De la mauvaise gestion des seniors !

De la mauvaise gestion des seniors !

Quoique le début puisse laisser penser, je ne me livre pas à une analyse politique de la gestion des seniors mais bien à quelques pistes de réflexions dans le cadre de la gestion des ressources humaines.

L’actualité européenne et principalement belge regorge d’exemples de la manière dont tant le monde économique que le monde politique envisagent, approchent la question de la gestion des seniors.

En effet, depuis plusieurs années, il est devenu évident que l’espérance de vie progressait significativement et conjointement à un maintien en excellente forme jusque la fin de vie.

Ces éléments ont placé au cœur de la gestion budgétaire des États la détermination de l’âge de la pension. Son augmentation rimant toujours avec contestation populaire. Et nous ne pouvons que comprendre cette contestation si rien, dans l’approche de ces questions, ne change comme nous le verrons ci-dessous.

Dans le même temps, les formes de mise à la pension anticipée ont été revues afin de les réduire au maximum et d’éviter ainsi de poursuivre l’alourdissement des charges de pension pour le budget des États.

Dans un tel contexte macro-économique, les employeurs se retrouvent confrontés (1) au maintien des seniors dans l’entreprise jusqu’à l’âge légal de pension et ce (2) dans un contexte d’évolution technologique s’accélérant chaque année un peu plus.

Pour nombre d’acteurs économiques, cette équation se transforme bien souvent en un véritable nœud gordien qui pousse certaines entreprises à recourir à des solutions aussi inadéquates qu’injustes pour les collaborateurs devenus seniors.

C’est l’actualité récente qui m’a inspiré cet article. Une société souhaitait à la fois réduire ses effectifs et ses coûts et a décidé de payer les collaborateurs de plus de 60 ans pour qu’ils restent chez eux à ne rien faire. 

En tant que citoyen, que client mais aussi que professionnel des ressources humaines, je trouve cette pratique inacceptable à l’instar des discussions autour de l’âge légal de la retraite.

Dans les deux cas, l’entreprise, l’État et les citoyens passent à côté du vrai débat, de la vraie question qui est comment aménageons-nous les fins de carrière afin de tenir compte (1) de la valeur ajoutée que tout collaborateur recèle, (2) de son âge qui demande peut-être à réduire la cadence et (3) de l’adéquation des profils avec les besoins des entreprises et notamment les aptitudes aux nouvelles technologies.

Je n’ambitionne évidemment pas de lister ici les solutions car pour moi ce débat doit être au centre de la gestion RH des entreprises et doit s’adapter aux réalités de chacune d’elles. Néanmoins, envisageons quelques idées :

- le temps de travail est majoritairement analysé entreprise par entreprise, pour toute une population. A mon sens, le temps de travail devrait être envisagé par individu sur une carrière entière. Cela permettrait à chaque salarié d’avoir un temps de travail plus logique vis à vis de l’évolution de sa vie privée. 

En effet, lorsque les citoyens critiquent l’âge de la pension, vous entendez : « je ne me vois pas poursuivre mon travail jusque 67 ans au même rythme ». Justement si dans les premières années de votre carrière, vous avez l’opportunité de peut-être travailler plus que 38 heures semaines et de créditer ainsi un compte temps, ce crédit pourrait être utilisé ultérieurement pour réduire votre temps de travail.

Il faut envisager le temps de travail comme une ligne dégressive plus élevée au début et plus basse en fin de carrière.

- découlant immédiatement de l’aménagement du temps de travail, il convient pour chaque entreprise d’anticiper l’évolution de sa population et de ce qu’elle peut / doit apporter à l’entreprise dans le futur. 

Pour reprendre l’exemple que je visais ci-dessus, je ne peux pas imaginer qu’un salarié de plus de 60 ans n’ait plus rien à apporter à l’entreprise à tel point qu’on préfère le payer à ne rien faire plutôt que de le payer à transmettre son savoir, à animer des groupes de réflexions, à jouer un rôle de mentor dans l’innovation, …

La solution de facilité consistant à payer pour se débarrasser d’un « problème » est choquante. J’ai eu l’opportunité dans ma carrière de travailler avec des collaborateurs parfois bien plus âgés que 60 ans et ils m’ont énormément appris et ont apporté à l’entreprise une véritable valeur ajoutée.

