Article n° 33 – Actualité – Droit des sociétés : une société ne peut être responsable civilement tant qu’elle n’est pas immatriculée
Le thème de la reprise par une société des actes conclus avant son immatriculation alimente une jurisprudence abondante. Les juges rappellent en effet régulièrement qu’un formalisme très strict est requis et doit être respecté pour qu’un acte conclu par l’un de ses fondateurs avant l’attribution de la personnalité morale à la société soit repris par cette dernière :
- Soit l’acte devant être repris est expressément mentionné dans une annexe des statuts signés par les fondateurs en vue de l’immatriculation ;
- Soit, à défaut, l’assemblée générale des associés doit se réunir après l’immatriculation pour décider la reprise par la société de l’acte concerné
Car tant que l’acte n’est pas repris par la société (et lorsque cette reprise a lieu, elle a un effet rétroactif, de sorte que la société est réputée avoir été engagée dès la conclusion de l’acte), cette reprise n’ayant lieu que si ce formalisme est strictement respecté, c’est le fondateur qui doit répondre des éventuelles conséquences de l’acte, dans la mesure où il en est le signataire. En effet, selon les articles 1843 du Code civil et L. 210-6 du Code de commerce, les personnes qui agissent au nom d'une société en formation restent tenues solidairement et indéfiniment des engagements souscrits jusqu'à ce que la société, régulièrement constituée et immatriculée, reprenne ces actes à son compte.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a fait application, dans une décision récente (17.5.2023, n° 22-16.031), de ce principe, dans les circonstances suivantes. Deux anciens salariés d’une société d’ingénierie industrielle créent une nouvelle société qui utilise à des fins commerciales des données appartenant à la société d’ingénierie industrielle copiées par l’un des deux salariés fondateurs de la nouvelle société.
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La société d’ingénierie engage la responsabilité civile de la nouvelle société sur le fondement de la concurrence déloyale. Cependant, à la date des faits, la nouvelle société n’était pas encore immatriculée au RCS et ne jouissait donc pas de la personnalité morale. Le salarié fautif a donc engagé sa propre responsabilité, et non celle de la société nouvelle non encore immatriculée à la date des faits.
La société nouvelle n’étant pas encore immatriculée lorsque les données ont été dérobées et utilisées, elle ne pouvait voir sa responsabilité engagée. Le fondateur fautif a agi en son nom propre et non en qualité de mandataire social de la société nouvelle, laquelle n’avait pas encore nommé ses dirigeants.
Last but not least, la reprise par une société des engagements conclus avant son immatriculation ne porte que sur les contrats et non sur des actes unilatéraux constituant des faits délictuels….