L’INTÉRÊT HUMAIN
Par François Morency, B. Ph., MBA
Homme de Vitruve, Léonard de Vinci (Dreamstime)

L’INTÉRÊT HUMAIN Par François Morency, B. Ph., MBA

Un employé dit à son patron qu’il génère beaucoup plus d’argent que ce qu’il gagne. Son patron de lui répondre : « S’il n’en était pas ainsi, je ne te garderais pas ». L’employé se fait confirmer — en temps réel — qu’il doit rapporter beaucoup plus que son salaire, s’il veut conserver son emploi. Les normes comptables établissent qu’un employé du domaine des services doit produire entre deux et trois fois son salaire afin d’assurer la rentabilité de l’entreprise. Les ratios classiques de la répartition des dépenses dans le domaine du service sont : 1⁄ 3 salaires, 1⁄ 3 dépenses d’opération et 1⁄ 3 profits. L’intérêt premier pour un employé est sa capacité de contribuer aux profits de l’entreprise : une unité de production.

Le COVID 19 — avec son lot de pénurie de main-d’œuvre — a changé la donne en se combinant aux aspirations des nouvelles générations. Auparavant, une personne conservait son emploi par peur du changement, identifiée comme un niveau de risque élevé. Les études américaines démontrent que 80 % des travailleurs détestent leur emploi. Le rêve n’a jamais été de faire une carrière afin d’obtenir une montre en or pour 30 ans de service, mais bien de prendre sa retraite le plus rapidement possible afin de se consacrer à ses véritables passions. Que dire de ce publiciste — au coup de crayon hors norme — qui rêvait de devenir un artiste-peintre à la retraite. Effectivement, il l’est devenu à sa retraite. Cependant, après quelques années, il est devenu aveugle. S’il avait vécu sa passion — dès son plus jeune âge —, aurions-nous connu un nouveau Monet, Dali, Picasso… Combien de génies avons-nous tués au nom du plus raisonnable ?

Voulez-vous prendre rendez-vous avec la passion ? Quel sera votre choix ? Préfériez-vous être opéré par un médecin qui déteste son emploi ou par celui qui obtient son diplôme apprenant que le minimum, avec seulement une note minimale de passage ? Poser cette question, c’est y répondre. Tout le monde recherche un médecin passionné par son art, qui a fini premier de sa promotion et qui est toujours au faîte des dernières innovations de sa spécialité. À bien y réfléchir, devrions-nous chercher un employé ou une personne passionnée par l’emploi et par l’entreprise qui l’offre ? Quelle est cette croyance qu’une passion n’est pas aussi payante qu’un emploi bien encadré selon des règles de production ?

Avant d’embaucher une personne, prenons-nous le temps de la connaître afin de lui offrir ce qu’elle aime, ce qui la nourrit, ce qui l’intéresse au point de ne vouloir aucune retraite ? L’emploi est-il une description de tâche ou la recherche d’un partenaire engagé ? Comme employeur, quelles conditions et adaptations sommes-nous disposées à lui offrir pour l’embaucher et surtout, pour la conserver à long terme ? Notre emploi est-il un moule auquel l’employé doit se conformer ou une expérience à exprimer?

Dans notre univers capitaliste, l’entreprise vise la rentabilité afin d’investir dans son développement, mais également dans son actif le plus essentiel : le capital humain. Le domaine du service repose sur les capacités humaines de générer le service rentable. Il est facile de se donner une mission en des termes d’offrir un service rentable. Dans le contexte de notre évolution planétaire actuelle, la vision de l’entreprise en fera une dimension unique pouvant lui attirer les ressources humaines distinctives pour réaliser sa mission.

Cette vision de l’entreprise contemporaine est constituée par sa contribution spécifique à la société qu’elle dessert. Sans cette contribution sociétale, l’entreprise ne sera pas en mesure d’assurer sa continuité. Sa raison d’être entrepreneuriale et visionnaire permet d’attirer autant sa clientèle que les employés donnant le service. Ces deux dimensions sont indissociables de la vision que l’entreprise met en marché. Imaginez offrir un service de garderie, quel pourrait être la vision d’une telle entreprise : garder les enfants en sécurité — occuper des enfants durant la journée — faire jouer les enfants… Ces visions pourraient combler un besoin ou remplir une fonction, sans faire aucune différence pour l’expérience des parents. La transaction devient simpliste : vous me payez, je garde votre enfant.

Si cette garderie affichait une vision différente : « nous sommes la deuxième meilleure mère pour vos enfants ». Est-ce que cette vision ferait une différence pour attirer l’attention des parents ainsi que celles des éducatrices : offrir une mère durant le jour. Cette vision devient une contribution distinctive pouvant être reconnue par des parents engagés. La vision propose un engagement ferme de l’entreprise à contribuer à la société. Cet engagement unit autant le client que l’employé dans la livraison et la permanence du service livré. La vision contribue au recrutement autant des clients que des employés. La force d’une vision est de créer un futur auquel l’entreprise devra constamment s’adapter, même après une centaine d’années d’existence. Elle sublime la transaction par l’engagement.

Nos entreprises devront devenir humaines par intérêt.



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