Pourquoi la voix de Camille Etienne et des écologistes woke nous crispe ?

Première “commande” d’une de mes connexions sur linkedin, qui m’a parlé de Camille Etienne, militante écologiste. Elle apparaît en tant qu’écologiste sur wikipedia, et apparemment c’est un métier.

Pour ceux qui ne la connaissent pas : née à Grenoble, étudiante à science po Paris, elle est une des plus illustres représentantes de la génération Y, éco-anxieuse, avec une forte conscience intersectionnelle, qui souhaite s’engager pour la sauvegarde de la planète et du climat par des actions médiatiques et militantes s’apparentant à de la désobéissance civile.

Elle est adulée par tous les médias progressistes possibles et imaginables, que ce soit Brut, Technikart , Vanity Fair ou Médiapart, où elle donne une très longue interview avec peu de confrontation de la part d’une audience “captive”.

Parmi ses coups d’éclat, elle a porté plainte, avec Cyril Dion, poète et militant écologiste, et Pierre Larrouturou, député européen, contre le gouvernement Castex dans son inaction contre le changement climatique. Elle s’est aussi opposée à la construction d’un oléoduc reliant l’Ouganda à la côte de Tanzanie, en Afrique de l’ouest. Enfin, elle est en général assez présente dans la sphère médiatique.

Avec la Wallonne Adélaïde Charlier et la Flamande Anuna de Wever, elle est une des figures de proue de l’écologie militante.

Son propos est disruptif, a priori représentatif d’une tendance de fond chez les jeunes diplômés métropolitains vis-à-vis des enjeux climatiques et sociaux, très relayés dans les médias, avec une conscience woke et féministe bien présente. 

Mais il est difficilement audible, aussi bien au niveau du contenu que du contenant. On va voir pourquoi, ainsi que les questions que cela peut engendrer.

Voix militante française

Les extraits vidéos qui ont servi à cette analyse sont les suivants : sa parodie des voeux présidentiels nommée les voeux intranquilles en collaboration avec Mediapart, une interview pour A l’air libre, toujours chez Mediapart.

Niveau posture, la tête avance beaucoup et crée une sur-accentuation de la lordose qui ne sert pas la voix. On le voit sur l’interview de Mediapart et sur les voeux intranquilles. Sur l’interview mediapart, les épaules sont très hautes et les gestes assez brusques, voire violents.

Là où c’est très paradoxal, c’est que les respirations de Camille Etienne sont audibles et plutôt profondes lors de son interview chez Mediapart. On pourrait donc s’attendre à quelque chose de plus posé, mais ce n’est pas vraiment le cas.

La f0 de la voix est assez haute, ce qui veut dire que la voix est aiguë. Elle est même limite déconnectée du corps avec un larynx haut qui montre que Camille Etienne est en voix d’insistance constante. 

La voix d’insistance, c’est une voix de stress, avec un débit de parole rapide, une déshydratation des cordes vocales qui provoque une fuite d’air et de la raucité, avec une posture où le haut du corps (clavicule notamment) est très sollicité. En tout cas, il y a du forçage vocal avec en prime certaines consonnes mal définies (les s notamment).

Quand on se penche plus attentivement sur certains moments de l’interview avec Mediapart, on entend des sautes de registre entre la voix de poitrine et la voix de tête, directe conséquence de l’investissement de la voix qui ne vient pas de la sangle abdominale mais de plus haut. La posture avec lordose (le cou avancé), respiration des SCOMs (le haut du corps est ultra mobilisé) et les jambes croisées en est aussi responsable.

Le débit de parole assez rapide avec des hésitations, donnant une impression de saccades du discours qui font que Camille Etienne peut être difficile à suivre, dans l’urgence constante au vu des enjeux climatiques du moment.

Quand on la compare par exemple à Anuna de Wever, on est assez choqué de la différence. La Flamande a une voix beaucoup plus constante en interview, plus ancrée dans la poitrine avec nettement moins d’éclats et de différences dans les intonations de la voix, et surtout sans sautes de registre.

Il est d’ailleurs assez étonnant de comparer les voix des écologistes françaises à celles qui viennent de Belgique, qu’elles soient flamandes (Anuna de Wever, Kyra Gantois) ou wallonnes (Adélaïde Charlier). Dans le premier cas, les voix sont difficiles à entendre (raucité, souffle dans la voix, impression de stress généralisé), et dans le second elles sont bien plus audibles et posées (propos plus assumés, peut-être un environnement plus policé ?). 

Stratégie

Dans l’interview de Mediapart, Camille Etienne pose la question de savoir si les écologistes doivent être rassurants dans les médias.

La question mérite d’être posée. En effet, le consensus est qu’il y a, à défaut d’un réchauffement, un dérèglement climatique et une accélération notable du rythme des catastrophes météos, qui constituent un vrai risque pour l’existence même de l’humanité.

Une fois ceci établi, la manière de communiquer dessus est une autre affaire. L’incarnation que Camille Etienne en propose peut effectivement choquer les auditeurs qui ne veulent pas entendre son argumentaire. Car il est énoncé avec une voix dans laquelle on ressent une grosse urgence (débit de parole) et du stress: inflexions, raucité, aspérité et voix qui reste en résonance de tête donc qui n’enveloppe pas forcément l’auditoire. 

La voix peut donc sonner agressive. Mais peut-il en être autrement au vu de l’urgence de la situation qu’elle décrit ? Et surtout, doit-elle être rassurante dans les médias, quels qu’ils soient?

L’urgence du propos en tout cas se voit et s’entend, au propre chez Camille Etienne comme au figuré. 

Mais la réaction de rejet vis-à-vis de la tonalité du propos se comprend aussi.