Élections européennes: de quoi parle-t-on?
En pleine campagne électorale européenne, on pourrait s'attendre à ce que les prises de position du gouvernement français sur les projets de directives sociales européennes fassent la une de l'information, ou tout au moins qu'elles soient débattues dans les grands médias, ainsi que les positions prises par les partis d'opposition sur ces sujets au Parlement européen (ainsi celles du Rassemblement national, qui s'est abstenu ou s'est opposé à ces projets). Manifestement ce n'est pas le cas. Aucun écho n'a été donné à l'opposition acharnée du seul gouvernement français au projet de directive sur les travailleurs des plate-formes. En fin de compte totalement isolé dans sa défense des intérêts d'Uber et ses semblables, le président Emmanuel Macron n'est pas parvenu à empêcher l'adoption de cette directive, finalement survenue le 11 mars.
En revanche il vient d'enregistrer un succès - également passé sous silence dans les médias - en parvenant à empêcher l'adoption du projet de directive sur le devoir de vigilance . Élaborée pour tirer notamment les leçons de la mort de 1100 ouvrières sous les décombres du Rana Plaza en 2013, ce texte aurait obligé les multinationales à recenser et, s'il y a lieu, prévenir ou faire cesser les incidences négatives de leurs activités sur les droits de l'homme (travail des enfants et exploitation des travailleurs, par exemple) et sur l'environnement (pollution, perte de biodiversité, etc.).
Les PME n'entraient pas dans le champ d'application de cette directive, qui avait vocation à s'appliquer aux entreprises suivantes:
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Comme le relate IR Notes dans son numéro 225 du 6 mars 2024, la France a voté contre le texte de compromis auquel le Conseil était ainsi parvenu avec le Parlement européen, l'Allemagne et l'Italie rejoignant le camp des abstentionnistes. Dans une conférence de presse la députée européenne Lara Wolters , rapporteur de la proposition et négociatrice du Parlement a déploré le fait que Emmanuel Macron, Georgia Meloni et Christian Lindner (ministre des Finances allemand) se soient battus 'pour que les entreprises de l’UE puissent continuer d’exploiter les enfants et détruire des forêts'. Le secteur financier avait pourtant été exclu du champ d’application de la directive à la demande de la France. Évoquant une « minorité d’entreprises » qui influence le Conseil et les États membres », Lara Wolters a accusé les patronats allemand (BDI) et français (Medef) d’avoir usé de toute leur influence pour torpiller ce texte.
Selon Isabelle Schömann, secrétaire générale adjointe de la Confédération européenne des syndicats, "Les États membres ont envoyé le message le plus dramatique qui soit à des millions de travailleurs, de consommateurs et de citoyens en Europe et dans le monde. Avec cette décision, ils placent les entreprises au-dessus de la loi et leur assurent l'impunité. En fait, ils se donnent à eux-mêmes, et en particulier aux entreprises de l'UE et des pays tiers et à leurs filiales, un chèque en blanc pour continuer à violer les droits de l'homme, en particulier les droits syndicaux et les droits des travailleurs. Il est d'autant plus inquiétant de constater que les non-votants et les abstentionnistes d'aujourd'hui l'ont fait sur la base d'arguments politiques et dogmatiques nationaux internes. Cela revient honteusement à marchander les droits fondamentaux de millions de personnes en Europe et dans le monde".
Psychologue, ergonome & juriste du travail
9 moisJe vous remercie pour ces précisions, nous rappelant que nos gouvernants s'opposent à la fin du travail des enfants et font aussi régresser les droits des travailleurs acquis au siècle dernier.
Confirmed expert in European social policies
9 moisMerci de rappeler que la défense des droits des travailleurs/travailleuses demeure un combat de tous les instants dans un monde numérique, globalisé et parfois déshumanisé
Expert in EU industrial relations
9 moisEncore merci de faire un si bon usage de notre travail au sein d'IR Notes. ;)
Direction de projets et du développement, manager transversal. Épaule des vivants, humains et non-humains
9 moisTout cela pour ne pas fâcher le Medef, sans cette directive sur le devoir de vigilance ( que les états étaient libres de transcrire ou non dans leur loi nationale comme toute directive) la CSRD risque de devenir qu’un exercice de rapportage de plus sans conséquences concrètes sur la responsabilisation des pratiques des entreprises.
philosophe-juriste (philosophie-philosophie du droit-droit du dommage corporel)
9 moisMerci beaucoup pour ce rappel. On désespère à la fois de la position de la France et (pour le moment) du relatif silence médiatique sur ces questions, silence qui permet au pouvoir en place de s'en tirer à bon compte sans être sanctionné ou désavoué par l'opinion. On le comprend aisément: c'est dans ce type de position que se révèlerait pourtant véritablement et en toute clarté la véritable nature des orientations politiques choisies délibérément. Ces positions n'auraient certainement pas l'assentiment majoritaire si elles faisaient l'objet d'un véritable débat public (voire pourraient bien finir par faire déciller les yeux des plus naïfs). De plus l'isolement de la France sur ces questions rend tout ceci encore plus manifeste.