Management, croissance et perte de productivité
Photo by Annie Spratt on Unsplash - Croissance et perte de productivité

Management, croissance et perte de productivité

Dans un des chapitres de mon livre*, j’évoquais le fait qu’en France et peut-être dans d’autres pays, la promotion sociale se mesurait la plupart du temps par les équipes que l’on a sous ses ordres. Souvent, quand on rencontre quelqu’un qui a eu une promotion, il nous dit : « Je monte en grade, je vais avoir une équipe de 20 personnes à diriger ». 

Pourtant, je trouve toujours cela étonnant que l’on mesure la progression sociale uniquement par ce type de promotion car on mesure donc le succès uniquement par le management et la capacité de la personne à diriger une équipe.  

Or, si l’on veut exploiter les potentiels de chacun d’entre nous, on ne doit pas s’arrêter uniquement sur sa capacité à manager. De nombreuses personnes peuvent exceller dans la vente, dans leur capacité à produire, dans leur capacité à organiser des process, dans la relation client, dans le bon conseil au bon moment, etc. Et pourtant quand il s’agit d’animer une équipe, de la motiver, de tirer le meilleur de chacun le tout dans une bonne ambiance, ils peuvent ne pas être au rendez-vous et être en difficulté.  

Non seulement ils seront mal à l’aise dans ce nouveau rôle, ne sauront pas comment s’y prendre et pourront générer des dysfonctionnements dans leur équipe avec des problèmes d’organisation, mais toutes les qualités qu’ils avaient auparavant ne seront plus exploitées dans l’entreprise car on leur a affecté d’autres tâches. Pourquoi ce gâchis ? Pourquoi promouvoir le meilleur commercial au poste de directeur commercial ? C’est en ayant ces réflexes là qu’on se prive souvent du meilleur de chacun.  

Et pourtant, quand l’entreprise est en croissance et quand elle devient une grosse PME, nous avons beau connaître ces concepts, vouloir exploiter les potentiels, le meilleur de chacun n’est plus exploité comme avant. Il n’est plus exploité comme quand nous étions une petite entreprise à taille humaine et notre productivité baisse. Pourquoi ?  

Quand on est en croissance dans l’entreprise, on a tendance au fur à mesure des années à vouloir la structurer et naturellement nous créons des nouveaux postes car on nous dit qu’on ne s’en sort plus. Alors on créé des postes de managers, des postes de contrôle, des nouvelles fonctions support qui n’étaient pas utiles quand on était plus petit. Et naturellement nous nous appuyons sur les compétences existantes pour structurer, s’occuper des nouveaux entrants, les former et les contrôler, piloter des équipes, établir des process. Pour cela, on fait des réunions qui demandent du temps et on établit des rituels avec des réunions d’équipe hebdomadaires, des points avec son N+1 et puis quand on est plus gros, le N+2 rentre dans la boucle qui organise lui aussi des réunions. 

Insidieusement sans que l’on s’en rende compte, les meilleurs d’entre nous produisent de moins en moins et au fil des années ont de moins en moins de relations clients. Non seulement les organisations de nos entreprises épuisent nos meilleures ressources dans des tâches administratives, d’organisation, de contrôle, de reporting et d’animation d’équipe mais elles se privent des meilleures compétences pour bien accompagner nos clients. Quand on se développe, on a une tendance naturelle à morceler les tâches, à les diviser afin que ceux qui montent en compétence n’aient plus à réaliser ces tâches à plus faible valeur ajoutée. Et parfois, ceux qui sont montés dans la hiérarchie ne voudront plus les réaliser même si cela leur ferait gagner du temps sous prétexte qu’ils sont montés dans la hiérarchie. Alors on va mettre en place des managers et des coordinateurs pour piloter ceux qui font ces tâches à faible valeur ajoutée et puis ceux qui sont montés dans la hiérarchie vont contrôler les tâches des autres et l’on en vient à avoir une organisation qui se sclérose, qui perd en efficacité et en productivité et qui n’est plus orientée client.  

