Guérir une phobie particulièrement complexe

Les conditions semblent parfaites. Je suis assis en face de Laure, prêt à entamer la septième session de notre programme de coaching qui doit en comporter huit. Nous nous sommes familiarisées l’un avec l’autre et avons développé une appréciation mutuelle. Cerise sur le gâteau : elle vient d’être élue partner de son cabinet, ce qui signifie également assumer des responsabilités mondiales dans l’accompagnement de l’industrie du luxe. Bien qu’elle adore toutes ces nouveautés, elle a généré une peur soudaine de l’avion. L’idée de monter à bord d’un appareil et même d’embarquer depuis un aéroport la terrifie désormais. Comme sortie de nulle part, une phobie est née !

Au cours des séances précédentes, elle a appris qu’avec l’EFT, la solution est souvent simple. Il suffit d’identifier la racine du problème et d’utiliser les phrases appropriées pour tapoter dessus. Alors, confiants que nous sommes, nous explorons les possibles ; peut-être que son angoisse est-elle due à :

* Une peur des nouvelles responsabilités ?

* Un manque de confiance en elle ?

* La volonté de ne pas « abandonner » sa famille en travaillant trop ?

* Une partie d’elle qui veut s’autosaboter ?

Etc.

Nous avons beau chercher et chercher encore, rien ne semble résonner en elle. Sa phobie reste intacte et a même tendance à s’aggraver parce que nous continuons à en parler et qu’elle commence à craindre qu’il n’y ait peut-être rien à faire pour la soigner. Nous cessons donc de considérer des déclencheurs qui lui soient spécifiques et nous démarrons l'exploration des angoisses plus universelles telles que la peur des hauteurs et la peur de la mort. Mais malgré nos efforts, nous ne pouvons que constater que nous ne progressons pas. 

Au bout de deux heures, un souvenir refait surface chez elle. Étrangement, ce qui remonte n’est pas foncièrement traumatisant. Elle avait une dizaine d’années et parcourait un livre de sciences pour enfants qui expliquait que si le câble d’un ascenseur se rompait, notre corps tomberait à la même vitesse que l'ascenseur, nous donnant la sensation d’être en apesanteur. Elle se souvient de sa terreur de petite fille à la lecture de ce livre et réalise que sa peur actuelle de l’avion est de même nature. Elle convient que sans doute, lorsque sa promotion lui a été signalée, elle a dû penser que la probabilité de vivre une panne en vol (avec sa phase en pseudo-apesanteur) serait plus importante et c’est ainsi que son cerveau a dû partir en vrille.

Pour faire décroître ce stress, je me mets à la tapoter sur les points d’acupressure de l’EFT en lui intimant de répéter la phrase « l’avion qui tombe et l’apesanteur ». Elle note enfin une baisse réelle dans son ressenti.

Mais ce n’est qu’une baisse. Il est clair qu’il y avait des problèmes plus profonds à régler.

D’ailleurs, elle « sent » bien qu’il y a autre chose. 

 Avec les techniques psychocorporelles, nous travaillons couche par couche pour découvrir les questions sous-jacentes, comme on pèle un oignon. Nous venons d’enlever une couche, Laure m’explique à ce moment-là que quand elle avait 10 ans, elle était une enfant très timide. Des rumeurs de futur divorce de ses parents flottaient dans l’air et elle ne se sentait en sécurité de manière générale. Selon elle, il fallait rassurer cette enfant dans sa globalité et pas seulement par rapport aux chutes. Je lui demande alors de fermer les yeux et de se laisser guider dans une détente semi-hypnotique en lui demandant de visualiser et de tapoter sur son moi plus jeune comme s’il était réel. Pendant ce temps là, je tapote la Laure en chair et en os aux mêmes endroits. Nous réalisons tous les trois (c’est-à-dire la petite Laure imaginaire, la grande Laure et moi) une espèce de coaching de guérison à travers le temps et l’espace. Au bout d’un moment, l’effet que j’espérais se produit, Laure me dit « La petite fille sourit, maintenant, elle n’a plus peur ». Je l’aide à ancrer dans son cerveau cette image afin d’y remplacer l’ancienne vision de la gamine effrayée.

Ma cliente retrouve le sourire radieux qu’elle avait dans les premières séances. Une pelure de plus avait été retirée de l’oignon, mais nous n’étions pourtant pas au bout du processus. Elle garde un reste non négligeable de boule dans le ventre lorsque nous évoquons ses futurs voyages en avion. Je la laisse se questionner et elle finit par déclarer :

— Je crois que par derrière toutes ces peurs, il y a une peur encore plus fondamentale, c’est la peur de vivre.

— Tu peux m’en dire un peu plus ?

— Oui, ma mère m’a raconté que mon accouchement fut très pénible. Elle disait « comme si tu ne voulais pas sortir ». J’ai l’impression que je ne me suis jamais sentie prête à « prendre mon envol ».

— Ouiiii lui répondis-je, c’est vraiment la peur de « prendre son envol »

Elle réplique :

— Mais de façon cartésienne, je ne peux pas croire cela. On ne peut pas faire ressurgir des mémoires si anciennes. Qu’en penses-tu ?

Je réplique que le fait que ce soit VRAIMENT vrai ou pas n’a pas la moindre importance. Ce qui compte, c’est que ça lui SEMBLE vrai. Ses peurs se basent sur ce ressenti. Peu importe que nous réparions un traumatisme réel ou que nous jouions à un grand jeu d’imagination. La seule chose importante, c’est qu’ensuite elle puisse prendre l’avion en se sentant bien. Je lui propose donc de faire le même travail que celui que nous venons de faire sur la petite fille de 10 ans en le faisant cette fois-ci sur le petit embryon à terme, juste avant qu’il ne sorte. 

Aussitôt dit, aussitôt fait et alors qu'elle s'exécute, la phobie disparaît totalement. Nous y aurons passé plus de quatre heures au lieu des trois initialement prévues. Ce travail nous aura laissés vidés, mais heureux.