Convocation à un entretien préalable de licenciement

Convocation à un entretien préalable de licenciement

La lassitude de Julien commence à transparaitre bien qu’il continue à faire ce pour quoi il est payé. Sa jeune responsable hiérarchique n’arrive pas à avoir de prise sur lui. Elle ne se sent, sans doute pas légitime face à lui et la réciproque est vraie. L’incompréhension augmente et au lieu de décider de le prendre comme il est, elle s’obstine à vouloir à tout prix le sortir de sa « zone confort ». Elle veut le faire grandir et le remettre dans le « mindset » de l’excellence dans l’exécution. Lui ne supporte plus d’être pris pour un débutant par sa jeune responsable. Il a l’impression qu’elle le prend pour un con. Lui aussi finit par se considérer comme un raté. Il n’est plus fier de son travail et en parle souvent à ses proches avec un certain dénigrement. Le ton de sa chef qu’il juge condescendant l’agace ainsi que les remarques, qu’elle lui prodigue lors des tournées terrain, le déstabilisent. Il a perdu confiance en lui et devient de plus en plus susceptible.

Instruction du dossier

La direction commerciale a demandé à Elodie de reformater l’élément perturbateur de l’équipe, celui qui est le moins réceptif aux consignes. Julien commence à montrer des attitudes déviantes bien que continuant à « délivrer » le résultat demandé. Elle le trouve "nuisible pour ses camarades" comme elle l’a écrit sur sa dernière évaluation. Les nuisibles il faut les éliminer. Il se refuse obstinément à appliquer les nouvelles règles édictées de l’agressivité commerciale. Elodie fera donc tout pour reconditionner ce salarié périmé qui a visiblement besoin d’un sérieux recadrage et dont l’expérience lui a fait prendre des libertés avec la méthode et dont le « relationnel avec ses clients nuit à son agressivité vis-à-vis d’eux».

Pour cela, elle va commencer par tourner très régulièrement avec lui afin de corriger toutes ses sales manies acquises au cours des ans, qui peuvent s’assimiler à ce qu’on appelle l’expérience, comme par exemple une certaine complicité avec les clients qui l’empêche d’être ambitieux. De plus, Julien montre une attitude moins enjouée lors des réunions. La preuve, il est allé se coucher dès vingt-deux heures ce qui montre son manque de cohésion.

C’en est assez et pour le lui faire comprendre, la direction demande à Elodie de chercher la faute professionnelle pour constituer un dossier. Pour cela, elle effectue des visites clandestines chez les clients de Julien et vérifie si les positions annoncées dans le logiciel de son ordinateur sont exactes. Elle cherche ses manquements avec détermination et, bien évidemment, elle découvre, sans doute avec une certaine satisfaction du devoir accompli, qu’il a déclaré quatre bouteilles de boisson à fraise bio positionnées sur l’étagère d'un Super U alors qu’elle n’en constate que deux. Elle prend la photo qui constituera une preuve indiscutable. Pour compléter son œuvre de salubrité, elle constate dans le rayon d’un Monoprix, deux jours après son passage, une bouteille aromatisée de la marque du Groupe périmée, parmi les dizaines en place, que Julien a omis de retirer de la vente ! Son sort est scellé ! Julien est périmé lui aussi, elle va le retirer.

Rupture

Forte de ce solide dossier, Elodie prend rendez-vous avec Julien en fin de matinée dans un café en bas de chez lui sous le prétexte de faire un Point Sur Activité. Ce jour-là, Julien s’est levé à 3h00 du matin pour réimplanter le rayon boisson d’un magasin Leclerc et arrive tout fier. Il est fatigué et sale n’ayant pas eu le temps de prendre une douche. Elodie l’attend, l’air soucieux, attablée devant un café, les mains posées sur un dossier rose. Il arrive, essoufflé, s’excuse de son léger retard, mais le chantier a été plus long que prévu. Il lui montre quelques photos de sa réalisation qu’il vient de poster sur Workplace lui ayant permis de gagner de fortes positions dans un point de vente important. Après un échange de banalités, elle finit par trouver le courage de lui tendre une feuille lui signifiant la remise d’une convocation en main propre (qu’il n’a visiblement pas), pour un entretien pouvant le conduire à des sanctions allant jusqu’au licenciement. Il est également indiqué que le Groupe attend des explications sur des griefs qui lui sont reprochés. Aucune indication quant à ses supposés manquements ne lui est donnée et il a une semaine pour constituer une défense sur des reproches qu’il ne connait pas encore.

Le monde de Julien s’écroule tout à coup. Il ne comprend pas. Aucune alerte ne lui avait été faite quant à des supposés manquements. Il hausse le ton « tu ne peux pas me faire ça ! Tu ne te rends pas compte des conséquences ! » Il arrache le document des mains d’Elodie qui se déchire en deux et se retrouve avec la partie requérant sa signature. Il s’en va furieux et décontenancé avec son bout de papier dérisoire. Il réfléchit, se calme puis revient, signe d’une main tremblante, le morceau de la convocation et le tend à sa chef puis repart sans dire un mot. Cette scène pathétique ressemble plus à une rupture de la part d’une maîtresse ne sachant pas s’y prendre pour rompre avec son amant trop âgé pour la satisfaire dorénavant, qu’à l’annonce d’un possible licenciement. La patronne du café qui connaît bien Julien et sa femme, fera un commentaire à cette dernière sur la scène dont elle a été le témoin et dont le quiproquo confine plus au théâtre de boulevard. En rentrant chez lui, Julien, constate sur son téléphone qu’il vient d’être « lové » sur Workplace par la Directrice Générale en personne et « liké » par le Directeur Commercial pour les photos qu’il a postées de son implantation de rayon du matin. Elodie se fendra également d’un petit commentaire élogieux. Ils sont devenus fous !

En attendant, Julien a une semaine pour rassembler tout ce qu’il peut trouver comme éléments à décharge. Il visite fébrilement tous ses clients, prend à son tour des photos, cherche les erreurs qu’il aurait pu commettre, relit toutl’historique de ses mails et cherche ceux qui pourraient l’aider à le disculper. Il se constitue un dossier de défense sur tout et n’importe quoi. Pendant la semaine qui le sépare de l’entretien, Julien ne dort pas. L’imprimante crache du papier encontinu. Il rumine, se lève au milieu de la nuit pour éditer un mail auquel il vient de penser ainsi que des SMS envoyés à sa chef la prévenant de divers dysfonctionnements. Il s’imagine renvoyé. Il a honte. Il pense à la chanson d’Eddy Mitchell,

 « il ne rentre pas ce soir » :

« Il se décide à traîner

Car il a peur d’annoncer

A sa femme et son banquier

La sinistre vérité.

Être chômeur à son âge, 

C’est pire qu’un mari trompé,

Il ne rentre pas ce soir. »

Pourtant, il rentre et sa femme le soutient. Ils font ensemble des conciliabules dans la cuisine en fumant cigarette sur cigarette. Les enfants imaginent que les parents vont divorcer ou que quelqu’un de la famille est mort. Plutôt que de les laisser s’inventer des scénarios, Julien décide de leur dire la vérité. Les enfants sont rassurés. « Tu es le meilleur papa, tu vas t’en sortir ! ». Cela renforce la détermination de Julien qui en fait maintenant une questiond’honneur. A la veille de l’entretien, il s’est constitué dans un épais classeur rouge, tous les éléments qu’il a pu rassembler prouvant son innocence.

ANTOINE Chaignot

Enseignant Éco-Droit chez MINISTERE DE L'EDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE

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