Le Je contre le Nous
« Quand je veux, si je veux », « J’ai besoin de x jours de télétravail… », « Je ne suis pas ok avec ces règles, ça ne me va pas… », « J’arrive quand je peux, en retard ce matin car je suis sorti hier soir… », « Ce qui compte pour moi c’est le sens et mon épanouissement… ».
Le « moi je », le « moi d’abord » gagne sans cesse du terrain dans l’entreprise au détriment du collectif, du cadre et du non négociable et la difficulté à se soumettre à l’autorité s’amplifie et déconcerte les managers que l’on forme. Sous des aspects protéiformes, l’individualisme à outrance vient saper les bases de ce qui fabrique un collectif : qu’on l’appelle équipe, corps social, collectivité… la crise récente ne fait qu’accélérer une tendance de fond et séculaire.
Les signes sont de plus en plus visibles : difficultés à respecter et à admettre tout cadre contraignant (« au nom de quoi »?) refus de toute forme de frustration (« mon bien-être prime »), rejet de la notion de devoir (« je procède de moi-même »), nausée face à l’obéissance (c’est déjà un gros mot), refus de l’exigence (ce sera bientôt un gros mot), contestation des codes vestimentaires (« soyons cool »), irritation devant tout ce qui ressemble à des normes, cadres et contraintes collectives (« être authentique, être soi-même »)
Le désir de l’individu moderne de ne plus accepter d’être dominé par toute forme d’autorité s’impose partout, dans tous les recoins de toute vie sociale et rejette aux oubliettes de l’histoire toute forme de dépendance collective ou à autrui.
L’obsession maladive du besoin d’affirmer son identité singulière se lit dans les exhibitions de soi sur les réseaux sociaux : selfies, likes, auto-complaisance… la libre gouvernance de soi témoigne plutôt d’une profonde angoisse d’insécurité et d’une estime de soi fracassée.
La suprématie de l’éthique individualiste, la primauté du bien-être, niaiserie confondante et dernière mode infantile du management démagogique, le ressenti personnel présenté comme l’alpha et l’oméga de la liberté individuelle, l’impératif du plaisir immédiat, la course à l’authenticité amènent partout des demandes identitaires extravagantes. Elles sapent le socle de l’identité collective et atomisent le corps social de l’entreprise.
Ce ne sera pas dans la démolition des racines, des valeurs passées, des normes collectives que l’on bâtira des équipes performantes et des salariés motivés et, pourquoi pas, heureux.
Parce que notre singularité s’inscrira toujours en référence à ceux qui nous ont permis d’être ce que nous sommes, parce que notre liberté n’a de sens qu’en référence à un cadre contraignant qui en définit le principe et la nature, parce que notre créativité et inventivité n’ont de sens qu’en référence aux interdits qui nous obligent à l’intelligence, parce que je ne peux dire Je que parce que d’autres m’ont dit Tu.
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Parce qu’aucun individu ne peut s’élever, apprendre, se développer, grandir sans référents, c’est-à-dire sans une autorité qui modèle mon développement et me permet l’autonomie.
Pace que notre individualité n’a de sens qu’au travers le regard de ceux qui nous ont construit et défini, qu’au travers de l’histoire dont nous sommes héritier, qu’au travers des valeurs collectives qui nous permettent d’affirmer notre singularité.
Il faut enseigner à nos managers, plus que jamais, que la motivation et le développement des hommes ont besoin de contraintes, de cadre et de l’autorité pour produire de l’énergie et de la performance. A eux d’en faire des contraintes motrices, de celles qui permettent de se dépasser, d’apprendre, de gagner des rives nouvelles.
Cela demande beaucoup d’humanité, d’humilité et d’exigences. Un leadership assumé capable de construire des équipes performantes, un monde plus juste, solidaire et vivable.
Serge GRIFFON, Néom, l’infini des possibles.
DIRECTRICE RESSOURCES HUMAINES ZONE SUD chez Descours & Cabaud
7 moisCher Serge, quelle juste analyse. 🙂
Directeur de Projets Senior
7 moisMerci Serge de cette belle analyse, je regarde plus en détail et t'écrirai mon humble retour Bien à toi
Je vous accompagne pour créer des parcours de formation Management et Softskills qui font la différence ⤵️
7 moisArticle très intéressant Serge Griffon qui mérite réflexion avant de le commenter. 😀
Être au bon endroit au bon moment |Accompagnement de Dirigeants et de leurs équipes I Coaching et Séminaires I Aménagement et optimisation des espaces de travail
7 moisMerci pour ce rappel fort bien écrit et analysé