A quoi bon entreprendre ?

A quoi bon entreprendre ?


À chaque jour suffit sa peine, le retour des huissiers, le principe de proportionnalité mis à mal, Calimero et une lumière au bout du tunnel.


Dans un monde où l’information et les pressions se succèdent à un rythme effréné, l’entrepreneur pourrait adopter le proverbe : « À chaque jour suffit sa peine. » Cette maxime, qui semble contredire l’idée essentielle que « gouverner, c’est prévoir », reflète la réalité quotidienne d’un dirigeant d’entreprise. La quantité d’obligations administratives, d’imprévus et de tensions laisse peu de place à l’anticipation sereine. Pourtant, si prévoir est une nécessité, c’est souvent un luxe que les petites entreprises ne peuvent s’offrir.


Prenons un exemple récent : deux huissiers arrivent dans un de mes restaurants pour saisir du matériel. Motif ? Une dette à l’ONSS. Rien de dramatique en soi, sauf que la dette en question, un intérêt de 122 € sur un montant annuel de plus d’un million, avait déjà été payée dix jours plus tôt. Leur intervention n’avait donc plus lieu d’être. Mais voilà, leur venue entraîne des frais de commandement de 500 €, soit quatre fois la somme initiale. Ce genre de situation soulève une question cruciale : où est passé le principe de proportionnalité dans la gestion des affaires publiques ?


Loin de moi l'idée de critiquer l'État pour le plaisir. Il serait toutefois pertinent de repenser certaines pratiques qui, comme celle-ci, pèsent inutilement sur les entreprises, en particulier les petites structures. Pourquoi dés lors ne pas envisager des moyens de recouvrement plus efficaces et moins coûteux, tant pour les organismes publics que pour les entreprises ? Cette anecdote met en lumière un point fondamental : le système actuel, par son manque de souplesse, finit par être contre-productif. Dans une situation où un simple appel aurait suffi à résoudre le problème, on préfère envoyer des huissiers, engager des frais et ajouter à la charge mentale de l’entrepreneur, déjà bien occupé à gérer ses équipes, ses clients et ses fournisseurs.


Dans le même temps, j’apprends qu’un ouvrier s’est cassé le pied en jouant au football. Un mois à la charge de l’employeur, ça fait cher la partie de foot. Un autre ne pourra probablement plus jamais travailler à cause d’une addiction excessive. Il ne veut pas démissionner et attend que je le licencie. Après avoir payé son premier mois de salaire garanti, il faudra dès lors m’atteler à la périlleuse quête du C4 médical. Le Graal de l’employeur… recherché par une partie des malades de longue durée. Et je ne vous raconte pas le nombre de cas avérés qui travaillent au noir ici ou ailleurs ! Malheureusement, lors de ces cinq dernières années « pastèque », la législation sociale a encore complexifié cette procédure, sous-entendant que l’employeur est de facto responsable des aléas de la vie privée de ses employés. Les entreprises sont aujourd’hui les vilains petits canards de notre société. Et non, je ne fais pas mon Calimero :-)


Ces exemples ne sont pas des plaintes, mais des faits. Ils illustrent un dysfonctionnement systémique. Ce n’est pas seulement un problème d’administration ou de bureaucratie, c’est un problème d’équilibre. Il est de plus en plus difficile pour les entreprises de naviguer dans un environnement où les règles, bien qu’instaurées pour de bonnes raisons, finissent par entraver ceux qui font fonctionner l’économie.


Je suis un ardent défenseur des principes de redistribution des richesses, d’une sécurité sociale forte et de l’aide aux plus démunis. Une société se régule toujours en pendule. Les excès passés des employeurs ont entraîné une série de mesures bénéfiques au bien-être des travailleurs. Bravo. Mais force est de constater qu’il serait peut-être temps de faire revenir le pendule à son point d’équilibre. Il est devenu épuisant d’additionner chaque jour les aberrations d’un système injuste qui profite à ceux qui le méritent le moins, mais qui est financé par ceux qui en font le plus.


J’ai lu attentivement la note sur la table des partis « Arizona ». Même si on est encore loin du monde parfait pour entreprendre, il faut souligner que pas mal d’incohérences devraient être en passe de disparaitre. Inchallah ! L’accroissement des jours d’absence pour cause de maladie sans certificat en était une de taille… parmi tant d’autres ! Cela laisse entrevoir une faible lumière au bout du tunnel. Cette lueur d’espoir est essentielle au développement du tissu entrepreneurial belge.


Finalement, ce qui est en jeu ici, c'est la capacité de l'État à créer un cadre juste pour tous. Les employeurs ne sont pas des vilains à abattre, pas plus que les salariés ne sont des profiteurs systématiques. Mais il devient urgent de rétablir un équilibre. Les excès des uns nuisent à l’ensemble. Il est temps de trouver des solutions qui favorisent la croissance et l’épanouissement de chacun, sans sacrifier les principes de solidarité.


En fin de compte, entreprendre reste un acte fondamentalement optimiste. Mais cet optimisme doit être soutenu par un environnement propice, où l’on peut gouverner en prévoyant, sans être constamment rattrapé par des incohérences administratives. L'objectif n'est pas de critiquer pour critiquer, mais bien de proposer des améliorations concrètes. Changer ces petites aberrations permettrait de libérer une énergie précieuse, celle qui fait vivre nos entreprises et, par extension, notre société tout entière.

Olivier Colin

Strategist | General Manager | Business Transformation | Economist

3 mois

Je partage ton analyse de A à Z. Malheureusement les lois sont souvent écrites par une administration qui n’a jamais osé entreprendre quoi que ce soit. C’est même l’opposé puisque la plupart sont nommés à vie.

C'est le pot de terre contre le pot de fer ! Un "Bras de fer" qui, en frais avocat et de procédures , va coûter cher. Et je m'aperçois, tel le bourgois gentilhomme de Molière, que je fais des vers, sans en avoir l'air. Avec une pointe d'humour, dans ce calembour. 😅

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