Accuser son employeur, le Maire de Cannes,  de "favoritisme"​ constitue-t-il une faute grave?

Accuser son employeur, le Maire de Cannes, de "favoritisme" constitue-t-il une faute grave?

NON! Répond la Chambre Sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt rendu en date du 16 Décembre 2020 (n° 19-20.394).

➡Dans cette affaire, une salariée a été engagée le 24 septembre 1985 par le Groupement d'intérêt public (GIP) Cannes Bel Age, en qualité d'agent de collectivité qualifiée. Elle a été licenciée après près de 30 ans d'ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire pour faute grave le 7 octobre 2014 pour avoir adressé au maire de la ville de Cannes, membre du conseil d'administration du GIP, un courrier par lequel elle lui rappelait, lui avoir déjà fait part, lors d'un entretien, “du favoritisme dont bénéficiaient certaines personnes du GIP Cannes Bel Age qui accédaient aux places d'hôtesses, de directrices, suite à des appels à candidature mensongers”, avoir évoqué “ensemble l'injustice et certains passe droits” dont la salariée était victime depuis plusieurs années, lui avoir indiqué avoir “été spoliée à plusieurs reprises concernant les appels à candidature”, expliquant “que certaines personnes qui avaient le même cursus” qu'elle avaient “pu obtenir le même poste d'hôtesse”, et avoir sollicité, après lui avoir rappelé qu'il lui avait “promis de faire le nécessaire pour réparer ces injustices qui sont aussi une forme d'incivisme”, un entretien avec lui “car un poste de directrice va se libérer au mois d'octobre au club de la Frayère en vue d'un départ en retraite et un poste d'hôtesse sera vacant”.

La salariée a contesté son licenciement.

Le Conseil des Prud'hommes avait droit à sa demande et avait jugé que le licenciement dont elle avait fait l'objet ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

L'employeur avait interjeté appel contre cette décision.

Les juges de la Cour d'Appel ont infirmé la décision du Conseil des Prud'hommes, ont débouté la salariée de ses demandes et ont jugé que son licenciement reposait bien sur une faute grave aux motifs que ce courrier par lequel la salariée avait porté de graves accusations, comportait des commentaires malveillants et agressifs présentant un caractère manifestement injurieux à l'encontre de l'employeur et révélait ainsi l'intention de nuire à ce dernier en ce qu'il avait été adressé au maire de la commune qui était également membre du conseil d'administration du GIP.

La salariée a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

La question posée à la Cour de Cassation était donc de savoir si:

Adresser à son employeur une lettre contestant les conditions de promotion interne et l'accusant de "favoritisme" constitue-t-il une faute grave?

A cette question, la Cour de Cassation répond par la négative et sanctionne ainsi les juges du fond d'avoir jugé le contraire.

Pour la Cour de Cassation, dès lors que la lettre adressée par la salariée à son employeur était rédigée en des termes qui n'étaient ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs, bien qu'elle faisait état d'accusations de "favoritisme" , elle ne caractérisait pas un abus dans la liberté d'expression de la salariée, et donc ne constituait pas une faute grave.

⚠⚠⚠ REMARQUE: Pour rappel, les salariés sont tenus à l'égard de leur employeur à une attitude respectueuse. Ainsi, des propos déplacés ou des mises en cause de la direction peuvent justifier un licenciement. Dès lors, l'abus commis par le salarié de sa liberté d'expression  est passible de sanction disciplinaire.

L' abus  est caractérisé lorsque les termes utilisés par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. Il s'apprécie subjectivement en fonction du contexte dans lequel ces propos sont tenus, notamment au regard de la teneur des propos, de leur degré de diffusion, des fonctions exercées par l'intéressé et de l'activité de l'entreprise.


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