Neige artificielle : l’or blanc à tout prix / Artificial snow: white gold at all cost

Neige artificielle : l’or blanc à tout prix / Artificial snow: white gold at all cost

[English follows]

Les professionnels du secteur l’appellent neige technique, les scientifiques neige de culture - on parle communément de neige artificielle.

Pro Natura dans son magazine de janvier 2022 propose un dossier fouillé très instructif sur le recours massif à la neige fabriquée du point de vue de l’environnementaliste et du climatologue.

Débarqué des États-Unis dans les Grisons pour la première fois en 1978, le canon à neige est devenu indissociable des stations de ski et du tourisme hivernal en Suisse. La neige de culture représente aujourd’hui 53% de l’enneigement du pays.

C’est moins qu’en Italie (près de 90%) ou qu’en Autriche (70%), mais c’est considérable et surtout le phénomène continue de se développer puisque l’industrie espère ainsi contrecarrer (mais plus vraisemblablement retarder) les effets du réchauffement climatique sur le niveau d’enneigement dans les massifs alpins. Les relevés indiquent une diminution constante : depuis 1970, -50% de jours d’enneigement pour les stations situées à moins de 800m d’altitude, et -20% pour celles se trouvant au dessus de 2’000 m d’altitude.

Les industriels de l’or blanc estiment que la neige de complément préserve l’activité. Celle-ci assure environ 20% des recettes. Les enquêtes d’opinion disent que la population y est également favorable. Ainsi l’intervention de l’homme garantit l’enneigement pendant les vacances d’hiver. Professionnels du secteur et pratiquants soutiennent les canons à neige, pour les raisons qui leurs sont propres.

Cependant, ces raisons, d’ordre économique et liées à la pratique des loisirs de masse, se heurtent à d’autres arguments, exposés par Pro Natura, qui questionnent la technologie du canon à neige et au-delà la relation entre l’homme et la Nature.

Les estimations évaluent la consommation électrique [nécessaire à la neige artificielle] à 4273 gigawattheure, l’équivalent de Bâle, 3e ville du pays. 

La neige artificielle affecte la faune, la flore et le paysage. Elle a un impact directement sur les sols et indirectement en raison des quantités d’eau prélevées et des émissions. Les lacs artificiels d’accumulation stockent l’eau provenant des ruisseaux, rivières et lacs. 1m3 équivaut à 500 litres d’eau (4 baignoires). Les biotopes qui résident en basse altitude sont privés d’une eau nécessaire à leur renouvellement. Ceux situés en altitude sont modifiés en raison de l’apport en nutriments différents de ceux de l’eau de pluie. Si la grande majorité des installations sont légales, certaines sont remises en cause parce qu’elles empiètent sur les zones protégées (marais, prairies et pâturages secs).

Les canons à neige consomment moins d’électricité mais les progrès de la technologie sont malheureusement annulés par le recours croissant des stations de ski à l’enneigement de culture. Bilan : la consommation totale d’énergie de cesse de croître. Il n’existe aucune étude établissant le nombre exacte de canons à neige en Suisse. Les estimations évaluent néanmoins la consommation électrique à 4273 gigawattheure, l’équivalent de Bâle, la 3e ville du pays.

La neige artificielle revient cher. 1 km d’enneigement coûte 1 million de Francs suisses. Le coût d’exploitation pour une station est de 43’000 CHF par jour, soit le deuxième poste de dépenses derrière les installations mécaniques (120’000 CHF). Les pratiquants prennent 1/5e de la note, le reste revient aux stations ou aux différentes entités administratives du territoire (commune, canton, Confédération). Seul un quart des stations sont en capacité de s’autofinancer. Les autres ont recours aux aides publiques. Berne a ainsi débloqué 70 millions CHF au cours des douze dernières années pour soutenir le secteur.

Mais n’est-ce pas à chacun d’entre nous, citoyens, de faire autrement ? Adapter nos pratiques, quand bien même elles sont ancrées dans la tradition, afin d’atteindre une coexistence véritable de l’homme avec la nature ?

Le contribuable finance ainsi le maintien d’une économie de loisirs en dépit des défis climatiques, de la pression sur l’environnement, et de la fragilité d’un modèle économique qui ne peut assurer sa survie sans le recours à l’impôt. La logique politico-économique de préservation de l’industrie touristique autour de l’or blanc a jusqu’ici prévalu. Des améliorations à la marge avec des technologies plus respectueuses des biotopes sont développées.

Mais n’est-ce pas à chacun d’entre nous, citoyens, de faire autrement ? Adapter nos pratiques, quand bien même elles sont ancrées dans des traditions, afin d’atteindre une coexistence véritable de l’homme avec la nature ?