C’est le défi des directions des ressources humaines de trouver les solutions pour maintenir des seniors dans le circuit avec une typologie de travail et une charge différente. De toute manière, dans le cas sus visé, la valeur retirée par l’entreprise sera toujours plus importante que de laisser ses collaborateurs à la maison, à ne rien faire. Sans compter qu’une mise à l’écart comme celle-là, même acceptée par son bénéficiaire, peut vite impliquer des soucis de santé pour ce dernier qui risque de se trouver inutile s’il n’a pas suffisamment anticipé sa mise à la pension.

- les nouvelles technologies et l’aptitude des collaborateurs à leurs égards sont souvent citées comme raison de se défaire de collaborateurs plus âgés. Certes, le monde se transforme très vite et dans des directions qu’il est bien souvent difficile d’anticiper. Néanmoins, une société qui doit conclure que des collaborateurs sont devenus inadéquats en matière de recours aux nouvelles technologies est une société dont les ressources humaines doivent conclure à l’échec des politiques de formation.

En effet, il me semble crucial pour toutes les sociétés d’investir dans la formation des salariés au regard de leur poste mais aussi de maintenir un degré élevé de vigilance de ces derniers vis-à-vis des principales évolutions technologiques en offrant des outils et en s’assurant de leur utilisation par les employés.

Dans ma carrière, j’ai eu l’opportunité de travailler à des politiques de formation visant à augmenter l’employabilité des salariés dans un contexte de profond changement de business model. Cela m’a permis de constater qu’il est possible de changer significativement de profil de poste même s’il y a toujours des limites au champ des possibles.

Il convient de noter d’ailleurs que les technologies actuelles permettent d’offrir aux salariés une transparence importante sur les compétences associées à chaque poste et sur la comparaison avec les compétences détenues par chacun. Une fois ce matching associé à un outil d’offre de formation, le collaborateur peut s’il souhaite évoluer sur une autre fonction savoir exactement ce qu’il doit développer et l’effort qu’il devra fournir.

Par ailleurs, on pourrait également estimer que l’État devrait mettre à disposition des moyens d’apprentissage permettant par exemple à chacun de savoir ce qu’est le codage, en quoi cela consiste, ce qu’est un algorithme et pourquoi ils sont omniprésents dans notre existence actuelle, ce qu’est l’intelligence artificielle ou le machine learning, …

En conclusion, nous devons réellement nous battre collectivement afin de voir ces questions évoluer rapidement sans quoi les plans comme celui décrit ci-dessus vont se multiplier dans les prochaines années car le monde continue à évoluer beaucoup plus vite que les mentalités et la façon d’appréhender ces sujets.

Les pays d’Europe du nord me paraissent avoir une longueur d’avance dans leur approche de ces questions même si on peut toujours faire mieux et qu’il faut constamment rechercher à améliorer ces sujets.

Je n’ai pas les solutions miracles car elles n’existent pas mais je pense que pour peu qu’on anticipe la formation, qu’on change l’approche du temps de travail et qu’on travaille sur la charge et la typologie de travail, chacun peut aspirer à travailler plus longtemps et avec plaisir.

Cet article ne constitue qu’un hameçon pour la réflexion de chacun car tous ensemble nous avons la possibilité de changer les choses.

Olivier MOLL

Chief Operating Officer - COO at Anapaya

5 ans

J'ai connu une entreprise qui proposait à ses seniors, 2-5 ans avant l'âge légal de départ à la retraite, de réduire significativement leur temps de travail effectif (avec un maintien total ou quasi-total du revenu, je ne me souviens plus) et d'arrêter leurs tâches opérationnelles, avec pour contre-partie le fait de former et coacher leur remplaçant qui était un jeune sorti d'école. Le bénéfice est multiple: - montée en compétence du jeune réalisée par un véritable expert maison - coût, sur le moyen terme, relativement faible (senior + junior) versus le fait d'embaucher un remplaçant déjà expert (donc déjà relativement senior) - ré-assurance du junior - motivation et valorisation du senior

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