Un patron d’une grande entreprise nationale de services me disait qu’ils avaient plusieurs centaines de bureaux en France et que ceux qui étaient les plus rentables étaient les plus petits. Étonnant ? Non, cela correspond exactement à ce que je vous ai dit plus haut. Les petites organisations morcellent moins les tâches, ont moins besoin « de chefs » et de contrôles et servent leurs clients sans doute avec plus d’efficacité. Alors, quel enseignement pratique tirer de ces constats ?  

« La division du travail est le meilleur moyen d'accroître la richesse des nations, car elle augmente la force productive du travail (c’est à dire la productivité du travail) » disait l’économiste Adam Smith. De cette théorie en a découlé le taylorisme qui a connu ses heures de gloire. On en est revenu dans les années 60 avec des nouvelles formes d’organisation du travail car on s’est rendu compte que la division du travail excessive avait pour conséquence de faire perdre en autonomie et responsabilité un bon nombre d’ouvriers.  

Et si dans nos entreprises de services, c’était la vraie raison de cette perte de productivité ? A force de diviser les tâches, de les contrôler et d’avoir des managers, on déresponsabilise les collaborateurs. Plus personne n’est responsable de rien. « Ce n’est pas moi, c’est lui ». Ce pourquoi probablement, lorsque nos entreprises grossissent, nous sommes moins productifs et qu’insidieusement, nous perdons le meilleur de chacun. 

Alors la solution serait sans doute que l’on divise nos entreprises en de multiples TPE qui seraient toutes autonomes, responsables de ses clients sans qu’il y ait une hiérarchie et des procédures qui perturbent l’efficacité. Nous aurions au sein d’un même lieu géographique plusieurs micro-bureaux autonomes qui correspondraient à des petites équipes ou des personnes seules. Elles géreraient leur portefeuille clients et seraient entièrement responsables de leur satisfaction. Il pourrait y avoir encore une division du travail pour optimiser le fonctionnement. Mais au sein de ces micro-bureaux, cela permettrait de libérer plutôt que de scléroser nos talents, d’attirer des ressources plutôt que de les faire fuir. Les fonctions supports, les services commerciaux et marketing seraient alors au service de tous ces micro-bureaux afin de les aider à optimiser leur gestion et leur résultat. 

A l’heure où la nouvelle génération demande plus d’autonomie, de sens et de responsabilité, cette nouvelle organisation serait une réponse. Cela permettrait de remettre du sens au service bien fait, à la production optimisée et de ne plus toujours promouvoir les collaborateurs par le management. La promotion serait alors d’accéder à la gestion de sa propre entreprise en interne (business unit comme on dit à Paris) en toute autonomie et responsabilité. Si le meilleur d’un collaborateur est la production et le conseil client, son potentiel serait beaucoup plus optimisé que dans des organisations où dans 70 % des cas, il fait autre chose que produire. Arrêtons de dire à tout bout de champ que le Graal est le management car cela aboutit à mettre en place des organisations avec une succession de chefs qui aboutissent à une déresponsabilisation totale de la majorité des collaborateurs.  

Confiance, autonomie, responsabilisation doivent être les maîtres mots de chacun de nos actes de gestion.   

 #management, #confiance, #croissance

* Itinéraire d’un entrepreneur bousculateur d’ordre établi (AmazonFnac). 

Pierre GUY - TGS France

Expert comptable stagiaire - Responsable d'agence Chez TGS Ancenis

4 ans

Les structures adhocratiques sont l'essence même des starts up. Permettant de décupler l'implication, la responsabilité et l'esprit corporate de ses membres. Des entreprises comme Spotify sont des exemples de cette mise en place dans de grosses entreprises de service d'une sorte d'abolition de la hiérarchie. Je ne sais pas si vous aviez pu voir comment fonctionnait cette entreprise mais c'est globalement l'idée soutenue par votre article :) https://www.frenchweb.fr/comment-spotify-revolutionne-le-management-avec-plus-dautonomie/234578

Votre point de vue va à l'encontre de la "norme", c'est appréciable. Dommage que ce type de fonctionnement ne soit pas plus répandu.

Yoann Boulday

Président Fondateur FINANCE CONSEIL

4 ans

Beaucoup de bon sens

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