Je tiens à citer Bettina Epper qui a porté ce projet éditorial. Les chiffres sont issus des sources suivantes : Office fédéral de l’environnement (OFEV), Haute école spécialisée de Suisse orientale de Rapperswil, Institut pour l’étude de la neige et des avalanches de Davos, Office des statistiques du canton de Bâle-Ville, association Remontées mécaniques suisses (RMS), Secrétariat d’État à l’économie (Seco).

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The professionals in the industry call it technical snow, the scientists artificial snow - it is commonly referred to as artificial snow.

In its January 2022 magazine, Pro Natura offers an in-depth and highly instructive report [in French] on the massive use of artificial snow from the perspective of environmentalists and climatologists.

The snow gun (or blower) first arrived in Graubünden from the United States in 1978, and has become an integral part of Swiss ski resorts and winter tourism, since artificial snow now accounts for 53% of the country's snow cover.

This is less than in Italy (nearly 90%) or Austria (70%), but it is considerable and above all the phenomenon continues to develop as the industry hopes to counteract (but more likely delay) the effects of global warming on the level of snow cover in the Alpine massifs. Surveys show a steady decline: since 1970, there has been a 50% drop in the number of snow days for resorts located at an altitude of less than 800m, and a 20% drop for those located above 2,000m.

The white gold industry believes that additional snow preserves the business. It provides about 20% of the revenue. Opinion polls show that the population is also in favour. Thus, human intervention guarantees snow cover during the winter holidays. Both the industry and the public support snow guns for their own reasons.

However, these reasons, which are economic and linked to the practice of mass recreation, clash with other arguments, presented by Pro Natura, which question the technology of snow cannons and beyond that the relationship between man and Nature.

Estimates put electricity consumption [for artificial snow] at 4,273 gigawatt hours, the equivalent of Basel, the country's third largest city

Artificial snow affects fauna, flora and the landscape. It has a direct impact on the soil and an indirect impact through water withdrawal and emissions. Artificial snow lakes store water from streams, rivers and lakes. 1m3 is equivalent to 500 litres of water (4 baths). Biotopes at lower altitudes are deprived of the water necessary for their renewal. Biotopes at higher altitudes are modified by the supply of nutrients that are different from those in rainwater. While the vast majority of installations are legal, some are challenged because they encroach on protected areas (marshes, meadows and dry pastures).

Snow cannons consume less electricity, but the progress of the technology is unfortunately cancelled out by the increasing use of snowmaking in ski resorts. The result is that total energy consumption is increasing. There are no studies on the exact number of snow guns in Switzerland. However, estimates put electricity consumption at 4,273 gigawatt hours, the equivalent of Basel, the country's third largest city.

Artificial snow is expensive. 1 km of snowmaking costs 1 million Swiss francs. The cost of running a resort is CHF 43,000 per day, the second highest expense after mechanical installations (CHF 120,000). Users pay 1/5th of the cost, the rest goes to the resorts or to the various administrative bodies in the country (commune, canton, Confederation). Only a quarter of the resorts are able to finance themselves. The others have recourse to public aid. Berne has released CHF 70 million over the last twelve years to support the sector.

But isn't it up to each of us, citizens, to do things differently? To adapt our practices, even if they are rooted in tradition, in order to achieve true coexistence between man and nature?

The taxpayer thus finances the maintenance of a leisure economy despite the challenges of the climate, the pressure on the environment and the fragility of an economic model that cannot ensure its survival without recourse to taxation. The political and economic logic of preserving the tourist industry around the white gold has prevailed until now. Marginal improvements with more biotope-friendly technologies are being developed.

But isn't it up to each of us, citizens, to do things differently? To adapt our practices, even if they are rooted in tradition, in order to achieve true coexistence between man and nature?

I would like to mention Bettina Epper, who led this editorial project. The figures are taken from the following sources: Federal Office for the Environment (FOEN), University of Applied Sciences of Eastern Switzerland in Rapperswil, Institute for Snow and Avalanche Research in Davos, Statistical Office of the Canton of Basel-Stadt, Swiss Mountain Railways (SMR), State Secretariat for Economic Affairs (Seco).



Mireille Rousseaux

Direction générale de Dutra sa/nv

2 ans

Quel gachis écologqiue ! Qu'on arrête cela pour le plaisir d'une fraction de la population; Arrêtons de creuser les écarts sociaux.

Alain Rumpf

Rédacteur | Photographe | Athlète | Consultant en tourisme à vélo | Guide

2 ans

Des chiffres édifiants qui font réfléchir, merci. Pour ma part, je pense que la proportion de citoyens sensibles à cette problématique et susceptible de modifier leurs comportements est infime par rapport aux foules de locaux et de visiteurs qui se déversent sur les pistes chaque hiver. Il appartient aux politiques de mettre en place des stratégies et des financements pour assurer une véritable transition vers un tourisme 4 saisons dans les régions de montagne. Aujourd'hui, cela tient plus du slogan qu'autre chose. Cela reste un gros défi car on ne remplace pas les revenus du tourisme de masse des skieurs du jour au lendemain.

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