois cette envie folle de repousser les draps, de se lever, d’attraper la première tongue qui trainait et de frapper...!!! Oui, il le ressentait comme une réaction violente... Mais non, il ne savait pas que clochette trainait par là et que le moustique piqueur n’y était pour rien...

Une muse ce pourrait être finalement l’enfer... 

Alors qu’il voudrait juste vivre sa vie en images et en couleur, remuante et palpable, elle lui impose de la passer en mots statiques, en phrases ondulées, couchées au stylo noir, ponctuées de virgules, de points, parfois plusieurs, et d’exclamations... Pointilleuse sur le moindre mot (répétition...!!!), sur la moindre phrase (Manque de rythme..!!! Sonorité atroce à l’oreille...), elle s’acharne sur sa grammaire et ses fautes d’orthographe... autant que sur le contenu du texte et ses références historiques ou littéraires.

« AAaaahhhh!!!! Fichez moi la paix Madame Boutin...! », criait-il dans la nuit...

Ah oui, pardon... Madame Boutin, ce fut sa prof d’histoire en classe de Première. À peine plus âgée que la troupe de ses élèves, elle arrivait en classe avec son jean troué et son casque de moto, d’où débordait une immense chevelure rousse et ondulée. 

Elle lui accorda la liberté d’écrire. La lui imposa même, en lui mettant de sales notes lorsqu’il avait l’outrecuidance d’être trop scolaire... Elle lui imposait aussi de rêver à ce que promettait son décolleté blanc dentellé, quand elle se penchait sur lui pour pointer du doigt, sur sa copie, une faute grammaticale infâme et outrageante pour le reste du texte ou pour lui expliquer en quoi la révolution bolchévique était le premier pas émancipateur de l’humanité, vers un monde meilleur et l’avènement de la femme...

Inquiétant, oui... Parce que, plus qu’un bruit agaçant, son bruissement d’ailes lui semblait toujours inquiétant, comme omniprésent. Il l’inquiétait... Le réveillait... Et quand il ne l’entendait plus, cela l’inquiétait plus encore.... 

Ce serait elle fait mal? Aurait-elle échoué dans une toile d’araignée fraîchement tendue entre moi et la réalité? « Où es tu ma belle? » s’entendait il murmurer dans le noir de la nuit... « Madame Boutin...? êtes vous là...? Ca va...?»

Troublant, surtout... Car à chaque image, chaque film de sa vie du jour, elle lui susurrait des mots, des phrases et des poèmes... Il se retrouvait alors heureux devant une page blanche, le crayon de bois glissant aisément sur le grain d’un papier hostile, tel une troisième main qui ne serait guidée que par cette fée éphémère et inconnue. Un fée aux allures de Madame Boutin, mais ayant muté vers quelque chose de plus profond, de plus intime ou ayant accès à cette intimité dont il ne se donnait pas le droit d'entrée à lui-même.

Il se souvient du fil de ses rêves et de l’apparition de cette muse qu’il appelait la fée… 

Parfois extrêmement active, gaie, intrépide et virevoltante, au risque de se cogner aux parois rugueuses de la grotte dont il avait fait son logis pour la nuit. Elle lui redonnait cette joie de vivre qui lui manquait parfois et il se voyait lui courir après, riant et sautant de pierre en pierre.

D’autre fois plus calme, posée sur la pierre humide de l’antre nocturne, l’air réfléchi, voire sévère, les jambes croisées et les mains disposées dessus, elle lui posait des questions directes et pertinentes qui, résonnant contre la roche, faisaient écho à ses propres frayeurs. Elle le ramenait ainsi délicatement, mais sûrement, à ses instants de prime jeunesse, à ses déboires amoureux ou à ces insultes subies au coin de la cour de récréation... Autant d’instants pour le moins pénibles, mais toujours semi-présents, qui l’ont construit et amené dans sa grotte.

Certains jours, vaporeuse, souriante et délicieuse, il la retrouvait flottant aisément dans son repaire nocturne, enveloppée de tissus légers, et déclarant des phrases sans mots ni sens ou décochant des regards espiègles et enjôleurs sans réelle direction. Elle était apesanteur et il prenait plaisir à prendre ses regards pour lui et à sentir ses ailes translucides caresser son torse. Ils n’étaient que tous les deux et dans l’alcôve rocheuse la chaleur s’accumulait brusquement. 

Il écrivait, il écrivait... Il brunissait des pages et ces mots posés le transpercaient immédiatement comme autant d’émotions qu’il n’avait jamais su gérer dans son quotidien, qu’il avait du garder enfouies au fond de son être et dont il s’en voulaitde ne pas avoir su les partager avec elle.

Sa muse a des ailes et, un jour, elle viendrait le chercher et le ferait vraiment décoller. Ils partiront ensemble, dans un élan vertical en forme de valse virevoltante. Elle l’entraînera avec elle vers ce ciel qu’il rêve d’en bas. Leurs vêtements s’évanouiront, leurs pensées s’enlaceront et ils atteindront alors tous deux cet état où les mots sont de vraies émotions, où la moindre virgule prend tout son sens et fait justement basculer les sens... De cette étreinte, un livre naîtra, un « post » ou juste un soupir...

Et il écrivit pour finir:

« Et puis, nous nous endormirons ensemble dans la ouate d’un nuage accueillant... Nous nous dirons des choses qu’aucun humain n’a encore osé entendre et alors... alors seulement... je pourrais partir... ailleurs... avec le sourire béat de celui qui n’aura pas complètement gâché sa vie. »

Oui, comme toujours

Caroline Martin-Chave

DRH un jour, écrivaine des temps modernes et Thérapeute Cartomancienne Oclairdenosames 🔮🕯💫 à votre service 24h/24

5 ans

J'aime beaucoup une très jolie inspiration cette muse. Merci Carlos AMORIM pour ce moment 🌸

Marylise PACHARIAN

Psychologue clinicienne

5 ans

Frais, léger et brillant!!!

Myriam S.

Les mots , ma vie ,ma pratique, ma sensibilité,mes oreilles pour écouter l'autre ! 🌈 Soignante soignée , experte en cancer du sein 😉 Bénévole l'association "Avec la deuche rose " .IDE praticienne en Hypnose .

5 ans

Merci infiniment !!!

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