NAO : Une Négociation qui n’en a plus que le nom ?

NAO : Une Négociation qui n’en a plus que le nom ?

Les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) ont longtemps été perçues comme un moment clé de dialogue social entre les salariés et les entreprises. Cependant, ces dernières années, force est de constater que ces négociations tendent à se transformer en un exercice de gestion des variables d’ajustement économique plutôt qu’en de réelles avancées sociales pour les salariés. Les NAO, au lieu de garantir une juste redistribution de la valeur, deviennent un mécanisme où les promesses faites aux actionnaires sont inversement proportionnelles à celles faites aux salariés.


Des salariés pris en étau


Dans un contexte global marqué par l’instabilité – guerres, crises économiques, pandémies – les salariés deviennent les premières victimes d’une spirale où les éléments exogènes négatifs impactent leur pouvoir d’achat et leur sécurité d’emploi, tandis que les bénéfices des cycles économiques positifs leur échappent. L’inflation, qui devrait logiquement entraîner une revalorisation salariale, est devenue un argument pour limiter les augmentations sous prétexte de coûts supplémentaires pour l’entreprise.


Jean-François Pilliard, ancien délégué général de l’UIMM, expliquait en 2022 : « La modération salariale, justifiée par une rigueur économique, est devenue un outil stratégique pour certaines entreprises qui cherchent à préserver leurs marges au détriment de la reconnaissance salariale. » Une affirmation qui résonne encore plus fort aujourd’hui, alors que de plus en plus d’entreprises se réfugient derrière les crises pour justifier des augmentations de salaire ridiculement basses, quand elles ne sont tout simplement pas absentes.


Un triste jeu de bases communicantes


Paradoxalement, alors que les NAO sont censées corriger les inégalités salariales et renforcer l’engagement des collaborateurs, elles deviennent le théâtre d’un jeu de bases communicantes : pour accroître l’attractivité des actions et garantir de meilleures performances aux actionnaires, les entreprises serrent la vis aux salariés.

« La rémunération variable, tout comme les suppressions de postes ou les gels des salaires, sont les leviers privilégiés pour compenser la baisse des marges ou les pressions du marché » explique Éric Heyer, économiste à l’OFCE.


Ce mécanisme crée une double frustration : d’un côté, les salariés voient leurs espoirs d’augmentations sérieusement restreints, et de l’autre, les entreprises continuent à afficher des résultats financiers flatteurs pour rassurer les marchés. Le salarié, autrefois perçu comme la colonne vertébrale de l’entreprise, devient alors une simple variable d’ajustement. Un rapport de France Stratégie souligne que depuis 2019, la part des profits reversée aux salariés stagne, tandis que celle dédiée aux actionnaires ne cesse d’augmenter.


Le rôle clé des syndicats : un contrepoids indispensable


Face à cette situation, les syndicats jouent un rôle plus que jamais central. Ils sont souvent le dernier rempart pour défendre les droits des salariés et garantir que les NAO conservent une part de négociation réelle. En effet, dans de nombreux cas, ce sont les syndicats qui permettent d’éviter que les intérêts des salariés ne soient totalement négligés dans un contexte de réduction des coûts. Ils agissent en tant que contrepoids face aux dérives de certaines directions, qui voient dans la compression des salaires une solution rapide pour satisfaire les actionnaires.


Comme le souligne un syndicaliste : « Les NAO sont devenues un véritable champ de bataille où les syndicats se battent pour maintenir un minimum de justice sociale. Sans cette pression syndicale, la marge de manœuvre pour les salariés serait encore plus réduite. »

Cette lutte est essentielle, car elle permet de rappeler aux entreprises que les salariés sont non seulement des contributeurs directs à la performance économique, mais aussi des acteurs sociaux qui méritent d’être reconnus à leur juste valeur.


Les syndicats continuent de jouer un rôle crucial en sensibilisant les salariés aux enjeux réels des NAO et en structurant les revendications pour qu’elles soient audibles et cohérentes. Ils apportent également une dimension collective et solidaire à des négociations qui, autrement, pourraient se réduire à des discussions isolées et déséquilibrées entre l’employeur et ses employés.


Des NAO en perte de sens


Il est urgent de redonner du sens à ces négociations. Si les entreprises continuent de se réfugier derrière des excuses externes pour minimiser les avancées salariales, les NAO ne seront plus qu’une formalité administrative vide de toute substance. Les syndicats et les représentants du personnel doivent s’assurer que les NAO retrouvent leur rôle initial : celui de rééquilibrer les relations entre capital et travail. Il ne s’agit pas d’opposer systématiquement les salariés et les actionnaires, mais de rétablir une forme d’équité.


Jean Pisani-Ferry, économiste, évoquait dans son rapport de 2023 pour le Conseil d’analyse économique que « La redistribution de la valeur créée doit impérativement inclure une meilleure prise en compte des salariés, sans quoi le contrat social au sein de l’entreprise risque de s’effriter durablement ».

Ce constat est plus que jamais d’actualité. Les NAO doivent redevenir un moment de réelle négociation, où les efforts et la performance des salariés sont justement reconnus.


Redonner du sens à la promesse sociale


En conclusion, les NAO ne doivent pas être uniquement le reflet de la politique de rigueur des entreprises. Elles doivent à nouveau devenir un moment privilégié pour redéfinir les engagements pris vis-à-vis des salariés. Réduire les salariés à de simples ajustements budgétaires est non seulement injuste, mais aussi contre-productif à long terme. La clé réside dans la transparence, l’équité et la volonté de valoriser les acteurs essentiels à la pérennité de l’entreprise.


Si nous voulons éviter que les NAO ne deviennent un exercice cynique, il est impératif que les entreprises assument leur responsabilité sociale. Elles doivent comprendre que leur avenir est indissociable du bien-être de leurs collaborateurs, et que la promesse faite aux salariés doit avoir autant de poids que celle faite aux actionnaires.


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☀️Céline PARREIRA

Assistante Relation Client & Assistante de Formation en Autoentrepreneur

1 mois

Et quand un autre syndicat devient complice de tout ça ? Ceux qui veulent défendre des avancées passent pour des gueulards. Démotivant au possible.

Faut-il dénoncer la déloyauté des négociations avec des personnes qui ne sont pas décisionnaires ?

Autrefois, sans doute, cela a été une négociation mais dans les grands groupes c'est devenu depuis longtemps une "communication". Celle d'un chiffre pondu par des financiers très loin du terrain, voire même du territoire. Du coup, on papote ventilation du budget mais plus du budget lui-même, ou si peu. Et histoire de donner un peu de corps à l'exercice, on en profite pour faire notre liste au père Noël et on lâche nos revendications en négociant pour qu'elles aboutissent à de futures négociations.

Daniel Lahaye

Directeur de banque a la retraite chez Société Générale

1 mois

Bah oui, elle n’en n’a que le nom. S’il n’y a pas d’accord, l’employeur fait ce qu’il veut de manière unilatérale. Je crains que ce soit ce qui arrivera ces prochaines années, sauf à changer l’équilibre

Pais Carlota Paulo

Business Analyst SI LBP

1 mois

Tiens ça me rappelle mon sujet de mémoire à Dauphine…

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