"Le seul moyen de savoir si vous pouvez faire confiance à quelqu'un ou pas, c'est de lui faire confiance"
Je repensais à cette phrase du regretté Philip Kerr (auteur de l'excellente "Trilogie berlinoise"), en lisant l'essai de François Dupuy, "La faillite de la pensée managériale" ("Lost in management 2").
François Dupuy fait appel à la confiance, constatant que les autres modes de management ont montré leurs limites, voire échoué.
Le désinvestissement
L'état de crise permanente, qui a débuté lors des chocs pétroliers, a remis en cause le "travail protecteur".
Et la remise en cause de la protection a entraîné celle de l'engagement.
Les salariés se sont moins investis.
Face à ce désinvestissement, les entreprises ont tenté la coercition, par "un déluge de process, d'indicateurs de performance et de techniques de reporting".
Mais cette approche s'est révélée contre-productive : le "terrain" se protège par un respect strict des procédures, jusqu'à l'aberration, aux dépens de la qualité et de la satisfaction des clients.
Quelle alternative : la confiance ?
François Dupuy s'interroge sur la confiance, comme porte de sortie de ce cercle vicieux.
Confiance du management envers ses collaborateurs, des collaborateurs envers le management et enfin, des collaborateurs entre eux.
Il insiste sur sa dimension systémique : "Un monde sans foi ni loi ne permet pas la confiance : un monde surréglementé non plus."
Et introduit l'idée des règles du jeu, à définir par les acteurs eux-mêmes (et non ruisselant avec leur lot de KPI).
Il cite un exemple qui me plaît bien : le Tour de France. Les coureurs ont eux-mêmes défini des règles tacites, comme de ne pas rendre invivables les étapes les plus dures aux plus faibles (en "neutralisant" une partie du parcours). Ou encore de ne pas tout rafler, même si on est le plus fort dans toutes les disciplines.
Bref François Dupuy plaide pour que les dirigeants se concentrent sur les objectifs, et laissent à leurs salariés le soin de définir les moyens d'y arriver.
Et pour le management intermédiaire ?
Faire réellement confiance, déléguer, n'est pas une chose facile. En tout cas, c'est que je ressens à titre personnel, même si c'est gratifiant.
Plutôt que l'affirmation mille fois ressassée "la délégation n'exclut pas le contrôle", je préfère l'idée des règles du jeu.
Je trouve que, dans l'IT, l'agilité et le management 3.0 sont une déclinaison pertinente de cet appel à la confiance, en laissant aux équipes des marges de manœuvre dans leurs règles du jeu et la définition de leur performance.
Mais, bien entendu, il faut accorder du temps et de l'importance à la définition de ces règles. Il faut notamment penser (et c'est la difficulté), à celles qui permettront au management de s'assurer régulièrement que la délégation se passe bien (alertes, indicateurs, etc.). Pour que celui-ci puisse jouer son rôle de "coach" et d'aidant… et non aller à la pêche aux infos.
L'opus 2 de François Dupuy sur la crise du management est une mine d'idées… impossible de le résumer en un post. Ce sera pour les suivants !
Dirigeant d’entreprise chez BELLEGARDE AUTO
3 ansQuelqu’un qui cite Philip Kerr me donne déjà envie de lui faire confiance.
Contribute to the business transformation of SAP ✔noticed to get stuff done
3 ansMerci Vincent pour cette analyse dont je partage les principales conclusions. J'ajouterais "Confiance du management envers le management", afin de réduire les conflits de "pouvoir" qui mènent aux silos et autres ambiances délétères... J'attends la suite avec impatience! A+
Responsable Stratégie Marketing CEE BtoB chez EDF
3 ansCette notion de règles du jeu me rappelle le concept de cadre "dur / mou / flou" croisé en formation Corporate Agility