Est-ce moins prestigieux de publier son roman en autoédition ?
J’adore cette question, où la réponse est dans la question de celui qui la pose…
Le prestige de l’auteur…
L’envie – ô combien compréhensible – que sa plume soit reconnue par les « professionnels », qui sont, dans ce cas-ci, les éditeurs. Il est vrai que cela comporte une donnée valorisante : vous écrivez un texte, un éditeur le lit et se dit « bon sang de bonsoir, ça, c’est une plume ou je ne m’y connais pas ». Il vous appelle, vous propose un contrat, vous allez vendre 1 500 exemplaires et gagner trois francs six sous, râler contre la promotion qui ne sera pas à la hauteur de tous vos espoirs, et rester moins de deux mois en librairie, avant d’être mis au pilon. Ce n’est pas caricatural, c’est malheureusement la vérité que connaissent les premiers romans. Mais vous, auteur, vous êtes content, parce que vous vous sentez reconnu. Ça y est, c’est officiel, vous êtes édité et vous n’avez pas payé pour. Une forme de consécration résonne dans votre tête. You’re in da place ! (Quelle place ? ai-je envie de vous rétorquer, car rien n’est jamais acquis, surtout dans l’édition).
Cette fierté, je la comprends parfaitement et je la partage. Après tout, seulement 3 % des manuscrits trouvent une sortie dans l’édition classique, alors quand on rejoint la catégorie des élus, on peut bomber le torse et se féliciter. Les places sont rares, et ce qui est rare est cher (ce qui n’est pas vrai, comme vous le savez !).
Comme alternatives, il n’existe que deux voies. L’édition à compte d’auteur, dont je ne vais même pas parler ici car elle n’a pas pour moi d’intérêt (mais d’autres défendront sa cause, je n’en doute pas), et l’autoédition, sur laquelle je vais me pencher plus longuement.
L’autoédition suppose que vous preniez à votre charge tout ce qui concerne l’objet livre que vous souhaitez créer et commercialiser. Et quand je parle de charge, la balance est lourde : temps consacré au projet énorme, charge financière, et développement de multiples facettes de votre personnalité (correcteur, graphiste, illustrateur, commercial, distributeur, j’en passe et des meilleures). Beaucoup de livres autoédités sont très bons, d’ailleurs les auteurs Aurélie Valognes et Agnès Martin-Lugand ont commencé de la sorte.
Mais beaucoup sont mauvais et sont totalement décrédibilisés par le manque de sérieux et de professionnalisme que leur accordent leurs auteurs. Car oui, si vous vous lancez dans l’autoédition, vous allez devoir pallier l’absence d’éditeur avec tout ce que cela comporte (avis sur votre manuscrit, embauche d’un correcteur professionnel, mise en page, couverture, distribution etc.). Et pour ça, il n’y a pas de secret, il vous faut avoir recours à des prestataires externes pour obtenir un ouvrage de qualité. On ne s’improvise pas correcteur (pitié !), encore moins illustrateur en choisissant des photos qui ne sont même pas libres de droit.
Si vous voulez autoéditer votre livre, mettez-y les moyens. Mais le jeu en vaut la chandelle car vous gardez l’intégralité de vos droits et beaucoup de gens (dont moi) lisent des romans pris au hasard en autoédition. Il fut même un temps, il y a six ans, où j’achetais sur ma Kindle toutes les semaines un roman en autoédition pour voir, sentir un peu notre époque. Mais dès que je voyais une faute ou un contresens, j’abandonnais illico.Pourquoi ? Parce que je suis cliente et que je veux un produit de qualité, peu importe qui a pris en charge l’édition. Vous n’avez pas d’argent à mettre dedans ? Économisez quelque temps et ne publiez rien en attendant. Pensez à vos clients, aux lecteurs, ces gens qui payent pour avoir un vrai divertissement, une vraie littérature.
Je vais donc insister encore et toujours sur le client. La personne la plus importante de l’histoire. Le client fait confiance a priori aux petits artisans. Il aime le producteur de fromage de chèvre de son village. Il est même content d’aider en général les plus petits. À CONDITION QUE LES PETITS FASSENT DE LA QUALITÉ, SINON POURQUOI DONNER SON ARGENT ?
Vous l’aurez compris, ce qui enlève le prestige à l’autoédition, c’est le manque de rigueur des jeunes auteurs qui ne prennent pas au sérieux les règles de la littérature et d’un objet « fini », et qui, trop contents d’avoir mis un point final à leur texte, le commercialisent alors qu’il s’agit d’un « produit en-cours ».
L’édition classique n’est pas le Graal et beaucoup de romans qui en découlent ne sont pas particulièrement bons, même si nous sommes ici dans un domaine on ne peut plus subjectif. Les auteurs n’y sont ni riches ni spécialement valorisés. Les éditeurs ne sont ni odieux et condescendants, ils sont juste noyés sous une masse colossale de textes, obligés de faire le tri par le vide.
L’autoédition, si elle est bien faite, représente un réel coût. Avis littéraire, correcteur, graphiste, illustrateur, et pourquoi pas, attaché de presse… C’est un boulot d’entrepreneur et contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est également extrêmement valorisant. À la fin, vous avez VOTRE livre entre les mains. Vous avez tout fait, tout réglé, tout vérifié, tout payé. C’est votre bébé et vous ne le devez qu’à vous-même. Vous n’avez pas délégué à autrui vos droits, et oui, vous êtes un auteur à part entière. Je peux vous dire que j’ai croisé de nombreux auteurs en autoédition et qu’ils n’ont pas chômé, qu’ils ont la fierté au fond de leurs prunelles et qu’ils méritent des applaudissements.
Voici donc ma réponse : J’ai beaucoup d’admiration pour les entrepreneurs et pour les gens qui achèvent, avec professionnalisme, un roman. J’accorde autant de prestige à celui qui a envoyé son manuscrit à des éditeurs qu’à celui qui a tout pris en charge. Je regrette seulement que des gens moins respectueux de la littérature aient entaché l’autoédition par flemme, par manque de connaissance, par simple envie de mettre son nom sur un objet, sans penser au lecteur final, seul juge qui vaille !
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Romancier, enseignant de physique chimie, pharmacien
3yMerci pour ce billet très clair, qui remet en perspective les différents parcours d'édition et met un peu de baume au coeur. Et comme le doute est un ami fidèle de l'écrivain, ce type de questions se pose autant à un primo qu'à un octo-romancier.
Autrice, prof de lettres et créatrice de contenu culturel. Je veux susciter l'envie de lire et de se cultiver.
3yUn billet qui pose les choses telles qu’elles sont et remet les pendules à l’heure. Merci Georgia !